Une pincée de Sichuan, une louche de Yunnan, fin des chinoiseries

J 211 à 222 / de Xichang à Mohan / 714 km

  • 01/11/16 Xichang – qqpart = 90 km / + 720m
  • 02/11/16 … – 50km avant Panzhihua = 95 km / + 1280m
  • 03/11/16 … – Panzhihua = 46 km / + 530m
  • 04/11/16 … – Yongren = 89 km / + 1550 m
  • 05/11/16 … – Kunming = 20 km à vélo + 220 km en bus
  • 06/11/16 … – Pu’er = 16 km à vélo + 400 km en bus
  • 07 & 08 Pu’er = Repos
  • 09/11/16 … – Dadugang = 72 km / + 700 m
  • 10/11/16 … – Mengyangzhen = 52 km / + 440 m
  • 11/11/16 … – Menglun = 52 km / + 350 m
  • 12/11/16 … – Mengla = 80 km / + 1200 m
  • 13/11/16 … – Mohan = 50 km / + 500 m

 

 

Oh putain le retard dans le récit, j’vais jamais me souvenir de tout !

  • « Ophélie, mon chaton, on a fait quoi ces 13 derniers jours ?
  • Bah du vélo, blaireau. Et un peu de bus.
  • Ah oui, c’est vrai, suis-je bête, pardon de t’avoir dérangé. Dois-je continuer à te masser les mollets ? Je commence à avoir mal aux doigts, ça fait 3h quand même.
  • Fermes-là
  • Mais, ma douce licorne, j’ai le blog à mettre à jour et tout et tout…
  • T’as toute la nuit pour le faire tête de nœud
  • Oh. Je comptais dormir mais c’est une bonne idée. Tu es formidable !
  • Tu feras ça dans les chiottes, je veux pas entendre tes sales doigts taper sur le clavier.
  • Super ! Dommage que ça soit des chiottes à la turc mais super !
  • Et n’oublies pas de graisser ma chaîne et de réparer ma crevaison lente, j’veux qu’on parte aux aurores demain matin. Réveille-moi à 10h. Je prendrais des croissants au p’tit dej’
  • Génial ! Heu, pour les croissants, ça va être compliqué, on est en Chine mon lapin
  • Tu te démerdes. Si t’en trouves pas, prends-moi un moka au café
  • Ah ah ah ah ah ah, tu es si drôle poussinou !
  • Je ne plaisante pas. »

Voilà, fin de cette petite parenthèse sur mon quotidien de « tyran ».

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On avait terminé l’article précédent sur : « … on sera content de remonter sur les vélos demain pour de nouvelles côtes, quelques coups de klaxons, un temps ensoleillé, des gens souriants qui font coucou et, rêvons un peu, des beaux coins de bivouac. »

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Et PAF, on a tapé dans le mille ! Beau temps, gens sympas, presque plus de klaxons et 2 bivouacs d’affilé ! Et les 2 en bord de rivière où on a pu se laver. C’était des affluents à l’eau bien clair, on n’a pas osé le faire dans la grosse rivière, pas sûr que le mercure, le cyanure et les pesticides soient très bon pour la peau.

La route est agréable (pour les yeux, un peu moins pour les cuisses), on traverse des petits bleds, tantôt animés par des marchés de fruits et légumes, tantôt amorphes à l’heure de la sieste. Plus on descend vers le sud, moins le chinois est actif semble-t’il. Un chinois qui fait la sieste, vous vous rendez compte ? C’est comme si on disait « un coréen qui bosse moins de 60h par semaine » ou « un Texan qui n’aime pas les armes ».

Dans un resto, Ophélie, hésitante, demande un «  Chao Fan » (riz sauté). La nana fait oui de la tête, elle a compris direct! Ophélie est trop fier et confirme que c’est pour nous 2. Et hop, un double-échec de plus, on se retrouve avec de la viande et des tripes dans un bouillon avec de la salade. J’ai la dalle alors je bouffe tout, Ophélie se contente d’un bol de riz. Un classique.img_7913

Après ces 2 bivouacs, on arrive à Panzhihua, ville sans intérêt hormis une steackhouse où on se tape un bon bout de viande, des frites et avec un verre de rouge. On passe l’après-midi à comater sous la clim de l’hôtel.img_7900

Le lendemain, on se mange une grosse étape. Openrunner indiquait un col à 1600m ; prévoyants, on fait le plein de fruits et d’eau à 1000m et on sort notre grande phrase habituelle qui nous porte la poisse :« dès qu’on trouve un coin sympa, on s’arrête ». On trouve rien, le paysage est superbe mais rien n’est plat ou tout est cultivé. Et ça monte, ça monte… 1200m… 1400…1600…1700… c’est quoi ce bordel ?…1800… 1900m… c’est bon on y est… ah non, ça monte encore là-bas, grouille, il va faire nuit… 2000m, ça y est !… On entre dans le Yunnan ! Oh regardes Ophélie, elle est sympa cette aire de repos, y’a des tables, on pourrait bivouaquer… grmbl grmbl grmbl, j’veux une douche moi, steuplé, y’a plus qu’à descendre… ok, on descend… 15 km, la fin dans le noir, heureusement qu’il n’y avait pas de nid-de-poule, on ne voyait plus rien.p1110285

On trouve un hôtel juste à l’entrée de la ville, montons les sacoches et filons dans un boui-boui-riz-à-volonté. Pfffiiou, grosse journée avec plus de 7h de pédalage, j’ai un début de douleur dans les rotules. Ophélie a la pêche en ce moment, on dirait un lapin Duracell, jamais vraiment fatiguée (sauf quand je chante en chinois).

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Photo prise à Xichang

On repart au matin, les jambes sont ok pour attaquer le dénivelé et les quelques jours de vélo qui nous séparent de Kunming où l’on compte prendre un bus. Mais on se rend compte qu’on a eu, comme souvent, les yeux plus gros que les cuisses et qu’on risque d’être un peu short pour être à Chiang Mai à la fin de l’année sans avoir à bourriner tous les jours à travers le Laos et la Thaïlande. Ça serait dommage de ne pas pouvoir glander un peu dans ces beaux endroits. Donc en passant devant le terminal de bus de Yongren, on décide subitement d’y aller et de prendre un bus pour Kunming, s’épargnant 4 ou 5 jours de vélo. Heureusement qu’on n’a pas vu le bus avant de prendre nos tickets sinon on aurait fait demi-tour. Il est tout petit et notre bardas remplis presque toute la soute, on pensait pas que ça pouvait rentrer, mais si !p1110292

3h plus tard, nous sommes à Kunming, capitale du Yunnan, 5 500 000 habitants. Nous qui n’aimons pas les grandes villes, on apprécie celles de Chine dans lesquels il est aisé de circuler à vélo grâce aux voies dédiées. La ville est gigantesque et on pédale 18 km pour aller de la gare au nord au centre-ville. On tente l’auberge de jeunesse conseillé dans les guides : hôtesse parlant anglais, quelques backpackers sur leur smartphones, déco trop hype et lits en dortoir. Le tout pour le prix d’un hôtel. Donc hôtel. On en tente 2 ou 3 où on se voit refuser, ils ne disent pas pourquoi, ils font juste non-non-non avec la main, ça me rend dingue, je sais que c’est pas leur faute, qu’ils n’ont peut-être pas d’autorisation pour accueillir les « aliens » mais ça me rend dingue. Je pars en levant les 2 pouces et en lâchant un très cynique « Welcome in China ». Le cynisme n’existe pas ici, alors ils me sourient en faisant coucou et ça m’énerve encore plus.

On finit par en trouver un au bout d’une ruelle pleine de petit restos et comme on a une dalle pas possible, on va dans 2 différents : raviolis fourrés dans le premier et omelette-tofu-frites-riz dans l’autre. Oui, j’ai une mémoire très sélective, la bouffe d’abord, ensuite les bivouacs, le reste s’efface très vite.img_7939

Dans cette même ruelle, on peut déguster d’autres mets locaux comme des insectes grillés ou du clébard. Donc oui : ils bouffent bien du chien les chinois ! Jusque là, on n’avait vu que des indices comme des chiots dodus en cage ou des photos de bergers allemands dans des boucheries. Malgré ma répugnance pour les animaux morts, vous me connaissez, j’ai bien regardé et ça ressemble beaucoup à de l’agneau. J’ai pas goutté, je n’avais plus faim mais ça a l’air bon. Pour les insectes, on aura d’autres occasions de tester mais je pense que ça n’a que le goût de l’huile dans laquelle ils ont grillés.

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Aller, donne la papatte ! Voilà, bon chien ! Très bon chien !

img_7949Le lendemain, 16 km pour rejoindre le terminal de bus au sud de la ville, ça roule tout seul dans ce flot de scooters électriques. Les bus sont grands et les vélos rentrent dans les soutes sans avoir à jouer à Tetris. 6h plus tard, nous débarquons à Pu’er, ville à taille humaine où nous décidons de rester 3 nuits. La ville n’a rien de particulier mais , attention, liste numérotée, j’adore, ça faisait longtemps :

  1. Grosses étapes + Bus = Fred a des rotules en verre pilé. J’avais déjà eu ça une fois au Chili et ça n’avait pas empêché d’envoyer du lourd ensuite sur la Careterra Australe. Donc pas d’inquiétude, un peu de repos, bien s’hydrater et c’est reparti.
  2. Il pleut, la mousson s’attarde cette année, ça ne motive pas
  3. Le petit dej’ de l’hôtel est inclus. Ça pèse encore plus lourd dans la balance que les douleurs aux genoux, j’aurais dû le mettre en numéro 1
  4. La ville n’a pas grand intérêt mais elle est agréable, y’a des palmiers et un Walmart. Oui, on a honte d’aller au Walmart mais c’est le seul endroit où on trouve notre kit de survie : pain, beurre de cacahuète, pâtes, sauce tomate et fromage si on a de la chance.
  5. Les vêtements mettent du temps à sécher. Ophélie a développé une psychose depuis qu’on est en région tropicale humide, elle passe environ 70 % de son temps à s’inquiéter du séchage de la lessive. Les 30 % restant restent sur les classiques « vais-je bien manger ? » et « vais-je bien dormir ? ».

On repart donc en forme mais, pour moi, le voyage s’arrête là. Il ne m’est plus possible de pédaler et encore moins de monter des côtes, je ne peux plus, c’est fini. Tant pis pour la suite de notre parenthèse nomade, tant pis pour le Laos, tant pis pour la Thaïlande, le Cambodge et le Vietnam, c’est fini, faut qu’on rentre. Ophélie essaye de me convaincre que c’est possible, qu’il faut que je m’accroche, qu’on ne peut pas abandonner comme ça, bordel. Mais c’est trop dure, je n’y arriverais pas ! J’veux bien en chier mais y’a des limites !

Mes genoux ? Non, ils vont très bien merci. La vérité est bien pire :

MON COMPTEUR NE MARCHE PLUS !!

Je suis anéanti, le câble a été abîmé dans une soute de bus et le compteur reste muet malgré mes réparations. C’est la fin du monde. On s’en fout du voyage, des paysages, des rencontres et de la bouffe, y’a que les kilomètres qui comptent vraiment, à quelle vitesse on roule, combien on grimpe, tout ça. Le compteur d’Ophélie est déjà HS depuis 1 mois, et il faisait pas altimètre alors on s’en fout aussi.

Mais j’ai finalement surmonté l’épreuve et ravaler mes larmes, comme un guerrier, un vrai. Y’a des choses pires que ça dans la vie, très peu, mais y’en a. Aller, on continue. J’aurais un nouveau câble dans quelques semaines, cadeau du fabriquant.

  • « C’est bon lapinou,on peut repartir, j’vais mettre le GPS à la place, ça donne les kilomètres et la vitesse, au top.
  • T’es trop con
  • Ne dis plus ce mot s’il te plaît, ça me rappelle mon compteur OINNNNNNNN !!! »

De là, on enchaîne 3 étapes sous la pluie. On déteste la pluie, on déteste enfiler nos vestes « imper-respirantes », on déteste se prendre la boue envoyée par la roue arrière de l’enfoiré(e) en Azub 5 qui roule devant. Mais on s’y fait, on roule au milieu des ficus, des palmiers, des lianes, des bananiers et de toutes cette flore composant la jungle. La route est belle et serpente le long de rivières. Malgré des murets de rétention, de la boue rouge envahi par endroit la chaussée et met à l’agonie nos transmissions et nos patins de frein, tout neufs, pour ceux qui suivent. Voilà, j’étais super fier d’avoir claqué 8500 km avec les précédents, ceux-là n’en feront pas plus de 500 si on se tape encore cette boue abrasive.img_7957

On s’arrête le minimum, quand ton slip est mouillé, faut pas refroidir même s’il fait 20°C et que la pluie est tiède.

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rencontre avec des cyclistes chinois lors d’une accalmie

Ça serait un cauchemar ambiance Rambo si on devait camper dans ces conditions et on est bien content de croiser des hôtels pas chers régulièrement. Les gérants ne disent rien quand on débarque dans les halls étincelants avec nos sacoches dégoulinantes de bouillasse et nos sandales qui font pouic-pouic, osant même négocier le prix de la chambre. Ce pouic-pouic, ça casse complètement l’image de l’aventurier à vélo, faudra qu’on trouve une solution.

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je m’échappe in extremis de ce traquenard alcoolisé

Tous les soirs, on regarde la météo, espérant un changement. Mais on dirait qu’on va faire pouic-pouic jusqu’à la fin des temps. Ophélie est désespérée, RIEN NE SECHE ! C’est horrible !

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pas de détecteur de fumée, c’est bon, on peut cuisiner dans la chambre. La petite balayette est très pratique pour laver la vaisselle.

Mais le ciel se dégage et ça devient bien plus plaisant de pédaler sous le soleil. Je repense encore à mon compteur, compteurinou comme je l’appelais affectueusement. Il y a un vide sur mon guidon, à l’emplacement où il était. Je me surprend à caresser du bout du doigt cet endroit, entre le levier de vitesse et le rétroviseur, le cœur emplie de nostalgie. Chienne de vie !p1110320

On se fait une belle étape jusqu’à Mengla avec pas mal de travaux sur la route et quelques tunnels dont un qui restera dans les annales : 3 km, en montée, non ventilé et non éclairé sur une bonne partie. On ne faisait pas trop les malins avec nos petites lampes frontales mais il semble que les camions nous aient vu, sinon je serais pas là pour vous raconter nos vacances à vélo. Le soir, on se mouchera noir, preuve que le nez est un filtre formidable. Si un jour je me mets à fumer, ça sera par le nez, je serais sûr de ne pas choper un cancer. Incroyable que personne n’y ait pensé avant.img_7981

Une dernière demi-étape nous amène à Mohan, ville frontière avec le Laos. Il est tôt, on pourrait passer la douane et filer plus loin mais on veut passer un dernier moment en Chine. On a vu plein de petits resto sympa, ça nous incite beaucoup. Comme on a presque rien mangé pour midi, on se lâche le soir avec 2 plats chacun, excellents : une soupe de noodles pleine de bon glutamate, puis un plat de riz aux légumes pour Ophélie et un délicieux poisson assaisonné pour Bibi. Un bon gros mollard en sortant de table et voilà une belle façon de quitter la Chine.


BILAN SUR LA CHINE

Z’avez qu’à lire les articles, je crois qu’il est assez clair qu’on a plutôt passé du bon temps, que les gens étaient sympas malgré la barrière de la langue et qu’on a mangé 2 ou 3 trucs intéressants. Le pays est immense, on sait bien qu’on n’a fait que le survoler. Les cultures sont riches et variées, nous ne les avons qu’appréhender. La cuisine est incroyable, nous n’y avons que trempé le bout des lèvres. Les chinois ont été parfois horripilants, nous ne les avons pas frappés.

Enfin , quelques chiffres en la mémoire de compteurinou :

  • 49 jours dont 31 sur les vélos
  • 2036 km à travers le Xichiang, le Sichuan et le Yunnan
  • 17200 m de D+
  • 1 animal mort (le mouton flottant)
  • 2 oreilles gauches toujours sifflantes à cause des klaxons
  • 4532 photos et vidéos de nous sur des smartphones. Le chiffre est approximatif, certains nous filmaient discrètement. Le chinois est fourbe.

FIN DU BILAN SUR LA CHINE


Nous avons quitté ce grand pays il y a quelques jours. En entrant au Laos, marchant à côté de son destrier, Ophélie a enfin vécu un moment qu’elle attendait depuis longtemps, un rêve de petite fille  : arriver à pied, par la Chine.

L’article commençant par « oh putain », il me paraissait important de finir sur une note un peu plus classe.

A bientôt pour la suite.


PORTRAIT

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Tiens, on va tester une nouvelle rubrique dans le blog : le portrait. Un truc sérieux qui parle des gens du cru.

Aujourd’hui, on vous présente Lee Yang, vendeur de pneus avant de scooter, 48 ans. Ou peut-être bien 64. Dans son village de 130 habitants, ils sont 78 à s’appeler comme ça et lors des rassemblements, ça créé des situations ubuesques :

  •  » Quelqu’un a vu Lee Yang ?
  • C’est pas toi Lee Yang ?
  • Je suis là au fond !
  • Je l’ai vu, il était près de la rivière avec Lee Yang
  • Oui, que me veux-tu l’ami ?
  • Bah, il est pas mort y’a 3 ans ?
  • Il dort encore, il a bu tout son biberon à midi
  • Ah tiens, le voilà qui arrive avec Lee Yang et Lee Yang
  • Il est parti mangé chez Lee Yang il me semble, il était avec Phong Tao
  • Sûrement pas, c’est moins Phong Tao !
  • Moi aussi !
  • Oh putain ! Vous me gavez, j’me casse !
  • Oh… bah salut Phong Yang, à la prochaine
  • Bordel ! Moi c’est Lee Tao ! « 

Notre Lee Yang a sa petite histoire à lui cependant. En Octobre-Novembre 2000, un concours de circonstance a fait que lui et ses potes ont suivi l’élection présidentielle américaine. Ça le faisait bien marrer Lee, la plus grande puissance du monde en train d’élire un planteur de cacahuète attardé et toute sa clique de vendeur de conflits internationaux. Et encore plus aux élections de 2004 quand ils remettent ça, à coup de YEEHAA ! comme fondement de leur politique étrangère.

Lee et ses potes boivent un peu trop ce soir là, les vannes fusent :

  •  » Non mais pourquoi pas élire Mickey Mouse aussi ?!
  • Dingo s’en sortirait même mieux !
  • Oui, ou même Donald ! Il dit que des conneries en postillonnant !

Lee est mort de rire et lâche :  » Eeeee Eeeee Eeeee (rire chinois) ! le jour où Donald est élu, j’veux bien m’arracher l’œil gauche ! »

Il a tenu parole.


 

Des plats, 2 pachas, Sarah, raplapla, des pandas, d’autres plats et un grand Bouddha

  • 08-09-10/10/2016  Urumqi, chez Catry
  • 11-12-13/10/16  Urumqi-Chengdu = 17 km à vélo + 3000 km et 45h en train
  • 14 au 19/10/16  Chengdu = en mode loukoum chez Sarah et Scott

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Amoureux de vélo, de dénivelé positif, de sueur et d’effort, vous êtes dispensez de lecture. Ces 16 derniers jours, nous n’avons roulé que 2 fois et demi. Mais on a des circonstances atténuantes comme : le train (2 jours), la crève (3 jours), des pandas (1 jours), un Grand Bouddha (1 jours), les amis (10 jours) et LA BOUFFE DE MALADE (tous les jours).

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Non, ce n’est pas la sœur de Jacky Chan au milieu

On reste donc 4 jours chez notre hôte Catry et sa famille. Ils sont adorables avec nous et nos estomacs. Les chinois sont dingues de bouffe, on ne peut que s’entendre avec ces gens là. Pour les remercier de leur accueil, on leur prépare un repas français un soir : purée-saucisse, crumble et vin rouge.

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Notez la position de la cuillère d’Ophélie. Pile au dessus de l’assiette, prête à faire un carnage. Ses yeux crient « grouille-toi de prendre ta putain de photo !! »

Oui, ça envoie pas du rêve mais on a fait comme on pouvait avec ce qu’on a pu trouver. Si on avait trouvé du jambon, on aurait fait coquillette-jambon, mais y’avait pas de coquillettes.

La purée était vraiment pas mal du tout avec du vrai lait, des vrais patates et une demi-plaquette de beurre (la grosse mission pour trouver du beurre). Mais elle a pas eu vraiment de succès, sauf pour nous, évidemment, et le mari de Catry. Mais il n’est pas allé jusqu’à se resservir quand même, contrairement à Ophélie, 2 fois. Catry est quasiment incapable de manger non pimenté, comme un français avec son sel. Côté crumble, c’est presque un carton plein, sauf pour la gamine qui trouve ça beaucoup trop sucré, alors qu’on l’avait beaucoup allégé. Les chinois mangent très peu sucré. Le vin, comme tout ceux qu’on a gouté jusqu’à maintenant, est très léger. Après le repas, on se matte un film d’horreur, au top.

Le lendemain, pour nous remercier de l’avoir remercié, Catry, qui ne cuisine jamais, fait venir sa maman pour impressionner les 2 faguo. Là, on a le droit à une démonstration :  en 2 heures, avec 1 wok, un fait-tout, une poêle et uniquement des produits frais, elle nous sort un repas de Noël. C’est à tomber par terre, encore meilleur qu’au resto de la dernière fois. TOUT est bon, TOUT est nouveau, TOUT est surprenant, même les légumes verts ! Incroyable, on bave devant une assiette de branches de céleri !p1110114Rien que pour moi, elle a fait du lard caramélisé. Je manque de vocabulaire pour décrire la façon dont ça fondait dans la bouche.

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C’est là qu’on est content de ne pas être dans une famille Ouïghour (musulman)

C’est un miracle que je n’ai pas été malade après tout ce que j’ai avalé. L’estomac d’Ophélie flanchera le lendemain, pas facile pour lui de passer d’un coup de 6 mois de régime quasi végétarien à cette orgie.

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Voici les « œufs d’un siècle ». Oui oui, c’est bien des œufs. Ils ont passé 45 jours dans un mélange de… nan vaut mieux pas savoir. J’ai gouté, c’est pas mauvais mais c’est pas le genre de truc auquel je penserais en premier pour un pique-nique en amoureux. Un bon sandwich à l’andouillette reste une valeur sûre.

Pendant le repas, le mari de Catry s’évertue à endurcir mon foie en me servant son alcool à 52°C et de la bière, en plus du vin bien sûr. J’aime pas picoler mais il est tellement sympa qu’on n’arrête pas de trinquer. A la fin de la soirée, il sait dire « santé » et « à la tienne » sans aucun accent. On a fini la bouteille à 3 avec Mamie Liu, elle a une descente de samouraï celle-là.img_7367

Après le repas, on rampe jusqu’au canapé et matons un film pendant que d’autres vont jouer aux domino avec Grand-Mamie Liu. Elle est à fond dedans, ça rigole pas. En plus, ils ont une table du future avec des trappes qui s’ouvrent et une machine qui tri les dominos et les distribuent aux joueurs.img_7374

Quand toute la petite famille est reparti, on reste entre homme avec le mari de Catry et on se matte Hitman 2 et un autre nanar en buvant des bières. Je crois même que j’avais coincé ma main dans ma ceinture, comme Al Bundy.p1110127

Le dernier jour, avant de nous déposer à la gare, ils nous emmènent à un parc, îlot de verdure au milieu du béton. En haut de la colline, il y a un temple où les gens viennent allumer des cierges et de l’encens pour que leurs prières se réalisent. Catry a dû prier pour qu’on ne refasse pas de purée.

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Ensuite, on va faire un tour au « grand » bazar d’Urumqi. Bon, après l’Iran, l’Ouzbékistan, le Tadjikistan et le Kirghizistan, on n’est pas subjugué mais ça fait plaisir. C’était comme un au revoir à la culture musulmane et aux quelques mois délicieux qu’on a passé au milieu de ces terroristes.img_7444

Il est temps de se dire au revoir. Les Chinois ne sont pas très tactiles alors on se contente d’une poignée de main, tant pis pour le câlin.

Nous sommes à la gare et voyageons légers. Nos vélos et 39 kg de sacoches voyagent en fret, on avait amené tout ça la veille. Traverser Urumqi à vélo s’est avéré facile et presque agréable mais on a quand même mis 2h pour faire 17 km à cause des bouchons et des feux rouges. Heureusement qu’on en a grillé la plupart.

Vraiment efficace ce système de fret, on rêverait de ça en France. Tout ceux qui ont osé prendre un train SNCF avec leur vélo savent de quoi je parle. Sauf ceux qui ont préféré se jeter sur les rails après avoir gouté à la courtoisie et la compréhension d’un contrôleur.

Dans le train, on a choisit l’option grand luxe et on s’installe dans notre compartiment 1ere classe : 4 couchettes avec couette et oreiller. La vie s’organise et on découvre nos collocs :

  • une dame souriante et discrète qui passera beaucoup de temps à prier assise en tailleur. Les asiatiques ont cette faculté qu’on leur envie, on se chope tout le temps des fourmis dans les mollets ou les pieds quand on est en tailleur, c’est à dire à chaque fois qu’on mange en bivouac.
  • Une MILF coquette et qui se fera discrète une fois qu’Ophélie l’aura bien engueulé et sorti du compartiment pour avoir répondu au téléphone à 1h du matin.

Le temps passe vite, on bouquine, regardons le paysage (on revoit des yaks et de la neige !), des films sur le netbook et je profite du temps libre pour faire le 2eme montage sur le Tadjikistan (entre 2 épisodes de Walking Dead). Pour les repas, il y a un robinet d’eau bouillante dans chaque wagon et on peut se faire des noodles, qu’on a amené en quantité, avec des fruits. Un peu triste les noodles 2 minutes, alors on va jeter un œil au resto et – Ô la bonne surprise – on peut y manger du bon sans y laisser un bras comme en France. Alors on se régale de tofu cuisiné et de riz pour 1 ou 2 euros.

Après 2 nuits et 2 jours, on arrive à Chengdu, capitale de la province du Sichuan, à l’Est du Tibet, au Sud du pays, au Nord du Yunnan. Enfin là quoi :china_sichuan-svgOn récupère de suite nos vélos, arrivés la veille, et filons dans la ville vers nos hôtes Warmshower (réseau d’hospitalité pour cyclistes). La shower, on la prend avant d’arriver chez eux, grâce à la pluie. Heureusement, elle est warm et on apprécie ces 7 km de nuit dans ce patelin de 13 millions d’habitants (5eme ville du pays). Il est très facile d’y circuler grâce aux larges avenues et aux voies dédiées aux vélos (0,5%) et scooters électriques (99,5%). Ainsi, on se déplace en douceur sous des échangeurs monstrueux avec des routes à 4 voies se croisant sur 5 niveaux. On pourrait se croire à Los Angeles. Enfin, dans le quartier chinois de Los Angeles.

On trouve rapidement nos hôtes, au 30eme étage d’une tour : Sarah et Scott, la trentaine, australiens, partis à vélo d’Écosse en juin 2014, arrivés à Chengdu 18 mois et 12000 km plus tard.Depuis, ils travaillent en tant que prof d’anglais afin de regarnir leur compte en banque et remonterons en selle début décembre pour la suite de leur périple : plateau Tibétain (en décembre !!), Asie du Sud-Est, Inde puis les Amériques avec un Alaska-Ushuaïa, les veinards.

On devient tout de suite copains pour la vie, comme ça arrive parfois. Comme on a attrapé un bon rhume, on reste 3 jours à glander et à tousser. Cette toux, on se la coltinera en fait durant tout notre séjour à Chengdu, à cause de la pollution, de ce smog permanent, alimenté par les innombrables usines ceinturant la ville. Sarah et Scott ont aperçu les montagnes au loin seulement 1 fois, lorsque les usines se sont arrêtées pendant les vacances nationales.

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Juste 2 chiffres :

  • Paris, un mauvais jour = 40 (taux de particules fines, je ne connais pas l’unité de mesure)
  • Chengdu, un jour normal = 150

Ce taux monte régulièrement au-dessus de 200 (ne pas sortir de chez soi) et atteint parfois 300 (retenir sa respiration / se promener avec sa belle-mère). C’est carrément dangereux pour la santé mais le gouvernement chinois arrive à garder ses citoyens complètement désinformés. Ce smog est donc un phénomène météo normal pour les habitants alors que, théoriquement, il faudrait porter un masque à gaz et équiper les appartements de filtres à air afin d’éviter les effets néfastes à moyen terme.img_7454

Mais Chengdu a ses avantages : LA BOUFFE ! On a encore pris une claque monstrueuse avec les pains vapeurs, les raviolis, les nouilles, le poulet aux cacahuètes, le bœuf je-sais-pas-quoi, le porc à pleurer, les légumes inconnus, les fruits nouveaux, les quelques pâtisseries, la street food, les brochettes, les épices surprenantes…

img_7621Et comme on s’est à peu près habitué aux piments, on profite à fond. Et le comble : c’est pas cher. On mange souvent pour 1 euros chacun et pour 4 €, c’est Noël avec plein de plats différents.img_7462

J’étais pourtant persuadé que la France et l’Italie tenaient le haut du pavé mais mes certitudes sont ébranlées devant une telle variété de saveur, de texture et d’ingrédients, même dans les petits restos bon marché, tout est frais et cuisiné à la demande. La gastronomie française est fantastique mais on s’imagine un chinois en France, devant lâcher un rein pour un repas qu’il trouvera forcément assez fade. Et il aura de la chance s’il tombe pas sur ce qui compose une bonne part de la restauration français : Mc Do, Quick, Burger King, Kebabs, Flunch, Buffalo Grill, Pizza Del Arte, La Boucherie… et autres rois du surgelé.

Entre 2 restos, on cuisine pour nos potes australiens : tartiflette, mousses au chocolat, crêpes et crumpets.

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On retrouve également Alice & Benoît, comme si on s’était quitté la veille. Ils avaient pas mal de trucs à faire comme faire réparer leur ordinateur  et faire le plein de particules fines à vélo mais ils arriveront à se libérer in extremis pour la mousse au chocolat. Benoît devra se battre pour ne pas se faire piquer sa part, je pense qu’Alice serait capable de tomber enceinte juste pour en avoir plus. Nous ne reprendrons pas la route ensemble car ils filent en bus vers le plateau tibétain et ses cols au-delà de 4000m. De notre côté nous n’avons pas le courage ni l’équipement pour aller passer des nuits à -10°C. Il faudra définitivement qu’on revienne en Chine, longer le désert du Taklamakan, grimper sur le plateau, boire du lait de yak… Plus je pédale, plus j’ai d’idée, heureusement que ça fait longtemps que j’ai fait une croix sur ma carrière professionnelle.

On fait la rencontre de Nico et Brigitte, un couple de cyclo dont Ophélie suivait de loin le blog depuis la Turquie. Moi, je boycotte les blogs des gens qui roulent plus vite que nous, c’est comme ça. C’est des monstres, sans forcer je crois qu’ils ont fait 2 fois plus de kilomètres que nous dans le même temps, et ils ont presque l’âge des mes parents ! Il y a plus de 20 ans, ils ont traversé l’Afrique, toujours à vélo.

On papote entre 2 bouchées de tartiflette et Nico nous apprend qu’il est le responsable de la création de l’Eurovélo 6. Carrément, la plus long itinéraire cyclable de France, plus connu sous le nom « la Loire à vélo ». Et on a un ami en commun, Yves Chaloin. Le monde des cyclos est riquiqui.

On passe du bon temps et on s’entend tellement bien avec Sarah et Scott. On devait repartir lundi, puis on repousse à mardi. Sarah insiste pour qu’on reste et emploi les mots « jouer au ping-pong », « matter un film » et « se faire une bouffe de ouf ». Alors on reste aussi le mercredi à cocooner avec eux. On espère vraiment se croiser dans 3 mois en Thaïlande, afin de sceller cette belle amitié (autour de quelques plats Thaï, tiens ? pourquoi pas ?)

Bon, on a tout de même fait un peu de tourisme et on vous laisse avec les photos du jolie parc à panda de Chengdu. Vous pouvez cliquer pour agrandir. Y’a des bébés Panda !! Ils ont le même mode de vie que nous à Chengdu : 50% du temps à manger et 50% à dormir. Ils ont tout compris.

A la prochaine, pour le Grand Bouddha, un peu moins de gras et du vélo, tralala !

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