J 356 à 364 / Mong Cai (Vietnam) – Shanghai (Chine) / 285 km
On est tout content de retourner en Chine pour quelques jours, en partie parce qu’on saturait de l’Asie du sud-est et en grande partie parce qu’on y bouffe trop bien ! Des fois je me demande si c’est nous ou nos estomacs qui établissent l’itinéraire. Non, ça peut pas être complètement nos bides sinon on aurait fait 6 mois dans le Massif Central (dont 2 chez ma Tata à Thiers), 2 mois dans le Jura, 2 mois en Savoie et le reste en Turquie. Et on ferait 120 kg à l’heure qu’il est, le guidon coincé entre les bourrelets.
La frontière est à 400m de l’hôtel et nous y sommes pour l’ouverture. Comme souvent, on tente de passer à l’arrache mais les douaniers insistent pour qu’on passe les sacoches au scanner pendant qu’ils surveillent nos chars d’assaut. Et comme souvent, personne n’est derrière l’écran du scanner, comme si les rayons suffisaient à faire disparaître drogues, armes, argent liquide et chatons empaillés comme ça, par magie.
Un coup de tampon de sortie, un pont entre les 2 pays, un autre passage au scan Gérard Majax et nous voilà à nouveau les Pieds en Chine. La 1er fois, c’était fin septembre à la pointe nord-ouest du pays et ce coup-ci, c’est par l’extrémité sud-est que nous entrons, 6000 km à vol d’oiseau.
Pourtant c’est pas très différent, les grues effectuent toujours leur ballet pour faire pousser de nouveaux immeubles, la consommation tourne à plein régime dans les nombreux magasins, le pays vibre de sa frénésie de croissance.
On échange nos derniers Dongs contre du pain et des galettes de riz, retirons un paquet de Yuans et filons sur la route.
Première impression : le calme. Je ne pensais pas dire ça un jour de la Chine mais c’est tellement zen en comparaison du Vietnam. Les véhiculent klaxonnent extrêmement peu et les scooters électriques glissent en silence autour de nous, le tout sur de larges voies dédiées aux 2 roues.
On navigue sur une rivière paisible, 2 splendides fleurs de lotus (nous) au milieu des anguilles (les scooters) et des crapauds à essence.
On les aimerait presque ces scooters zen mais on n’oublie pas que toutes ces batteries et cette électricité, sous un maquillage green et clean, ravage la planète aussi sûrement que le pétrole.
Les chinois brûlent du charbon pour faire de l’électricité, ils n’ont pas la chance de tirer leur énergie d’une source magique (comme les scanners), inépuisable, sûr, résistante aux tsunamis, et absolument écolo : le nucléaire. Lol.

traitement des déchets en cours
Peut-être les autorités sentent-elles le vent tourner, ou peut-être plus probablement veulent-elles juste désengorger les centre-villes, mais on voit énormément de vélos en libre service dans cette partie de la Chine. Pneus pleins, transmissions à cardan, selles non réglables : entretien minimum, rendement très mauvais, on les double sans peine même avec nos chaînes qui font « poui-pouic-on-veut-de-l’huile ! ».
Si vous voulez tout savoir sur les vélib’ chinois, je vous invite à lire ce superbe article de nos collègues cyclos avec qui on a partagé un bout de route au nord du Laos.

difficile de garer son vélo à Shanghai
On enchaîne les kilomètres sur une petite départementale chinoise, c’est-à-dire une 2×2 voies, puis la quittons pour une vraie route de campagne avec de longs passages en travaux pour faire aventure. On traverse des tout petits bleds assez glauques avec des bâtiments en brique de 2 ou 3 étages, impossible de dire si ils sont abandonnés, en construction ou sur le point d’être rasés. Le style grecque.
En fin de journée, on se met à chercher un coin pour camper. On fait le plein d’eau et visons une rivière sur la carte. On s’imagine toujours des spots de fou en bord de rivière, avec de l’herbe bien rase, une eau limpide, un coucher de soleil et des petits chiots. Mais ça se passe pas du coup comme ça, il se met à tomber un crachin ignoble, la rivière est repoussante et ça commence à cailler. On est devenu des chochottes, on grelote dès qu’il fait moins de 20°C. Alors on continue un peu et répétons cette vieille phrase qui n’a plus servi depuis longtemps : « dès qu’on trouve un coin potable, on s’arrête ». Par chance, on tombe sur un hôtel dans la prochaine ville western et passons la nuit au sec. Pas au calme en revanche, un camionneur a eu la bonne idée de s’arrêter juste sous nos fenêtres et de changer des pneus à 2 heures du matin , avec cette visseuse/dévisseuse énorme qui fait un bruit de dingue.
Le lendemain, on est chaud pour boucler plus de 100 km et arriver à Nanning. Mais la météo, le dénivelé et la loi de Murphy en décident autrement et on morfle comme il faut pendant 3 heures, sous la pluie, en montée la plupart du temps et sur une route défoncée. Mon câble de dérailleur casse, on s’arrête à un station service et je répare pendant qu’Ophélie essaye d’oublier que son slip est trempé. Les 2 nanas de la station nous observent en buvant un thé bien chaud et on se dit qu’on aimerait bien être en Turquie. La pluie redouble, on attend que ça passe un peu et repartons nous assurer que nos vestes sont bien perméables.
On stoppe à la ville suivante et la pluie s’arrête pendant qu’on mange au resto (trop bon => Chine). Le ciel s’éclaircit légèrement, le vent se lève et on commence à se dire qu’on a le temps de rejoindre Nanning. Mais mon pneu avant se déchire au bout de 20m, chambre à air crevée. Saleté de Marathon Plus, ça confirme bien que c’est de la daube. Flanc déchiré au bout de seulement 2500 km dans de bonnes conditions, inacceptable. Heureusement qu’on peut compter sur le SAV de Schwalbe pour… ne jamais répondre aux mails.

le Marathon Plus, tellement bien qu’on peut lui mettre un doigt

Punaise ! ‘sont optimistes les teutons
A défaut de marchand de vélo, on va dans un magasin de scooter. Je montre le pneu, ils n’ont pas de ça chez eux mais le gars nous dit d’attendre et part en scooter. Il revient 15 minutes plus tard avec le pneu qu’il faut et une chambre à air qui va bien. Trop sympa, il se propose même de la changer mais j’ai ma fierté tout de même.
Il est 15h, c’est trop juste pour arriver avant la nuit et on risque de s’ouvrir les veines s’il se remet à pleuvoir en route. Et de la veine, justement, on n’en a pas tellement aujourd’hui alors on envisage un instant de monter dans un bus puis on dégote le seul hôtel de la ville et passons une bonne soirée avec un tour au marché, des petits pains vapeurs, un plat de nouilles monstrueux et une bonne douche chaude.
La dernière étape est agréable, la route est sèche, sans travaux et on arrive comme des fleurs dans Nanning, petite bourgade de 8 millions d’habitant. On roule une douzaine de kilomètre en ville et nous posons pour 2 nuits dans un hôtel à 2 pas de la gare.
Le soir, un gars arpente les couloirs du bâtiment et glisse des cartes de visites de call-girl. Jamais on a vu des filles pareilles dans la vraie vie, je sais pas où ils les cachent. Je dois bien reconnaître que j’ai un petit faible pour l’infirmière cochonne avec les gros nichons et l’écolière espiègle avec la jupe plissée, les petites chaussettes blanches et les gros nichons.
On se fait une opération matos pour se ré-équiper un peu, on choisit de faire confiance à une petite marque locale : Decathlon. Pas facile à trouver, faut pas mal marcher et quand on arrive au magasin, c’est comme si on avait fait une rando. On est bien dans l’esprit Quechua, ils auraient dû nous faire une réduc rien que pour ça. Pantalons, sandales et thermos, c’est bon, on est prêt à affronter des températures un peu plus fraîches. Donc que font les sandales dans cette liste me direz-vous ? Je ne sais pas mais elles sont trop confortables.
Avant ça, on se fait aussi l’opération confier nos vélos et nos sacoches au service de fret de la gare. La communication est difficile et la nana du guichet s’en sort admirablement en demandant à un collégien timide qu’avait rien demandé à personne de tout traduire. On stresse un peu en voyant partir les vélos sans aucune étiquette ni rien mais ça avait bien marché la dernière fois. Coût de l’opération : 26 € pour les 2 vélos et 35 kg de bagage. Rhaaaaa, pourquoi y’a pas ça en France ??!! Surtout avec l’interdiction d’embarquer un vélo-couché dans le train.
Le soir, on dégote un marché de nuit de malade, y’a des stands de bouffe sur 1 kilomètre. Ça serait trop long à décrire et ça risque de me donner les crocs, alors matez un peu cette vidéo. C’est vers la fin, au début c’est juste nous, du vélo et des passages piétons, c’est assez ennuyant mais ça met dans l’ambiance.
Le lendemain, c’est donc le départ en train pour un « petit » trajet de 26 h jusqu’au village de Shanghai. J’aimerais écrire qu’on est allé en 3eme classe car on est des oufs d’aventuriers mais y’avait plus de place en seconde. Donc on se retrouve avec les prolos dans des compartiments de 6 et c’est pas mal du tout en fait.
Ophélie a la couchette du bas, très pratique pour s’asseoir et manger des nouilles. Moi, j’ai la couchette Cliffhanger, celle ou t’es obligé de resté couché mais ou t’es peinard pour mater des p’tits films sur le netbook (dont Dernier train pour Busan, une daube mais c’était le moment ou jamais de le voir). Nos compagnons sont très calmes; en face d’Ophélie y’a Papy Prout. Très gentil, souriant et attendrissant avec sa braguette ouverte en permanence, il nous a embaumé le compartiment avec de jolis bruits marrons.
Le trajet passe vite et nous voilà déjà à Shanghai. On retrouve enfin un climat tempéré avec un temps beaucoup plus frais et sec, un régal. On file au guichet de fret en croisant les doigts car les vélos ne sont censés arriver que le lendemain. Mais on les retrouve de suite, intacts, avec toutes les sacoches.
GPS en place, on s’engage dans l’une des plus grandes mégalopoles du monde, 2eme ville la plus peuplée de Chine avec 25 millions d’habitants, derrière Chongqing (33 millions) et devant Pékin (21 millions). Les buildings sont gigantesques, très nombreux mais les rues sont larges et aérées et, une fois de plus, c’est facile et plaisant d’y pédaler. Heureusement, la gare est très bien placée et nous n’avons qu’une vingtaine de km pour arriver en centre-ville, non loin du port pour le ferry.

nos premiers cerisiers en fleur, on risque d’en voir quelques-uns dan e pays suivant
On passe sans le vouloir dans le Bund, le quartier ultra-touristique de la ville. Un flic nous arrête et nous oblige à pousser nos vélos sur le trottoir, il est armé d’un sifflet strident, on obtempère immédiatement en faisant tout de même un salut militaire.

le quartier d’affaire. Rhooo qu’c’est beau le capitalisme
On prend ensuite une rue parallèle, faisons quelques kilomètres et partons en quête d’un hôtel, la pêche au couchsurfers et au warmshowers ayant été vaine. La galère commence et on enchaîne les refus, soit c’est interdit aux étrangers, soit c’est plein à cause d’un jour férié pendant lequel des touristes chinois viennent gonfler un peu plus le nombre d’habitants.
Au pied d’un hôtel, un jeune étudiant anglophone nous aide beaucoup et nous apprend que tout est blindé et qu’on aura de la chance si on trouve un dortoir à 15 € pour 2 lits. Il s’appelle Logan, c’est pas son vrai nom mais les chinois sont souvent obligés de s’en inventer un quand ils sont en contact avec des occidentaux.
Là, je ne sais pas ce qui me prend mais je lui fais une petite démonstration de culture française, pays des Lumières, de Molière, de Diderot et de Brice Hortefeux :
Logan, ah ouais ! comme Wolverine dans X-Men !
Bref, Ophélie sort l’arme secrète et trouve un hôtel pas loin sur Agoda. Sur place, il reste des chambres, c’est le même prix qu’un dortoir et c’est assez grand pour y loger les vélos et faire sécher du linge, Ophélie est aux anges. C’est au milieu d’un quartier populaire comme on aime et comme on en voit de moins en moins dans cette ville ultra-moderne et riche.
On passe 2 jours très agréables à Shanghai, le métro permet de nous déplacer très facilement pour quelques centimes. Ici, on paye au trajet, pas comme à Paris où il faut laisser un bout de rein même pour 2 stations (dégueulasses, puantes et pleines de publicité qui devraient largement suffire à le rendre gratuit).
On retrouve aussi Ludo, un ami de nos sérieuses (Ophélie) et déjantées (Bibi et Los Vatos Locos) années d’études. Il suit bien le blog et nous emmène donc logiquement goûter des nouveaux trucs dans un superbe resto : tofu soyeux, anguilles, divers raviolis, canard… tout est délicieux. Et le lendemain, c’est chez lui qu’on va faire d’autres raviolis maison et en manger à se péter le ventre en compagnie de sa famille qui vient tout juste de s’agrandir. Merci Ludo, t’es roux mais on t’aime beaucoup.
Hop, nous voilà déjà le 4 avril. Nous démarrions ce voyage il y a un an jour pour jour, hésitants, blafards et fébriles. Nous ne savions pas jusqu’où la route nous mènerait et le hasard fait qu’on peut célébrer cet anniversaire sur un beau bateau pour le Japon, chouettos non ?
On vous racontera ça au prochain épisode, y’aura du rosé, du fromage, des cacahuètes et 2 anarchistes. Et le Japon évidemment.

de quoi survivre quelques heures au Japon