Du Laos au Vietnam, du bleu au gris

 

J 341 à 348 / de Thakhek (Laos) à Tam Coc (Vietnam) / 537 km

  • 11/03/17  Thakhek – Route13/8 = 111 km / +440m
  • 12/03/17 … – Nahin = 44 km / +550m + visite de la grotte de Konglor
  • 13/03/17 … – Lak Sao = 59 km / +770m
  • 14/03/17 … – Pho Cau (Vietnam) = 51 km / +510m
  • 15/03/17 … – Do Luong = 67 km /+420m
  • 16/03/17 … – qqpart = 100 km tout rond / +80m
  • 17/03/17 … – Tam Coc = 105 km / +140m
  • 18/03/17 Tam Coc = tourisme karstique
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grand moment de bonheur : pizza pomme-de-terre, fromage et bacon. Petit trésor trouvé par l’odorat sur-développé de Camembert Girl, dans une ruelle de Thakhek

Route 13, 9h30, petite pause sous un abri-bus pour boire un coup. Ça ne fait qu’une heure qu’on est parti mais le compteur affiche déjà un bon 32°C. On le vit bien aujourd’hui, on peut rouler l’après-midi et les kilomètres s’enchaînent avec souplesse dans un décor assez monotone, sauf sur la fin où ça devient un peu plus arboré.

Nous croisons beaucoup de bar-karaokés le long de la route, avec des espèces de guesthouses assez glauques juste à côté. On nous a appris récemment que ce sont en fait des bordels déguisés, très présents dans cette partie du Laos. Les mecs viennent, boivent un coup, chantent un peu histoire de dire et choisissent une fille avant d’aller faire du hum-hum sur un matelas en plastique. Un coup d’éponge et au suivant. Un peu moins classe qu’un rendez-vous Meetic, mais en chantant !

Comme c’est samedi, on croise aussi beaucoup de gens s’adonnant au sport national laotien : boire des bières toute l’après-midi, assis en groupe juste à côté d’enceintes géantes, volume à fond. Je ne sais même pas comment ils font pour parler, même en passant à 50m on a déjà mal au crâne et les vibrations des basses nous font carrément peur. C’est instinctif, ancré dans notre cerveau reptilien, un son pareil est synonyme de danger : orage, bombardement, tremblement de terre ou concert de David Guetta. J’ai hésité avec Alliage mais c’était pas mal quand même.

Baila, te quiero amor
Ton souvenir me poursuit encore
Baila, quand tu danses avec moi
Je suis fou de toi

Alors, on trace, faisons des rapides coucou de la main et surveillons les scooters d’ados surexcités déboulant sur la route.

On croise ensuite un gars qui marche à côté de son vélo, un sac à dos fixé au porte-bagage. Je m’arrête pour savoir s’il a besoin d’aide, d’une rustine ou d’un morceau de camembert, même si on ne pourra rien faire pour ça. Même en imaginaire, Ophélie refuserait d’en donner.IMG_1292

Edgar, portugais, sur un vélo mono-vitesse acheté 30 € en chine. Quand il fait trop chaud, que ça grimpe ou qu’il est juste un peu fatigué, il pousse. On rigole bien ensemble. Il est entré en Chine illégalement car il ne pouvait pas obtenir de visa. Il s’est fait choper au bout de 5 jours et a été envoyé pendant 1 mois en prison avant de devoir payer un visa de 10 jours lui permettant de quitter le pays.

  • « How was it in jail ?
  • Sooooo boring ! But people were nice, not criminals, just small things »

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Avec ses 1 mois, il était la plus longue peine, le boss du bloc. On lui file de l’eau, il voyage vraiment à l’arrache.

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Après un bon dodo en GH climatisée (sans karaoké ni matelas en plastique, donc aucun romantisme, trop nul), on repart à l’aube pour une petite séance de hamam-biking. Ça fera un malheur en France, tu perds 2 kilos en 15 minutes. Les 2 cyclos ricains croisés au pied de la côte nous avaient décrit le truc comme un mur inhumain à 12%, « ‘feriez mieux de faire du stop » qu’ils nous disent. Rien de tel pour motiver un Panardos.

En fait, on grimpe à l’ombre sur seulement 4 km et il n’y a qu’un très court passage à 13%, pas de quoi embrocher un chaton mais on est trempés jusqu’au slip arrivé en haut. Ambiance jungle avec des grillons stridents et un taux d’humidité à 100%.

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La suite est facile et on arrive tôt à Nahin. On comptait faire la sieste du siècle sous la climatisation mais on croise un couple Austro-albanais qui se rend à la grotte de Konglor en taxi collectif pas cher. Soit, on s’achète du riz gluant, quelques saucisses et le sacro-saint jujus de cacanne à susucre au marché et partons pour ce site qu’on ne comptait pas visiter à la base.

Dans le taxi, une frêle mamie tripote notre albanaise dodue, elle lui fait comprendre qu’elle voudrait un peu de sa poitrine et de son lard.

La grotte de Konglor est énorme, c’est un tunnel de 7 km par lequel une rivière passe à travers la montagne, permettant une traversée en pirogue à moteur. Nous sommes 4 et on ne peut embarquer que 3 personne par pirogue. Dommage, faut en réserver 2 du coup.

Ophélie, s’adressant au guichetier :  » Svp, on peut bien monter à 4, nous ne sommes pas si gros ! »

La mauvaise foi totale. Même si on est plutôt très affûté en ce moment, on fait environ 1,3 asiatique moyen. Quant à nos amis d’un jour, le gars fait près de 2 mètres et la nana semble aimer très fort la tartiflette.Heureusement, on trouve un couple de français qui accepte de se joindre à notre troupe afin de remplir 2 pirogues. C’est parti.

La ballade en barque dans la grotte est sympa, juste dommage que le bruit des moteurs empêche d’apprécier le silence ambiant dans un noir complet.

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Une courte épate nous amène ensuite à Lak Sao, petite ville sans charme qui a le mérite de permettre à 2 cyclos de passer l’après-midi au frais avant d’entrer au Vietnam, à 30 km. Le soir, on prend le temps de cuisiner le kilo de patate que je trimballais depuis 2 jours. Je ne sais pas si les pommes de terre se bonifient avec les kilomètres ou le dénivelé mais le fait est que plus on pédale, plus on les aime.

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Nouveau départ aux aurores le lendemain pour une de nos plus belles étapes laotiennes, et pourtant y’en a eu un paquet dans les 6 semaines qu’on a passé dans ce pays (3 au nord en novembre et 3 au sud dernièrement). On a adoré ce pays et il nous le rend bien en ce dernier jour avec une belle route de campagne, des paysages sublimés par le soleil levant et la brume et les « sabaidee » souriant des très nombreux enfants pédalant vers l’école. Très beau moment de vélo, ça valait le coup de se lever très tôt.

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La montée à la frontière se passe en douceur, on double une courte file de camions, un douanier monte sur mon vélo puis nous aide à changer nos derniers kips. Un de ses collègues nous offre des bouteilles d’eau.

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dernier petit souvenir du Laos

500m de no man’s land et nous voilà aux portes du Vietnam. Il faut le voir pour le croire, les nuages venant de l’est s’arrêtent pile poil au-dessus de la frontière. Laos = grand bleu / Vietnam = gris suicide.

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Le gris suicide est une teinte qui se situe entre le gris dépression et le gris fin du monde

La chaîne annamite, pourtant pas si haute, bloque totalement l’air chargé d’humidité venant de la mer de chine méridionale. Ce n’est pas pour nous déplaire, on va perdre au moins 10°C et faire des économies de crème solaire. Bon, y’aura aussi des moments moins joyeux quand il faudra enfiler nos vestes de pluie et ramasser toute la bouillasse envoyée par nos très chers marathon plus pneus. C’est rarement parfait en Asie, soit très chaud et sec, soit chaud et très humide. Y’a dû très chaud et très humide aussi mais on préfère pas tester.

Un coup de tampon, pas de visa, rien à payer, nous resterons moins de 15 jours.

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On file dans la descente, la route est à nous, les camions restant bloqués à la douane semble t’il. On traverse nos premiers villages vietnamiens, les gens disent « hello » en souriant jusqu’aux oreilles et on aperçoit rapidement un truc qui rend le voyage à vélo plus commode : du pain.

Du. Pain.

DU PAIN !!! YESSSSSSS !!!!IMG_1524

Y’en a partout, il est pas terrible, un peu sucré parfois mais il a le mérite d’exister. En revanche, on ne trouve ni confiture ni Nutella à mettre dessus. Mais le Fred est prévoyant et a toujours un pot de beurre de cacahuète d’avance. Et comme on trouve également de la vache-qui-rit, c’est la fête. Ok, la vache-qui-rit quand on est en France, c’est vraiment le fromage de la tristesse. Mais pour nous, ici, c’est le summum de la gastronomie et ça fait des omettes de fou le matin.

On s’arrête dans une ville et arrivons à trouver un resto. C’est pas facile, des fois c’est juste 3 tables dans une petite pièce sombre. Les gens sont comme des dingues de voir débarquer des blancs sur des vélos marrants et la nana du resto veut tout de suite monter sur le mien. Je déteste quand on veut monter sur nos vélos sans demander avant, surtout quand ils sont sur la béquille. Ça se voit que ça va casser tout de suite.

On commande 2. On ne sait pas trop quoi, mais 2. Y’a pas de menu, on découvrira que chaque resto ne sert que un ou deux plats différents. Elle nous sert ce qu’on mangera très souvent par la suite : le Pho, plat très populaire consistant en une soupe de nouille avec un peu de viande et des herbes. Très bon, bien meilleur que l’équivalent laotien. Mais ça ne tient pas bien au corps et on crève la dalle 2 heures plus tard.

On reprend la route et ouvrons grand les yeux pour découvrir ce nouveau pays. Ça me plaît tout de suite, je ne sais pas trop pourquoi car y’a plein d’aspects qui vont nous rendre dingue. Ça ressemble à la Chine mais en moins neuf, plus typique, moins organisé, plus bordélique, moins hyper-actif, plus proche de l’image d’Epinal. On croise pas mal de gens à vélo, beaucoup porte le chapeau pointu traditionnel, y’a des rizières partout, des charrues tirées par des zebus ou des buffles imposants.

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Les poules sont rares et on trouve plus facilement des œufs de cannes. Dans les petites villes, le plus gros bâtiment est généralement le karaoké, palace rococo d’un désert culturel.

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Les panneaux sont omniprésents, créant une pollution visuelle importante et saturant notre vue de stimulus parasites, comme dans le métro parisien.

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On ouvre grand les oreilles aussi, mais pas très longtemps. C’est encore plus bruyant que la Chine. Si si ! C’est possible !

La règle, c’est klaxonner d’abord puis freiner ensuite, éventuellement. Les scooters, les voitures et les camions créent un tintamarre incroyable aux carrefours. Les klaxons ne sont pas normés comme en Europe et on se bouffe un gros niveau de décibel. Comment font les Viets ? C’est hyper violent comme ambiance. Quand un camion klaxonne derrière toi, t’as l’impression que c’est un paquebot tuné, Vin Diesel ou un T-rex qui arrive. Alors on surveille nos rétroviseurs et nous bouchons l’oreille gauche quand un véhicule approche. Mais y’en a toujours un qui parvient à nous surprendre et j’ai dû insulter beaucoup de maman de chauffeur.

Le klaxon sert à dire :

  • dégage, j’arrive !
  • attention, je m’arrête pas !
  • je passe au rouge !
  • je passe au vert !
  • je double par la droite !
  • je double par la gauche !
  • je double pas !
  • j’ai un beau klaxonne, j’aime mon klaxonne !
  • je vois rien, y’a quelqu’un devant ?
  • Hé ! Coucou les 2 blancs à vélo !

On voit des gars en scooter qui klaxonnent en permanence comme s’il se repérait par echolocation, comme les chauves-souris. Même les clignotants font bip-bip, c’est des fous.

Ophélie trouve vite la parade en mettant une des ses super boules Quies du futur sur-mesure. Moi je reste en mode « je veux entendre venir le danger » et j’aurais vraiment les tympans qui sifflent un soir. Donc je finirais par mettre mes écouteurs.

En milieu d’après-midi, on se pose à Pho Chau dans une guesthouse. On prend la chambre la moins cher (8 €), c’est propre, correct, y’a la clim et une douche chaude. La punition c’est qu’elle est au dernier étage et ça sera souvent comme ça. Soyons positif, ça fait un bon décrassage en fin d’étape et un réveil musculaire efficace le matin.IMG_1506

Le soir, on discute autour d’un thé avec Tan, 34 ans, le fils du gérant. Il travaille à temps très très partiel pour VOICE, une ONG œuvrant pour les boat-people. Son gouvernement n’apprécie pas trop et il est interdit de sortie du territoire et doit prévenir la police s’il quitte son domicile plus de 2 jours. Il apprend l’anglais depuis 10 mois seulement et parle déjà bien mieux qu’un français ayant souffert pendant tout le collège et le lycée. Ça confirme un truc : quoi que tu fasses, un asiatique le fait mieux que toi.

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50 nuances de gris

On repart tranquillement le lendemain, plus la peine de mettre le réveil à 5h pour éviter la chaleur. Petite route de campagne ondulant dans la forêt, peu de circulation, crachin, bruine, c’est pas désagréable. On croise énormément d’ado se rendant ou revenant de classe en scooter, souvent électriques et très lents. On ne comprend pas trop leurs horaires, un coup on les voit à 9h, un coup à 11h, un coup à 13h…

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Vietnam

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Laos

C’est marrant au début, ils nous disent « hello » ou « hi », nous observent, nous sourient, roulent à côté ou derrière nous, s’arrêtent pour prendre une photo avec leur foutu smartphone. Ça peut durer 15 minutes ce petit manège. Au bout de la 3eme session de la journée, on commence à saturer et à appréhender les longues files de scooters qu’on voit au loin. J’arrête pas de me dire « soit sympa Fred, ils sont gentils, juste un peu trop nombreux. Fais pas ton sauvage, soit pas con ». Mais le méchant Fred envoie un autre message :

NAPALM ! NAPALM ! NAPALM !

On se pose dans un hôtel le soir, même prix, même étage, même décrassage express. Les vélos feront dodo dans le hall, cadenassés entre eux sous l’œil extrêmement vigilant des tenanciers.

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petit tour au marché

Quand on redescend pour partir en opération pain-brioche-soupe-de-nouille, on voit que les vélos ne sont pas exactement à la même place et que Bourriquet n’est plus sur sa béquille. Oh putain, il fallait bien que ça finisse par arriver, ça se sentait que les Viets étaient tout foufous de monter sur les vélos : la béquille d’Ophélie est cassée net. Ça se voit que les vélos sont tombés ensemble, on a de la chance que l’anti-vol passé dans les roues n’ait pas tordu des rayons.

J’engueule le premier venu qui part chercher illico des clients de l’hôtel, apparemment responsables de ce crime odieux. Ils ne nient pas, sont tout penauds mais on n’a aucune pitié et on les massacre. Ils payent pour tout les boulets qu’on a empêché de monter sur les vélo pendant 1 an.

Ils proposent qu’on aille faire réparer. A 18h, quand tout est fermé. Une soudure sur de l’alu, ah ah ah. Alors ils nous filent l’équivalent de 20 €, c’est la moitié du budget bière de leur soirée karaoké.

En repartant le lendemain, on croise un paquet de soudeur dans leurs petits ateliers. Mais pas un seul n’est équipé pour de l’alu, comme prévu. On finira bien par trouver un de ces jours. M’enfin, c’est pas si grave, j’ai toujours ma béquille, moi.

Comme on manque un peu de temps et qu’on veut pouvoir en passer un peu dans les chouettes coins, on décide de quitter les petites routes de campagne pour s’enquiller 200 km sur l’autoroute. On bouffe du klaxon à gogo le 1er jour et prenons le risque de nous poser dans un hôtel karaoké le soir. Mais ça restera silencieux et nous n’aurons pas à sortir le lance-grenade qu’on garde pour ces occasions.

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La 2eme journée est plus calme côté klaxon (à moins qu’on devienne un peu sourd ?) mais la pluie tombe une bonne partie de la journée et on arrive repeint à Tam Coc avec une bonne séance de nettoyage au jet d’eau avant de monter les affaires dans la chambre.

Ophélie, sur les recommandations d’amis cyclo, nous a choisi un hôtel bien plus cher que d’habitude car ce dernier propose un p’tit déjeuner de fou à volonté : œufs au plat, crêpes, gaufres, fruits, tartines grillées, miel, confiture, croissants, yaourts et jus de fruits frais (orange, mangue, ananas).

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on voit pas sur la photo mais elle a les mains qui tremblent

Avec les 100 km sous la flotte de la veille, on a méchamment les crocs le lendemain matin et on est les premiers devant THE buffet à 7h30. Un carnage, Ophélie engouffre 10 crêpes.

La veille, au dîner, elle en avait déjà commandé pour son dessert. Quand le mec (le gérant, un français hyper sympa) lui demande si elle veut du miel, elle répond en plaisantant  » bah je préférerais du caramel au beurre salé ! ». Le mec répond « attends, j’vais voir » et il revient avec un petit pot qu’il nous offre ! Le trésor !

Le ventre lourd, on part ensuite faire un tour dans les beaux massifs karstiques. Le coin est appelé « la baie d’Halong terrestre ».

Des bus venant d’Hanoï déversent des troupeaux de touristes mais tout ce petit monde finit à vélo ou dans des barques et ça créé une ambiance assez sympa.

Y’a un site d’éco-tourisme qu’on peut visiter, avec des oiseaux, des grottes et un arbre encore plus vieux que Sheila. On tente le coup mais l’entrée n’est pas éco du tout et on renonce.

Pour signaler ce site, ils ont mis des panneaux tout les 50 m pendant 2 ou 3 kilomètres. Et à l’entrée, c’est carrément un 8 x 5 m. Mais c’est de l’éco-tourisme, c’est bien, faut bien le mettre en avant. Ils ont mis 2 passerelle en bois et 3 poubelles, donc c’est écologique.

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Comme ça, les gens ayant traversé la planète en avion pour venir peuvent se sentir bien. Peut-être même aussi bien qu’au volant de leur voiture hybride de 2 tonnes qui ne dégage que 2 grammes de CO2 pour aller chercher le pain à 300 mètres.

Rôôôôôô, on ne peut pas finir l’article sur une note si sarcastique, alors laissez-nous vous parler de notre grand retour. Je vais même faire un paragraphe à part avec un gros titre.


LE GRAND RETOUR

Z’avez vu, j’insiste bien sur le grand.

Donc, oui, on rentre en France, mais par le chemin des écoliers !

Nous ne devrions arriver au pays du fromage qu’en octobre après un passage éclair en Chine, deux bons mois au pays du soleil levant, 1 semaine complète dans un train russe, un été scandinave, du plat pays, des frites, une reblochonnade semi-divine dans les Ardennes puis une arrivée en douceur au Mont St-Michel (galette-saucisse, frites, lard grillé) ou au château de Chantilly (paupiettes-purée, endives au jambon, mousse au chocolat), ou les deux. Sûrement les deux.

Voilà le plan, beaucoup plus de bivouac, beaucoup moins de wifi, de l’eau potable et environ 8000 km à vue de pied.

On ne prévoyait pas de partir si longtemps mais la giclette sacrée est toujours là.

Nous n’envisagions pas non plus de rouler au Japon ou en Scandinavie mais des cyclo-voyageurs croisés en chemin nous ont totalement convaincu. On parlait de Mongolie avant le départ mais nous devons faire des choix et celui d’y renoncer a été difficile pour moi. On se dit qu’on pourra toujours y retourner plus tard, quand on sera grand, c’est à peine 8 jours de train de Paris, une paille.

Donc à bientôt pour la suite du récit égocentrique de nous, nos vélos et nos gueules à 15 km/h !

LOGO AZUB

Quel beau logo tout de même

Cascades, cafés, cou qui craque et cul qui fuit

 

J 331 à 340 / de Pakse à Thakhek via le plateau des Bolovens / 614 km

  • 01/03/17 Pakse – Paksong = 68 km / +1230m
  • 02/03/17 … – 20 km avant Sekong = 87 km / + 330m
  • 03/03/17 … – Tad Lo = 96 km / +830m
  • 04/03/17 Tad Lo = c’est beau de ouf
  • 05/03/17 Tad Lo – Katu = 27 km et visite d’une plantation de café bobo
  • 06/03/17 … – sur la route 13 = 69 km / +180m
  • 07/03/17 … – Seno = 158 km
  • 08/03/17 … – Thakhek = 109 km
  • 09 & 10 Thakhek = torticolique
Bolovens

cliquez pour agrandir

Merci à tous pour les supers commentaires qu’on a eu sur les derniers articles, c’est notre EPO à nous. Parmi les followers, une poignée de psychopathe m’a littéralement harcelé pour que je publie la photo d’un chien tout rouge. Un cliché atroce que je comptais garder pour ma petite collection personnelle. Mais non, j’ai reçu des messages flippants du genre :

  • François de Chantilly : « balansse la tof, je c’est ou t’abite »
  • Maxime le rital : « Ma que !! Yé soui nou dans mon saloune, les bougies sont prêta, y’attends la photo »
  • Philippe de Creil :  » La photo ou j’tues un chien !! »
  • Louison du Nord :  » Si tu ne mets pas la photo, je ne t’offre pas un rolhoff quand tu rentres comme promis »

Me voilà donc contraint de la partager. Par respect pour ceux qui n’aiment pas trop ça ou qui n’ont pas un CAP boucherie-charcuterie, je la mets en tout petit. Il suffit de cliquer dessus pour agrandir.IMG_0183

CHIEN TOUT ROUGE


 

On repart de Pakse en pleine forme et il valait mieux vu qu’on monte pendant toute l’étape, passant de 200 à plus de 1200m d’altitude sur une pente faible. Il fait chaud, c’est un peu pénible au début puis le trafic se calme, l’air se rafraîchit gentiment et on arrive aux premières chutes d’eau pour la pause déjeuner. La piste menant à la première est au milieu de plantations de caféiers, c’est magnifique. Vert bleu ocre.

P1110841 On râle un peu quand il faut payer pour le parking et l’accès aux cascades, on argumente, on geint mais le laotien est inflexible parfois. Alors on squatte une table du resto pour se faire un pique-nique de crevard, niark niark niark, on est des guedins.

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La cascade de Tad Champee est magnifique et nous sommes seuls sur le site. Rien que son nom est mignon déjà.

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l’eau fraîche est excellente pour mes varices

On remonte quelques minutes sur les vélos pour se rendre à la cascade de Tad Fane. Là encore il faut payer mais on arrive à avoir le parking gratuit en prenant un peu la tête au guichetier. Impressionnante, même si on ne la voit que de loin.

Un peu plus loin, c’est Tad Yuang. A ce stade, on comprend que « Tad » doit vouloir dire cascade (je vous arrête tout de suite, ça ne s’applique pas à Tad Merde, ça reste une insulte)

Dans la descente caillouteuse, on fait la rencontre d’un jeune couple de Belge qui vient de se vautrer en scooter. Ophélie sort l’antiseptique et on fait connaissance : la nana est de Watermael-boitsfort, la ville jumelée avec Chantilly !

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Cette cascade est probablement celle qu’on a préféré, en grande partie pour la baignade incroyable qu’on a pu y faire. Le souffle produit par la chute était puissant et la vue d’en bas des plus belles. Encore une fois, il n’y avait personne.

On se sèche devant des laotiens jouant à la pétanque et papotons avec les Belges. La pétanque est un sport qui va bien au laotien, ça excite pas trop entre 2 séances de hamac. Les Belges seront en Mongolie dans un mois pour une immersion dans une famille d’éleveur. On ne voit pas le temps passer et il est tard quand on remonte sur les tanks pour rejoindre la ville de Paksong. Il y a plus de kilomètres que prévu et on finit dans le noir complet avec les lampes frontales, cherchant une guesthouse loin de tout karaoké, ce qui n’est pas si facile. La température chute à 15°C, trop bon.

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On a tellement aimé cette journée pleine de cascades qu’on se décide à faire la grande boucle sur le plateau des Bolovens, ajoutant environ 150 km au parcours. Bon, on aurait su à l’avance ce qui nous attendait, on aurait sûrement gardé le plan petite boucle. On croyait bêtement que dans « plateau des Bolovens », y’avait le mot « plateau » comme on le connaît, un truc que tu montes une fois et ensuite t’es peinard. Comme le causse Méjean, l’altiplano bolivien, le plateau de l’Aubrac ou le plateau de fromage de ma tata Michèle. Mais là non.

On repart donc de Paksong la fleur au fusil et arrivons aux chutes de Tad Tayicseua pour la pause déjeuner après une belle portion de piste.

La descente pour la première cascade est abrupte avec quelques passages d’escalade, l’accès pour personnes handicapées n’est pas pour demain. Ophélie renonce et m’attend à l’ombre. En bas, c’est à couper le souffle (qui était déjà coupé par la descente).IMG_1026

La remontée me flingue les cuisses et on ne trouve pas le courage d’aller crapahuter dans la forêt pour voir les 4 autres cascades du site. Sage décision puisque on se bouffe ensuite 3 petits murs à 14% sur la piste rejoignant la route.

Et là ça descend. C’est quoi ce bordel ?! On est sur un plateau, oui ou non ? On est dégoûté, on repasse à 300 m d’altitude et faudra se coltiner une bonne grimpette le lendemain.

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aaaahhh, des grands espaces, que c’est bon !

En route, on rencontre un couple de cyclo polonais. Ils font presque le même voyage que nous mais dans l’autre sens, alors on papote et on se file des tuyaux qui tournent essentiellement autour de la bouffe et un tout petit peu autour des visas. Le mec est complètement flippé par la malaria, il nous pose plein de question sur les moustiques. Non, y’en a très peu depuis qu’on pédale en Asie, oui on se fait tout de même piquer presque tous les jours, non on ne prend aucun traitement car ça n’arrive qu’aux autres de choper la dengue, le paludisme ou la malaria, oui nous sommes les Panardos et les moustiques repartent de nos chevilles avec le plein de giclette.

En fin de journée, alors qu’on envisage de camper au bord d’une rivière, on voit une publicité sur un resort avec des tentes. On y va et négocions un bon prix pour monter notre super tente au lieu d’utiliser les leurs.

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L’endroit est superbe, très calme et nous avons la surprise de découvrir une nouvelle chute d’eau au pied de laquelle nous nous baignons juste avant le coucher du soleil et juste avant de se cuisiner un bon plat de pâte (pour la sauce : oignons fondants, boîte de tomates pelées, vache-qui-rit et herbes de Provence. Un must). Finalement, ça valait bien le coup de faire cette grande boucle. Du vache-qui-rit peut clairement sauver une journée.

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Le réveil sonne à 5h, on avale notre gruau et profitons de la fraîcheur matinale dans un beau paysage.P1110880 Ça ne dure pas longtemps et on finit par passer des heures sur un faux-plat montant avec vent de face et gros cagnard. Ophélie passe en mode robot pendant je passe en mode autiste avec les écouteurs dans les oreilles et la voix hypnotisante de Fabrice Drouelle. Au bout de 70 km comme ça, on arrive enfin au village qu’on visait et déjeunons dans un petit resto. On avait prévu de se trouver une GH ici mais Ophélie consulte mapsme et constate que les 25 km pour rejoindre Tad Lo sont en descente. Soit, allons-y.

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vélo de feignant

Le village est charmant, pas du tout pourri par le tourisme et nous trouvons une superbe chambre petit budget avec vue sur la cascade. L’endroit est idéal pour une journée de pause. On observe la vie des laotiens sur la rivière : baignade, pêche au filet, lessive, lavage des dents et apéros (avec leurs putains d’enceintes portables d’un mètre de haut).

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On va de suite voir la cascade et on assiste par chance à la baignade des éléphants qui a lieu tous les jours à 16h. Par respect pour eux, on attend qu’ils sortent de l’eau pour aller nous décrasser.

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Après une journée de repos et une autre baignade des éléphants, on reprend la route, mais pas pour aller loin cette fois. 27 petits kilomètres nous conduisent chez Mr Vieng, un gars qui fait du café bio.

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On y passe une journée relax même si son arabica serré nous a complètement empêché de faire la sieste dans les hamacs. Il nous fait visiter sa plantation et nous explique son choix de repousser les avances des marchands d’engrais pour cultiver bio. S’il acceptait, le rendement de ses plants de café serait multiplié par 10 mais sa terre deviendrait stérile au bout de quelques années. Et il ferait quoi alors ? Il laisserait quoi à ses enfants ?

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Donc, il produit peu mais s’en sort grâce au label bio, au commerce équitable et aux amateurs de bon café.

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des fourmis rouges fraichement écrasées, un délicieux goût de citron

Il nous explique comment ça pousse, que le caféier met 6 ans avant de donner des grains, qu’il faut le couper au pied tout les 5 ans et qu’il met ensuite 3 ans à reproduire. Les plants ont besoin d’ombre également, c’est pour cela qu’on trouve tout autour des jaquiers et d’autres arbres totalement inconnus des Panardos et dont on goûte les fruits ou les insectes y vivant. Il y a aussi des plants de manioc au rendement incroyable. En ce moment, c’est la récolte, ils conservent les tiges car une fois la saison humide de retour, il suffit d’en planter un bout dans le sol pour que ça reparte.

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Le soir, on dîne avec un couple de français insoumis, donc on s’entend très bien et la discussion se poursuit tard dans la soirée. Si tard qu’on a pas le courage de se lever à 5h, donc c’est grasse mat’ ! Le réveil ne sonnera qu’à 6h, youpi !

Je me réveille avec un méchant torticolis, je ne peux ni relever la tête ni la tourner. On dirait Quasimodo, Ophélie se moque de moi mais c’est de bonne guerre je le reconnais. La position est tout juste tenable sur le vélo couché, heureusement qu’on est pas en vélo droit sinon c’était impossible. Faut vraiment que je m’achète des nouvelles cervicales, en titane, ça serait bien, c’est léger. Ou en Reynolds 531, c’est confortable l’acier, et puis ça se ressoude facilement n’importe où.

Pour ne pas avoir à repasser par Pakse, on décide de couper en prenant une piste qui nous ramènera sur la route 13, l’axe principale du pays. C’est très jolie et nous traversons des bleds reculés ou les gens semblent voir des falangs pour la première fois, alors avec nos vélos c’est la folie auprès des gamins et on a mal aux bras à force de faire coucou. Mes coucous font pitié vu que je ne peux par tourner la tête, mais ça donne un style très cantilien (habitant de Chantilly), du genre « le bon prince vous salue bien, petit peuple crasseux » du haut de son cheval.

La piste devient rapidement très poussiéreuse et les véhicules, très rares heureusement, soulèvent de gros nuages. On se croirait au Paris-Dakar, sauf qu’on ne roule pas assez vite pour dégommer les p’tits sauvages qui traversent. On enchaîne aussi beaucoup de portions totalement défoncées qui me torturent les cervicales, les grosses pierres et la tôle ondulée étant masquées par le sable fin.

Tiens, certains followers, ceux qu’ont pas bien suivi nos aventures aux Amériques, se demandent ce qu’est la tôle ondulée. Je les invite à lire L’incroyable histoire d’Igmard Washboard.

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On retrouve le bitume au bout de 50 km, corps et vélos recouverts de poussière rouge comme si on avait roulé sur Mars.

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Après un repas (dois-je préciser que c’était surtout du riz ?) et un jus de canne à sucre, on enquille une trentaine de kilomètrse sous grosse chaleur. Il n’est que 13h quand on décide de se replier dans une GH avec climatisation. Mon cou est verrouillé en position « je matte mes pompes » et Ophélie a l’estomac qui fait des loopings à cause des 2 arabicas atomiques qu’elle s’est enfilée le matin. On fait vraiment un beau couple torticolique (Ophélie ne valide pas ce jeu de mot hilarant).

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On passe les vélos et les sacoches au jet d’eau puis les corps sous la douche, la poussière martienne s’est incrustée partout et on laisse de grosses traces rouges sur les serviettes. Ophélie me montre fièrement son coton-tige : « regarde, j’en ai plein les oreilles ». J’ai du me cambrer pour voir.

On dort comme des bébés et on panarpédale dès 6h15, toujours en mode torticolique, l’un bloqué du cou, l’autre pas confiante du c.. . Malgré ça, on enquille une étape monstre, la route était sympa avec des petites bosses et des petites descentes faisant varier l’effort, un vent légèrement favorable, un temps couvert empêchant la température d’atteindre les sommets habituels et un trafic très faible. Ophélie n’arrive pas à manger suffisamment pendant cette journée et finit l’étape au bord de l’évanouissement. Certains vont encore me prendre pour un bourreau mais c’est bien la victime qui a voulu faire cette distance.

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le classique jus de canne à sucre

On se pose dans une GH et je répare une nouvelle crevaison en pensant à une bière fraîche pendant qu’Ophélie retrouve un semblant de vitalité sous la douche.

Note pour les cyclos qui nous lisent : les rustines autocollantes, c’est de la daube. Y’en a qui tiennent mais la majorité se décolle légèrement au bout d’un moment, notamment par forte chaleur. Donc vaut mieux rester sur la bonne vieille rustine à papa, ça prend juste 3 minutes de plus. A moins évidemment d’avoir des Marathon Plus qui, c’est bien connu, sont increvables et inusables.

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Ce soir encore, Ophélie picore. Moi je mange pour 2, ça compense.

Réveil à 4h45, ça pique. On vise Thakhek, prochaine « grande » ville à 100 km. Nous quittons la route 13 au bout de quelques kilomètres afin de rejoindre une voie secondaire longeant le Mekong au plus près. Les nuages s’assombrissent un peu et une pluie légère se met à tomber. La pluie, c’est vraiment le truc qu’on déteste le plus à vélo, bien plus que le vent de face, la chaleur, les pistes défoncées ou les klaxons des Kamaz. Mais cette fois on l’accueille avec le sourire et enfilons gaiement nos vestes ad hoc, appréciant une fraîcheur si longtemps attendue.P1110909

Petit passage warrior quand on atterrit sur une piste rendue collante par la pluie qui redouble, le moral et notre vitesse s’effondrent, on se dit qu’on aurait dû rester sur la 13, qu’on va morfler comme ça toute la journée. Mais le bitume reprend au bout de 8 km et on finit par atteindre Thakhek vers 14h. On a retrouvé les joies simples de pédaler couché sous la pluie : l’eau s’infiltrant inévitablement par le col et les manches, les pieds trempés, la peau des doigts toute fripée, les frottements à l’aine (nous étions restés en short), les chaînes qui crissent et les sacoches pleine de boue.

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On trouve très rapidement une GH dans nos prix, l’absence de climatisation étant très largement compensée par un buffet petit déjeuné. La ville n’a pas de charme particulier mais est agréable et facile à parcourir à pied, même avec un cou bloqué et des fesses serrées. Nous y restons 2 jours, histoire de buller un bon coup en attendant que nos petits bobos disparaissent.

Le soir, sur la place principale, il y a des petits stands où l’on peut manger pour vraiment pas cher, notamment des frites et des gaufres monstrueuses avec de la crème glacée. Y’a des belges qui ont dû trainer dans les parages à une période.

Le tourisme est discret, les falangs n’apparaissent que le soir, revenant fourbus d’une boucle en scooter dans la belle cordillère annamitique au nord-est de Thakhek. C’est ce qui nous attend pour les prochaines étapes qui nous mèneront au Vietnam.

Il sera alors temps de vous parler de notre grand retour.

Quasimodo et Ophéliquide.

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