De la fournaise Khmer aux îles du Mekong, du purgatoire au paradis

 

J 321 à 331 / du Cambodge aux 4000 îles / 426 km

  • 19/02/17 … – Preah Vihear = 60 km / +130m
  • 20/02/17 … – Cheab = 57 km / +100m
  • 21/02/17 … – Stung Treng = 93 km / +320m
  • 22/02/17 … – Khone Phapheng (Laos) = 78 km / +170m
  • 23/02/17 … – île de Don Khone = 12 km
  • 24/02/17 Repos et tour de l’île = 15 km
  • 25/02/17 … – Muang Khong = 23 km
  • 26/02/17 … – bord du Mekong = 57 km
  • 27/02/17 … – Pakse = 88 km
  • 28/02/17 Paksé = repos
cambodge

le Panaparcourt au Cambodge, expéditif

Le réveil sonne à 5h30, je suis encore dans le pâté à cause de l’hypoglycémie de la veille mais tout de même suffisamment d’aplomb pour faire se lever Ophélie sans avoir à utiliser un pied de biche, un treuil ou un taser. Un café, un porridge à la banane et c’est parti pour 60 km sans intérêts. Tout est grillé aux alentours, les arbres sont trop loin, reste que les gens sont toujours souriants et les coucous amicaux. img_0634

On arrive dans la jolie ville de Preah Vihear avant midi et trouvons rapidement un hôtel pour passer l’après-midi à l’ombre. C’est un vrai bâtiment en dur, il y fait assez frais pour se passer de climatisation et donc économiser un peu de sous. On va faire nos emplettes au marché avant de nous réfugier dans la chambre jusqu’au lendemain matin. Le soir, grand moment, on ouvre la dernière boite de pâté Henaff, sans émotions finalement. Il fait bien trop chaud pour apprécier du pâté, surtout s’il est tartiné sur un pseudo pain de mie sucré. On donnerait cher pour de la feta et des olives en revanche.

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un p’tit jus de canne à sucre pour refroidir le moteur

Départ à 8h le lendemain. Comme la veille, on ne prévoit qu’une petite étape afin de ne pas rouler après midi. Le thermomètre affiche 38°C à l’ombre depuis un moment déjà quand on finit par arriver à 11h30, le soleil tape très très fort, on est vraiment content d’avoir nos beaux chapeaux et de la crème solaire de qualité.p1110787

Le seuls autres clients de l’hôtel sont un couple de cyclo danois, Camelia et Sorn, et nous sommes tous contents de voir qu’on n’est pas les seuls à galérer dans cette poêle à frire cambodgienne. On se met rapidement d’accord pour rouler ensemble les jours suivants, on pourra avoir de longues discussions du genre :

  •  » ‘fait chaud hein ?
  • ouais grave, j’en peux plus ! Il est quelle heure ?
  • 8h34
  • Gushtenfrütte (c’est du danois, intraduisible) !! Ça va être long… Hé ! C’est quoi ce truc derrière, on dirait un vampire ??!!
  • C’est Ophélie, elle vient de se mettre de la crème solaire. N’ai pas peur. »

On passe l’après-midi à bouquiner sous le ventilo pendant qu’une musique digne des fêtes foraines les plus classes commence à se faire entendre. Le volume du son est prodigieux, les murs tremblent sous l’impact des basses. C’est des fous les cambodgiens avec leur musique, ils adorent mettre à fond, c’est insupportable. Ophélie commence à s’inquiéter pour la nuit à venir et part mener son enquête. Elle a déjà sa tête de vénère.

C’est tellement fort qu’on dirait que ça vient de la maison juste à côté mais en fait ça vient d’un bar à 150m, monstrueux. Des enfants sont là, les mains plaquées sur les oreilles. Le mec doit baisser le son pour pouvoir parler avec la « falang » au cheveux blond qu’a pas l’air contente. Résultat de l’enquête : va y avoir du gros son jusqu’à 11h minimum, même s’il n’y a aucun client.

Ophélie part voir le gars de l’hôtel pour qu’on ait une nouvelle chambre à l’opposé du bruit. Il refuse tout net. Ophélie passe en mode super saïen de la colère et ne lâche rien jusqu’à ce qu’il craque et on passe une nuit acceptable.

Il fait 28°C dans la chambre quand on se lève à 5h et sommes sur les vélos à 6h avant le levé du soleil.p1110794

Avec nos nouveaux amis danois, nous claquons les 93 km-vent-de-face-sans-manger qui nous séparent de la ville suivante dans la matinée. On se trouve rapidement une chambre et Camélia, qui supporte mal la chaleur, lâche une galette dans les toilettes avant de passer l’après-midi allongée.

Ce jour-là, nous aurions vraiment mieux fait de prendre la clim, la température n’est pas passée en dessous de 31°C dans la nuit, affreux, on récupère très mal.p1110799

Malgré ça, nous sommes à nouveau sur les vélos à 6h le lendemain et prenons une belle averse juste après avoir franchi le Mékong. Ça nous dégueulasse les vélos mais ça fait du bien. Le soleil revient trop rapidement, ainsi que son ami le vent de face et l’étape devient physique une fois de plus.

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On passe la frontière avec le Laos, quittant le Cambodge sans un dernier regard en arrière. C’est vraiment la première fois qu’on a le sentiment de ne pas avoir aimé un pays. On était certainement pas aux meilleurs endroits ni au bon moment et avons pris peu de plaisir à rouler. Mais on ne regrette pas du tout car c’était un passage nécessaire pour accéder au sud du Laos et les temples d’Angkor valait bien le détour.

Côté Laos, on paye à nouveau pour un visa puis un gars nous demande 4$ supplémentaire pour les tampons d’entrée. Ben voyons ! On refuse, c’est mentionné nul part ces frais. Il insiste, on demande un reçu. Ça l’énerve, il met nos passeports de côté :  » You don’t pay, no passport « .

On n’a pas la patience de jouer et d’attendre, d’autant plus que le groupe de français juste derrière va forcément payer ces même frais. Alors on lui lâche rageusement ses 4 $ et filons avec des envies de meurtre.

On est tout de même très content d’être à nouveau au Laos. Les paysages sont d’emblée plus sympas, y’a qu’un seul côté de la route qui est brûlé.

On se pose dans un hôtel avec option climatisation cette fois. Ça change tout, on dort comme des bébés pour la sieste. En fin de journée, je vais faire un tour aux cascades de Khone Phapheng à 2 km. Ça disait  » la perle du Mékong ». Mais l’entrée est payante, plus de 6 € !! La poule aux œufs d’or du Mékong ouais ! Ils ont mis des toboggans et un stand de tir au dauphin ou quoi ? J’essaye de trouver un chemin pour y aller en mode furtif mais leur petit business est bien verrouillé  et je ne verrais cette cascade que d’en haut. img_0656Tu vois pas grand-chose d’en haut, juste que l’eau disparaît à un moment. Ça m’énerve quand il faut raquer pour voir la nature, surtout quand on y vient à vélo ou à pied.

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Après une très bonne nuit, on file rejoindre le Mékong afin de prendre un bateau pour l’île de Don Khone. C’est magnifique, enfin ! Nous sommes dans la régions des 4000 îles du Mékong et c’est aussi beau que le nom le laissait présager. On charge facilement les 4 vélos dans une barque et avançons sereinement dans ce décor incroyable. Ça fait vraiment du bien de voir toute cette eau et cette verdure après ces derniers jours dans la pampa carbonisée.

Il faut s’imaginer la taille du Mékong à cet endroit, si large qu’il comporte des îles de plusieurs kilomètres. Certaines ont des ponts mais la plupart ne sont accessibles que par voie fluviale.

On débarque donc à Don Khone, île réputée pour sa tranquillité et ses belles cascades. Le tourisme est finalement assez discret et on se trouve une guesthouse charmante en surplomb du Mékong, avec hamac et ventilo. Bon, le hamac en filet, ça fait super mal et le dos ressemble à un rosbeef au bout de 10 minutes.img_0692

Sur nos tanks, on part le lendemain à la découverte de l’île via des petits chemins que les VTTistes appelleraient singletrack. On lâche une petite somme pour aller voir la cascade de Li Phi et on admet que ça valait bien le coup. Gigantesque, un débit impressionnant qui n’est pas sans nous rappeler le Rio Baker en Patagonie (et il était gratos lui).

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Après les cascades, on suit des petits panneaux en bois  » to the beach »,  » to the beach », « to the beach ». L’envie de faire trempette est de plus en plus forte, forcément. Plus que quelques mètres « to the beach », on passe un bar tout en bois et bambou, descendons une volée de marche et la plage apparaît enfin derrière un dernier petit panneau en bois :  » strong current, do not bath  » (courant fort, ne pas se baigner). La blague.img_0770

J’y vais quand même, trop chaud, c’est trop bête d’aller to the beach si on ne se bath pas. L’eau est chaude et le courant pas si fort si on reste au bord. Pour aller au milieu, vaut mieux avoir des palmes avec un bon cardio ou avoir envie de voir le Mékong autrement, très longtemps.img_0790

On continue notre balade jusqu’au sud de l’île. Y’a une colonie de dauphin qu’on peut aller voir moyennant un avant-bras ou un demi-rein. Un groupe de sympathiques français en vient, on les interroge :  » bof, y’en a que 5, on les voit de très loin et ils ne remontent que pour respirer brièvement. C’est à vous les vélos ? Ça grimpe bien en côte ?  » Et c’est parti pour se la raconter pendant un quart d’heure.

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Passage délicat

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On remonte ensuite vers le nord via une autre cascade, gratuite mais pas folichonne comparée à l’autre. On continue dans la forêt, sur une ancienne ligne de chemin de fer construite ici par les français au temps de l’Indochine, elle servait à transporter des grumes d’un bateau à un autre, entre les cascades infranchissables. Il ne reste presque rien à part 2 locomotives rouillées et le pont reliant Don Khone à Don Det.

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le pont français

Le lendemain, on dit au revoir ou à plus tard à nos Danois et partons vers le nord. On traverse Don Det, l’île des fêtards, encore endormi à cette heure. Une barge nous conduit alors sur l’île de Don Som, puis une autre sur celle de Don Khong, la plus grande. Superbe balade à vélo entre rizières à sec, buffles, Mékong et les « sabaidee » enthousiastes des très nombreux enfants. Grand moment de vélo.

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Pour faire durer le plaisir, on s’arrête dès 10h30 dans un hôtel et profitons de sa piscine une bonne partie de l’après-midi. Le soir, on se fait une super omelette pomme de terre ciboulette. Les touristes du resto d’à côté ont dû nous regarder bizarrement. On devrait se faire une pancarte : « Ça fait 5 mois qu’on bouffe du riz, aidez-nous ! »

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Au matin, après un petit déjeuner devant un fleuve miroitant dessinant les pêcheurs en ombre chinoise,on se fait une étape des plus belles.

La piste serpente au dessus du Mékong, longeant des petits villages, on est à l’ombre, les gens nous saluent de partout, moment magique.

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En fin de matinée, on s’arrête pour assister à des combats de coq, la grosse animation du dimanche ici. Pas assez expéditif à mon goût, ils devraient mettre des lames de rasoir au bout des pattes. Ou alors faire des combats mixtes, du genre coq vs yorkshire.

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Les temples sont très nombreux et on prend le temps d’en choisir un bien.p1110830 Bingo en début d’après-midi, une belle pelouse verte et moelleuse !! Je demande à un moine, pas de problèmes pour poser la tente et il m’indique la douche. La douche ! Avec un pommeau ! Ophélie est folle de joie, elle va pouvoir faire un shampoing.

Je profite du temps libre pour réparer mon vélo : crevaison lente à l’arrière et point dur dans la direction. Les moines observent, peut-être qu’ils me prennent pour un des leurs avec mon t-shirt orange. On est si bien dans ce temple.img_0849

Le soir, on fait sauter le reste de patates avec des oignons et de l’ail et complétons avec du riz gluant pour bien caler. Il fait un poil plus frais désormais et nous passons une bonne nuit, à peine troublée par les froissements d’ailes des nombreuses chauve-souris passant autour de la tente. On entend leurs petit cris stridents à l’aube, elles squattent la toiture du bâtiment à côté. Braves bêtes, elles mangent les moustiques.

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Le lendemain, la belle ballade continue toujours à travers les villages pittoresques. Les gens vivent de peu de choses et ont l’air très heureux. La piste est fantastique, le trafic quasi inexistant.

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On emprunte de nombreux ponts enjambant des bras morts puis montons dans une barge que des écoliers empruntent dans l’autre sens. Pour la toute première fois, une jeune laotienne surmonte sa retenue et fait un selfie avec Ophélie-Roswell. On se dit qu’on pourrait rouler des semaines entières comme ça.

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On arrive à Champasak avant midi, on avait prévu de se poser là mais il ne fait plus si chaud que ça et on décide de pousser 36 km de plus pour rejoindre Paksé. C’est du bitume, ça roule tout seul.

Un long pont nous fait franchir à nouveau le Mékong et nous voici arrivés.

  • Ophélie – 13H38 :  » Tu pourras aller chez le coiffeur à Pakse, ça serait pas du luxe
  • Fred : Yes, j’me ferais bien faire le maillot aussi. Faudra que je trouve un jardinier pour ça. »

On revoit à nouveau des backpackers avec des sacs à dos énormes, on se demande ce qu’ils mettent dedans sachant que la plupart n’a pas d’équipement de camping, ni de doudoune, ni 2 kg de pomme de terre, ni de poêle anti-adhésive de 28 cm et ni des chambres à air de rechange. On se sent tout léger du coup.

On tente notre chance dans une GH recommandée dans le Lonely Planet ==> complet. On se rabat alors dans une autre qu’on a passé juste avant, c’est bon. Hop, on prend 2 nuits histoire de faire une pause, me faire tondre et mettre à jour le blog, au frais.

La suite : une grande boucle sur le petit plateau des Bolovens, des cascades, du bon café et des matins frisquets !!! On rêve d’enfiler nos polaires !

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