Repartir

On n’a qu’une vie, repartons les pieds devant !


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Et voilà, moins de 2 ans après notre retour de voyage aux Amériques, nous repartons. Premiers coups de pédales début avril 2016 pour un long voyage sur la route de la soie.

Trop envie de vivre à fond, il ne nous été pas possible d’attendre. Attendre d’avoir des enfants, attendre qu’ils soient grands, attendre que la maison soit payée, attendre la retraite, attendre que les terroristes se calment, attendre d’être prêt, attendre la prochaine coupe du monde de foot, attendre qu’Azub fasse des vélos de moins de 15 kg, attendre l’épisode final de Plus belle la vie (celui ou ils s’entretuent tous à la boule de pétanque, enfin !), attendre de choper un cancer ou – pire – une calvitie, attendre l’album de Goldman en duo avec Booba, attendre de gagner au Loto, attendre la suite poignante de Twilight… et que sais-je encore.

Le nomade freine la course des heures … il change le sable du sablier en poudre d’escampette –Sylvain Tesson

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Notre 1er voyage était trop puissant pour ne pas vouloir repartir voir le monde à vélo, ralentir la course du temps, un peu l’écart de l’agitation parfois si vaine des hommes, et revivre ces moments simples ponctués d’efforts, de joies, de peines, de caleçons sales, de bivouacs, de rencontres et de quelques repas frugaux. Amen.

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Et si nous sommes devenus très critiques envers l’Occident et ses dérives, ce voyage n’est pas une fuite. On sait qu’on reviendra mais on veut voir comment ça se passe ailleurs, comment sont les gens et les montagnes, tout simplement. Et même si c’était une fuite, je crois que ça serait l’une des plus belle façon de le faire, comme ça, à vélo.

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Enfin, ce n’était pas une décision facile à prendre et il est beaucoup plus difficile de repartir que de partir. Surtout que, cette fois, nous quittons nos jobs définitivement, ce n’est plus comme les longues vacances du congés sabbatique. Là, on a vraiment le sentiment de quitter le système et de se mettre en marge, c’est déroutant. Surtout qu’on n’aime ni les bergers allemands, ni la 8-6 !

Il faudra donc batailler un peu au retour, ça sera pas du tout-cuit. Mais on a un plan et on compte bien ne plus avoir à soupirer dans un bureau derrière un ordinateur, dans un job dont le sens nous échappe. C’est une belle opportunité en fait.


 

Pour finir, d’autres sauvageons ont trouvé les mots pour décrire bien mieux que moi ce besoin de partir :

Comme le très contemplatif Henry David Thoreau, l’un des précurseurs de la décroissance (ouh le vilain mot !!) :

 » Je gagnais les bois parce que je voulais vivre suivant mûre réflexion, n’affronter que les actes essentiels de la vie, et voir si je ne pourrais apprendre ce qu’elle avait à enseigner, et non pas, quand je viendrais à mourir, découvrir que je n’avais pas vécu. Je ne voulais pas vivre ce qui n’était pas la vie, la vie est si chère ; pas plus que je ne voulais pratiquer la résignation, avant que ce ne fût tout à fait nécessaire. Ce que je voulais, c’était vivre en profondeur, sucer toute la moelle de la vie, mener une vie assez vigoureuse et spartiate pour mettre en déroute tout ce qui n’était pas la vie, couper un large andain et tondre ras, acculer la vie dans un coin, et la réduire à sa plus simple expression. »Walden ou la vie dans les bois.

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 » Ce monde est un lieu d’affaires. Quel remue-ménages incessant !Je suis réveillé presque chaque nuit par le halètement des locomotives. Il interrompt mes rêves. Il n’y a pas de shabbat. Ce serait merveilleux de voir l’humanité gôuter pour une fois au temps libre. Ce n’est que travail et travail encore.  […] Je pense qu’il n’est rien, pas même le crime, de plus opposé à la poésie, à la philisophie, voire à la vie elle-même, que cette incessante activité.  » – La vie sans principe.


Ou comme Bernard Moitessiers, dans un style un peu plus sombre mais tellement parlant :

« Je n’en peux plus des faux dieux de l’Occidents toujours à l’affût comme des araignées, qui nous mangent le foie, nous sucent la moelle. Et je porte plainte contre le Monde Moderne, c’est lui, le Monstre. Il détruit notre terre, il piétine l’âme des hommes.

  • C’est pourtant grâce à notre Monde Moderne que tu as un bon bateau avec des winches, des voiles en tergal, une coque metallique qui te laisse en paix, soudée, étanche et solide.
  • C’est vrai, mais c’est à cause du Monde Moderne, à cause de sa prétendue « Civilisation », à cause de ses prétendue « Progrès » que je me tire avec mon beau bateau.
  • Eh bien, tu es libre de te « tirer », personne ne t’en empêche, tout le monde est libre, ici, tant que ça ne gène pas les autres.
  • Libre pour le moment… mais un jour plus personne ne le sera si les choses continuent sur la même pente. Elles sont déjà inhumaines. Alors il y a ceux qui partent sur les mers, ou sur les routes, pour chercher la vérité perdue. Et ceux qui ne peuvent pas, qui ne peuvent plus, qui ont perdu jusqu’à l’espoir. La « Civilisation occidentale » devenue presque entièrement technocrate n’est plus une civilisation.
  • Si on prenait l’avis des gens de ton espèce, plus ou moins vagabonds, plus ou moins va-nu-pieds, on en serait encore à la bicyclette !
  • Justement, on roulerait à bicyclette dans les villes, il n’y aurait plus ces milliers d’autos avec des gens dures et fermés tout seuls dedans, on verrait des garçons et des filles bras dessus bras dessous, on entendrait des rires, on entendrait chanter, on verrait des choses jolis sur les visages, la joie et l’amour renaîtraient partout, les oiseaux reviendraient sur les quelques arbres qui restent dans nos rues et on replanterait les arbres tués par le Monstre. Alors on sentirait les vraies ombres et les vraies couleurs et les vrais bruit, nos villes retrouveraient leur âmes et les gens aussi.

Et tout ça, je sais très bien que ce n’est pas un rêve, tout ce que les hommes ont fait de beau et de bien, ils l’ont construit avec leur rêve… Mais là-bas, le Monstre a pris le relais des hommes, c’est lui qui rêve à notre place. Il veut nous faire croire que l’homme est le nombril du monde, qu’il a tous les Droits, sous prétexte que l’homme a inventé la machine à vapeur et beaucoup d’autres machines, et qu’il ira un jour dans les étoiles s’il se dépêche quand même un peu avant la prochaine bombe.

Mais il n’y a pas de soucis à se faire là-dessus, le Monstre est bien d’accord pour qu’on se dépêche… il nous aide à nous dépêcher… le temps presse… on n’a presque plus le temps… Courez ! courez !… ne vous arrêtez surtout pas pour penser, c’est moi le Monstre qui pense pour vous… courez vers le destin que je vous ai tracé… courez sans vous arrêter jusqu’au bout de la route ou j’ai placé la Bombe ou l’abrutissement total de l’humanité… etc «  La longue route (1971 !!)

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