PanarFinlandade – la suite

J 468 à 474 / de Kuhmo en Finlande à Tromso en Norvège / 557 km à vélo et 600 en bus

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16 Juillet 2017  Kuhmo – Suomussalmi = 138 km / +1105 m

On ne se lasse pas de ces paysages monotones et bouclons l’étape avec l’euphorie et l’apaisement propres aux longues séances de pédalage. Le matin, on a vu les premiers panneaux «attention aux rennes» et on ne tarda pas à croiser les premiers spécimens. P1120907Super, on croyait que ces bêtes là vivaient bien plus au nord, là ou ne pousse que le lichen et des sapins rabougris. Ils restent stoïques face aux voitures mais détalent à la vue de nos tanks à pédale. P1120911Un peu plus loin, j’aperçois une femelle élan dans un champs, gigantesque. Génial d’avoir vu tant d’animaux exotiques du haut de nos petits vélos : lamas, vigognes, guanacos, lapins Duracell, bisons, crotales, habitants de Cuignières, manchots, singes, dromadaires, condors, auvergnats, éléphants, marmottes, yaks… sans compter toutes ces petites «surprises de la route».

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oh les jolis petits yeux noisettes

On se pose dans un camping magnifique entouré d’un lac avec de l’eau humide qui mouille, les sanitaires sont vintages comme on aime et le prix tout doux, enfin ! Il me reste juste assez de giclette pour taper 10 km de plus afin de trouver un supermarché et se faire un bon gueuleton : saucisses à griller au feu de bois, pommes-noisettes, bières, abricots et yaourts.IMG_4610

Manger des grosses saucisses en plastique au coin du feu est un autre sport national finlandais, juste devant tondre sa pelouse et faire du ski de fond en collant fluo avec une carabine dans le dos. Elles sont vraiment pas terribles ces saucisses mais depuis le temps qu’on voyait des gens en faire griller, il fallait qu’on teste. 79 centimes d’Euros les 2 saucisses de 400 grammes, faut pas s’attendre à un miracle, ni à vivre très longtemps si on ne bouffe que ça.

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le gros toutou du camping a failli vider le lac en s’abreuvant

Pas de déception avec les pommes-noisettes, trop bon, prévoir le double en quantité la prochaine fois. Le couple de randonneur avec qui on partage la table nous expliquent qu’ils appellent ça les pommes-de-terre de Paris. Y’a un soucis mondial là :

  • Les Laotiens appellent les pommes-de-terre «man phalang», soit le légume de l’étranger. Mais le mot «phalang» venant à l’origine du mot «français», ça devient un peu le légume du français
  • Les anglos-saxons appellent les frites «French fries»
  • Et maintenant les finlandais avec les pommes-noisettes «de Paris»

Les pauvres péruviens, ils se sont crevés le cul à faire pousser 10 000 variétés différentes à plus de 4000m d’altitude pendant des siècles et tout le monde croit que ça vient de chez nous.P1120846

 

17 Juillet 2017  Suomussalmi – Hossa = 101 km / +705m

C’est la St Fred aujourd’hui, Ophélie est officiellement mon esclave pour la journée. Mais les 100 km ne laissent pas vraiment le temps de faire autre chose que de pédaler dans la forêt, à quelques kilomètres de la frontière russe.P1120875 La route monte et descend constamment, le trafic est quasi nul, le ciel est bas et nuageux, le vent souffle dans le dos, c’est chouette. On voit des rennes aux bois immenses et j’aperçois avec chance un élan mâle s’enfuyant dans sa belle taïga avec une souplesse et une rapidité étonnante vu son gabarit. P1120880Ophélie scrute les bois en permanence à l’affût d’un ours, on dirait un périscope de sous-marin. Elle flippe d’en croiser un, elle oublie que j’aurais vite fait de me mettre en slip pour le faire fuir.

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On ne voit pas les moustiques, ni la pluie qui approche et qui tombera sur nos tartines de salami

De mon côté, je rêve de voir un carcajou, aussi appelé glouton, ou wolverine en anglais, ou encore kik’wa’ju (esprit malin) dans la langue des Micmacs, les premiers hommes du Canada.

 

 

Animal mythique chez les indiens et les trappeurs d’Amérique du Nord, craint pour sa voracité et sa férocité, respecté pour sa ruse, sa force et ses capacités de survie hors du commun. Avant tout charognard, il est capable de tuer à lui seul un renne ici en Finlande, et ce malgré son petit gabarit (8 à 20 kg). A découvrir dans Le Carcajou de Bernard Clavel, après avoir dévoré les 6 tomes de la série Le Royaume du Nord pour bien se mettre dans l’ambiance.P1120867

Après avoir cassé le 1er maillon du voyage, on tombe sur un camping au km 101, c’est parfait. A peine le temps de monter la tente et de manger avant de s’offrir 1 heure dans le sauna au bord du lac. La séance de chaud-froid fait du bien mais les 1ere minutes n’ont pas été faciles avec le bide débordant encore de pâtes à la sauce tomate. On ne pouvait tout de même pas rouler en Finlande sans aller dans un sauna. Ça serait comme rouler en France sans manger de fromage ou comme rouler en Bolivie sans avoir la chiasse.

Elle était cool cette St Fred.IMG_4632

 

18 juillet 2017  … – Kuusamo = 86 km / +610m

 

Ah bah non, c’est aujourd’hui en fait la St Fred. Ophélie ne m’offre rien sous prétexte qu’il n’y a pas de St Ophélie, la crevarde.

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Un renne blanc, on dirait une chèvre

Je perd ma serviette ultra-légère qui a été de tout les voyages depuis 7 ans et on fait une pause repas dans une belle cabane en bord de lac, ça compense un peu mais pas complètement. Quand j’avais perdu juste l’étui de cette serviette en Thaïlande, j’avais déjà déprimé pendant toute une journée.

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petite pub gratos pour l’AFV, c’est cadeau

On arrive à Kuusamo, je vais enfin arrêter d’avoir cette chanson qu’Antti nous avait mis dans la tête :

Apparemment les paroles sont tordantes, ça parle de la belle vie à la campagne en comparaison de celle à Helsinki. Je vous laisse juger.

  • 19 juillet 2017  … – Posio = 51 km / +285m

  • 20 juillet 2017  … – Rovaniemi = 137 km / +725m

  • 21 juillet 2017  Rovaniemi = «repos» – 24 km

  • 22 juillet 2017  Rovaniemi – Tromso (Norvège) = 9h de bus, 10 km à vélo

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pas plus de 8% en réalité

De la forêt, des lacs, du lichen, des rennes et moins de moustique grâce à un temps plus frais. On est en Laponie.IMG_4659

La dernière étape PanarFinlandesque nous mène à Rovaniemi et c’est la première où l’on s’ennuie un peu sur les vélos. Malgré ça, ça nous titille drôlement de continuer plein nord pour voir la taïga céder la place à la toundra. Ça nous titille de rallier le bout du bout, même si c’est symbolique, même si c’est monotone, même si le Cap Nord disparaît dans le brouillard. Rallier Ushuaïa était symbolique également et c’est pourtant parmi nos plus belles semaines de voyage.

Mais non, la Norvège nous attend et nous n’iront pas plus loin en Finlande, question de timing, question qu’on ne veut pas rentrer en France en plein hiver. C’est un coup à s’ouvrir les veines sur le plateau picard, à 30 km de la maison, ça serait ballot.

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à Rovaniemi

On se pose au très jolie camping à 5 km de Rovaniemi pour se faire une journée «repos». Je mets des énoooormes guillemets car entre les courses, du shopping (nouveau t-shirt et pantalons pour remplacer ceux avec de la dentelle au niveau des fesses), la lessive, l’achat des billets de bus et la visite du village du père Noël, on a fini complètement crevé. Heureusement qu’un gentil couple en mini-fourgon aménagé nous a requinqué le soir, à coup de rosé. Devinez quoi, ils sont français. Les camping-caristes, plus ils ont un petit véhicule, plus ils sont sympas. Pour ceux dans les bus de 6 mètres à 50 000 €, je ne peux pas dire, on ne les voit jamais, sauf quand ils viennent squatter les éviers pour faire leur vaisselle, tous à la même heure, ou qu’ils se promènent fièrement en traînant leurs boites à caca (le truc pour WC chimiques). Sinon pourquoi ils mettraient le nez dehors ? Ils ont les chiottes, la douche, la téloche, le marche-pied électrique, le frigo, une plante en pot sur le tableau de bord, un salon, un store de 4 mètres pour pas voir le ciel, des rideaux pour pas voir dehors et même la climatisation pour les plus fougueux. Les vélos accrochés à l’arrière, c’est juste pour faire jolie ou aller acheter le pain si c’est à moins de 500m, sinon ils sortent le scooter du coffre. Et ils vont presque tous au camping, dans la nature c’est dangereux et y’a pas l’électricité.

Ils nous gavent ces «campeurs» qui ne peuvent pas voyager sans embarquer la moitié de leur maison et la totalité du confort moderne. Je ne dis pas qu’il faut que tout le monde doit se la jouer warrior à vélo avec petite tente et repas en tailleur autour du réchaud, mais y’a un juste milieu, un pas à faire vers plus de simplicité et de décroissance. Pour les baby-boomers, on peut comprendre à la limite, mais quand on voit des jeunes dans des monstres de 4 ou 5 tonnes, on se dit qu’ils auraient pu se payer de longues années de voyage à vélo pour le même prix.

Fin du passage LdP.

Revenons à nos moutons, Rovaniemi est officiellement la ville du Père Noël, et ça en attire plein justement, des moutons. Des cars entiers de chinois ne viennent en Finlande rien que pour ça, quelle tristesse. En vrai, le gros barbu alcoolique n’habite pas là, c’est bien connu. Il vit aux États-Unis, entre Atlanta (siège social de Coca-Cola) et Wayne dans le New Jersey (siège social de Toy «r» Us). Il est pas con l’gars, il est là où y’a l’pognon. Il prévoit d’ailleurs de déménager prochainement à Hangzhou (siège social d’Aliexpress).IMG_4698

On a donc mis nos t-shirts en laine pour passer incognito et sommes allés jeter un œil à ce village. Ils auraient pu faire un truc chouette mais ça ressemble à une aire d’autoroute améliorée au final. M’enfin, y’avait pas foule et on a pu se prendre en photo sur la ligne matérialisant le cercle polaire arctique, véritable raison de notre visite. Je voulais faire une photo d’aventurier de l’extrême en portant mon vélo à bout de bras au dessus de la tête, alors je demande à un gars de nous prendre. Au premier coup, le gars se trompe de bouton, les gens ont trop de mal avec un reflex. Pas grave, on recommence et je me retape un autre épaulé jeté, bordel j’ai rien dans les bras et le vélo pèse un âne mort. Cette fois c’est bon, je contrôle la photo… ok, c’est tout pourri, le gars s’est pas dit que ça serait bien qu’on voit la ligne du cercle polaire. J’espère que c’est pas lui qui photographiera sa fille sur les genoux du Père Noël sinon on verra juste un bout de sapin et le cul d’un renne.

Re-fin du passage LdP

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Les boutiques de souvenirs sont trop nazes mais c’est marrant de voir des chinois acheter des trucs hors de prix fabriqués chez eux pour 3 fois rien.

La poste est sympa en revanche, c’est ici qu’arrivent les lettres des enfants du monde entier. Quelques-unes sont affichées, genre le petit Ramul du Pakistan qui aimerait une paire de basket neuve sans trous, la paix sur terre et une sécheresse pas trop longue pour l’année prochaine. Ou celle de Laina la Laotienne qui demande une prothèse à sa taille pour sa jambe droite, un travail pour son papa et un 6eme petit frère. C’est trop choupinou esprit de Noël. Ils n’ont pas mis celle du petit Kilian – 7 ans – Melun qui demande à peu près 3 rayons entiers de la Fnac.IMG_4701

On envoie quelques cartes postales, vu le prix du timbre, c’est un beau cadeau.

Le lendemain, on file prendre notre bus pour la Norvège. Les vélos rentrent sans problèmes et le chauffeur roule vite sur les routes abîmées de Laponie. Le paysage change doucement, les arbres se font plus petits, Ophélie tricote, je mets le blog à jour, y’a un wifi de fou dans le bus, je savais pas que c’était possible. Au bout de 6 heures, les quelques voyageurs sont descendus et on se retrouve seul dans le bus.P1120934 On ne sait pas si on est toujours en Finlande ou déjà en Norvège, on n’a pas vu de panneau et encore moins de postes de douane abandonnés. P1120929Ce qui est sûr, c’est que le décor devient spectaculaire et qu’on se croirait revenu en Patagonie chilienne.IMG_4716 C’est un tout petit aperçu à échelle réduite de ce qui nous attend pour la suite au pays des fjords, des trolls et du café à 4 €. On vous racontera ça au prochain épisode, là on peut pas, on a pêche.IMG_4719


 

BILAN FINLANDE

 

  • 1137 km
  • 12 étapes et 3 jours de repos
  • 7600 m de D+
  • Pas de crevaisons
  • 16 beignets, dont 10 le même jour
  • 2 kg de bonbonsIMG_4602

Au top, on a adoré notre court séjour dans ces immenses forêts. J’écris ces lignes alors qu’on vient de rouler 5 étapes en Norvège et heureusement qu’on l’a fait dans cet ordre car pédaler en Finlande après le spectacle norvégien doit paraître bien morne, même si ça reste très très beau.

 

 

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Sinon, en vrac :

  • On voit pas mal de sapins et de bouleaux
  • Quelques lacs par endroits
  • Des moustiques et des taons très câlins. On pensait péter un câble mais on s’y fait à peu près finalement. Avant, je pensais que ces bestioles ne servaient à rien mais j’ai eu le temps de réfléchir sur la route. Je crois qu’elles existent pour faire aimer l’hiver aux Finlandais. Quand tu te fais piquer pendant 3 mois, t’attends qu’une chose : le froid, la neige et la glace pendant tout le reste de l’année.
  • Le pays n’est pas plat du tout ! J’avais vendu la Finlande à Ophélie avec des «tu verras, on va se taper un 200, easy !». Et non. Mais on a eu un bon vent dans le dos la plupart du temps, soyons honnêtes.
  • Routes désertes, des camping-cars principalement finlandais, très peu de cyclistes (5 en 2 semaines) et des motards, notamment ceux en Harley qui devaient bien serrer les fesses de peur de tomber en panne sèche entre 2 villes.
  • Du calme et un silence de qualité. Même les oiseaux sont discrets, et heureusement vu qu’il fait jour en permanence.
  • Les campings du sud sont hors de prix et c’est non négociable.
  • Les croissants chauds et les beignets à 39 centimes dans les supermarchés.
  • Les Finlandais parlent presque tous un anglais impeccable, de la caissière du supermarché au petit vieux de 70 ans dans la rue, c’est génial de pouvoir communiquer pleinement à nouveau. On ne sait pas si l’enseignement est plus performant qu’en France mais une enquête de notre part tend à montrer que c’est la TV qui est responsable. Les finlandais n’étant que 5 millions, les films et séries étrangères ne sont pas traduites, ce ne serait pas rentable. Ainsi, les finlandais se familiarisent et se perfectionnent en regardant des films en VO sous-titré, tout simplement. Whaou, un effet positif de la téloche, incroyable ! Peut-être qu’on peut même apprendre le Romantisme et l’Amour en regardant du Jacky & Michel. Alors on dit merci qui ?
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moment de poésie

 

Bonnes vacances aux Aoûtiens et bon courage aux Juillettistes !

Du Père Poutine au Père Noël – les Pieds en Finlande

J 459 à 467 / de Vyborg (Russie) à Kuhmo (Finlande) / 629 km

 

07 juillet 2017  Vyborg (Russie) – Lappeenranta (Finlande) = 69 km / +530m

12°C, temps couvert, vent de nord, donc de face et frisquet. Jamais on a eu un tel affront au Japon, il faut se réhabituer à un monde imparfait. Ophélie n’avance pas, j’ai beau la motiver comme je peux (insultes, jets de cailloux, crachats, coups d’antivol sur les rotules, menace d’interdiction de shampoing…), rien n’y fait. Alors elle saute pas vraiment de joie quand je lui propose impose un bout de piste forestière, c’est un raccourcis et ça nous évite la route un poil trop passante. P1120711Elle n’arrive même pas à admettre que c’est bien roulant et que c’est jolie cette forêt (pleine de moustiquausores qui t’empalent dès que tu t’arrêtes, pour pousser le vélo sur les parties sablonneuses par exemple).

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On rejoint la route, le trafic s’est calmé, le ciel se découvre et on pédale entre des lacs. Le vent nous freine beaucoup mais on se dit qu’on veut bien se le taper sur toute la Finlande s’il nous garantie le beau temps.

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c’est parti pour 1000 km à peu près comme ça

A la frontière russe, on dépasse la file de bagnole et faisons tamponner nos passeports, pour la dernière fois. Dans ma tête se joue un rapide flashback de quelques frontières traversées pendant ce voyage : la Turquie accueillante, l’Iran avec les militaires me disant que la tunique de ma femelle n’est pas assez longue, la poche à eau explosive de Ben en Ouzbékistan, le Kirghizistan avec la Pamir Highway dans le dos, le combat contre des mamies au Kazakhstan, la Chine impeccable, le Japon au poil avec sourires et courbettes.

 

Nous voilà donc en Europe. On se sent un peu de retour au pays mais pas tant que ça. Après 15 mois de voyage, on se sent un peu moins étranger à l’étranger, un peu plus «citoyens du monde», même si cette expression m’exaspère. Disons plutôt «habitants de la Terre».P1120725

On roule à travers la forêt et arrivons dans un premier lieu de culte d’un pays à la pointe du développement : LIDL. On est comme des dingues dans les rayons, je le reconnais. On avait oublié le choix incroyable qu’on peut avoir dans un supermarché européen. Rien qu’au rayon chocolat on est perdu et on est obligé de prendre 3 plaquettes différentes. Je retrouve mes Bastognes, j’avais oublié que j’adorais ça. En l’absence de tentation, on n’a pas besoin de tant de choses pour vivre confortablement, y’a beaucoup de superflue. Bon, en revanche, les croissants tout chauds qui sortent du four, là, c’est de l’IN-DIS-PEN-SA-BLE ! Hop, 2 chacun, la vache que c’est bon. Vivement qu’on en regoute des vrais fait avec du vrai beurre à la place de l’huile de palme.

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Arrêt suivant : la station service, pour faire le plein de la bouteille du réchaud. Fini les pompistes comme dans un paquet de pays traversés, dont le Japon. Faut se servir tout seul et payer par CB. Comme en France, il est marqué «service minimum = 5 litres». Comme en France, c’est du pipeau, on prend un demi-litre, on paye pour un demi-litre. Les prix de l’essence et de la nourriture sont équivalents à ceux de la France.

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Des pistes cyclables dans toutes les villes et à leurs abords

Au bout de 70 km vent de face, nous voilà au camping de la ville de Lappeenranta, on le sent pas de bivouaquer quand on débarque dans un nouveau pays, aussi peu habité soit-il comme la Finlande. 24 € !! Non négociable ! On paye le même prix que pour un camping-car de 4 tonnes ! Pas la force de repartir s’enquiller des kilomètres à la recherche d’un bivouac, tant pis on reste.

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il y a un vieux tremplin de saut à ski au fond

Heureusement c’est magnifique, on rencontre un cyclo du coin et découvrons les installations standards d’un camping finlandais : des cuisines abritées avec plaques, four, évier et parfois bouilloire et même grille-pain quand on a du bol. Idéal pour manger au chaud et à l’abris de ces psychopathes de moustique. Pour l’instant y’en a pas grâce au vent de nord, mais attendez un peu la suite.

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oui oui, c’est du camping

 

08 Juillet 2017  … – Rautjärven Kirko = 83 km / + 650m

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l’évolution

On quitte petit à petit les zones habitées, les maisons rouges s’espacent, la route ondule dans la forêt. Le mot «forêt» reviendra régulièrement pour cette PanarFinlandade.

En fin d’après-midi, il est temps de penser bivouac et donc plein d’eau. Pour ça, il faut demander aux habitants et ce n’est pas évident car on ne croise personne. Il y a bien des maisons régulièrement mais tout semble sans vie, seule une voiture ou la pelouse impeccablement tondue trahie une présence humaine. Le marché de la tondeuse doit être monumentale dans ce pays. En haut d’une énième petite côte, on aperçoit enfin un gars marchant dans son jardin. On demande de l’eau, le mec parle un anglais impeccable et sa femme nous conduit à l’intérieur pour remplir gourdes et poche à eau. On demande s’ils sauraient ou on pourrait planter la tente pour la nuit. On est plein d’espoir dans ces moments là, voici le scénario idéal :

  • Vous savez pas ou que c’est qu’on pourrait camper ?
  • Camper ? Non non non non, vous allez dormir ici, on a une chambre d’ami avec lit king size et drap en flanelle.
  • Bon d’accord, on veut bien
  • Mais d’abord, vous allez filer dans le sauna et pendant ce temps on préparera une tartiflette. Vous aimez la tartiflette ?
  • Yaaaareuuaaarguuue, je t’aime Madame !
  • Et donnez-moi tout ce linge sale, je vais le laver. Rhhhhoooo, regardez-moi ces t-shirts usés ! Igmar ! Va donc cherchez des t-shirt Icebreaker pour nos amis ! On en a plein, on sait pas quoi en faire.
  • Cool !
  • Allez, trainez pas, filez au sauna de suite sinon on n’aura pas le temps de se faire un tournoi Fifa après le massage
  • Quel massage ?
  • Bah celui que je vais vous faire pardi. Je viens de suivre une formation en Thaïlande, il faut que je pratique, ça ne vous dérange pas trop j’espère.
  • On peut rester ici demain ?
  • Hors de question, demain on vous emmène chez Arto Paasilinna, c’est mon cousin. Il adore votre blog, il veut absolument vous rencontrer pour son prochain roman.
  • Ok mais on ira comment ?
  • Mon oncle Ari Vatanen passera nous prendre, il conduit super bien.

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Étonnamment, ça ne se passe pas comme ça. Ils ne sont pas chez eux et nous suggèrent d’aller à une église à 6 km. On quitte la route pour une très belle piste et arrivons à la dite maison de notre seigneur Jésus-martyre-des-martyres après un sympathique passage à 14 %. P1120752Il n’y a personne, je fais le tour, très beau cimentière donnant sur le lac, pelouse impeccable et le saint Graal : des toilettes, sèches en plus, le top du chiotte écolo. Bon, ça vaut pas des draps en flanelle et un sauna mais y’a pas trop à se plaindre. Et les moustiques sont toujours engourdis par le froid.

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09 Juillet 2017 … – Punkaharju = 81 km / +520m

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on trouve encore du muguet ici

Le vent a tourné, il vient du sud désormais. Hausse de la température et pédalage facile. Les taons font leur apparition, ils volent vite les bougres et il faut attendre un faux-plat ou une descente pour les semer, à plus de 30 km/h. Ils sont moins assoiffés de sang que leurs collègues patagoniens et se contentent de nous tourner autour, ce qui peut tout de même rendre dingue au bout d’un moment. Ophélie sort El Chiffon de la Muerte pour les chasser en roulant.

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Attention aux Élans

La route est splendide, les maisons sont belles et colorées, c’est l’été. Mais on a beaucoup de mal à trouver un bivouac, les coins sympas en bord de lac sont déjà occupés par des «cottages» avec des petits panneaux accueillants «attention vidéo-surveillance», la forêt est blindée de moustiques et les champs propices sont très rares. Alors je cède à Ophélie qui a déjà repéré tous les campings dans un rayon de 2000 km et on paye à nouveau 24 €.P1120771

Le soir, des gitans jouent de la guitare, des dieux. Un jeune ado fait voler ses doigts sur le manche, j’ai jamais vu ça, un surdoué.

 

  • 10 Juillet 2017 … – après Kitee = 88 km /+ 540m

  • 11 Juillet 2017 … – Vuonislahti = 142 km / + 1065m

  • 12 Juillet 2017 Vuonislahti = pluie

 

Sympa le concert improvisé, dommage qu’ils nous aient pourri la nuit ensuite en parlant fort entre 2 gorgées de bière. On les auraient bien étranglé avec leurs cordes de guitare. Mais l’humeur revient vite au beau fixe après la rencontre étonnante avec une famille américano-équatorienne vivant vers Helsinki et produisant du vin à base de baies. On discute longtemps, on prend des photos, on fait le plein d’une chaleur humaine qui se fait discrète avec les finlandais. P1120773Ces derniers ne nous interpellent jamais pour nous demander d’où l’on vient, où l’on va, où est donc Ornicar et pourquoi on roule sur des vélos trop chelou. Indifférence totale, comme au début du voyage avec les italiens et les grecques. Changement de culture, on ne s’en formalise pas et on découvrira par la suite des gens serviables, suffit juste de faire le premier pas.

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On se fait une superbe étape, ça devient de plus en plus sauvage. Ophélie trouve ça monotone parfois mais moi j’adore ces grands espaces avec juste la route devant soit. P1120781Alors je lui répète «mais si c’est trop bien» et à force elle finit par aimer. Au bout de 60 km, on vérifie la météo pour le lendemain : grosse pluie toute la journée. Ok, déclenchement du plan B, on prévient notre warmshower qu’on va arriver un jour plus tôt et on torche 142 km. Les derniers 5 km sur de la mauvaise piste nous achèvent mais je crois que je tiens là la photo du jour. Soleil bas, ciel contrasté, petite cabane rouge sur une île et une Panarda affamée sur son vélo.IMG_4524

Antti est là pour nous accueillir dans ce tout petit village isolé sans aucun commerce. Il nous demande tout de suite si on a faim, on répond ô que oui. Il nous fait des patates avec une omelette, Antti devient tout de suite notre ami. On parque nos vélos dans son jardin derrière, le comité d’accueil est là, dans les hautes herbes, on n’a jamais vu ça. Des centaines de moustiques affluent, c’est affreux. Je me fais défoncer les jambes en 2 secondes, on se dépêche de rentrer toutes les sacoches et de refermer la porte. Antti rigole mais il a dû bien sentir passer les piqûres sur ces pieds en sandales

La météo a vu juste et ça tombe bien fort pendant qu’on fait la grasse mat’. Antti nous parle de ses voyages à vélo dans le Finnsmark, tout au nord. Il n’a pas de voiture ni même le permis et travaille peu, un mode de vie décroissant qui semble le rendre épanoui. Il a emménagé dans ce village suite à un voyage à vélo, l’endroit lui a plu et il a quitté Helsinki pour ici. En hiver, on peut rejoindre Koli, une ville à 7km de l’autre côté du lac, par la plus longue route de glace continentale d’Europe.IMG_4535

Le midi, il nous emmène dans un petit restaurant situé dans une ancienne école juste à côté. On ne l’aurait jamais vu, la langue finlandaise ne donne aucun indice aux non initiés. C’est une belle langue avec de très longs mots pleins des voyelles et des trémas, imbitable mais agréable à entendre, surtout dans les chansons. C’est des mamies qui font la cuisine, plat unique, entrée-plat-dessert à 8 €, l’occasion de manger de la vrai cuisine du coin : boulettes de viande et patates à l’eau. Avec l’étape d’hier, on est en mode récupération et on s’explose le bide. J’aurais bien fait un tour sur le lac avec le superbe kayak d’Antti mais la pluie se remet à tomber alors on glandouille au chaud tout le reste de la journée.IMG_4531

 

  • 13 Juillet 2017 …Vuonislathi – Lieksa = 40 km / +290m

  • 14 Juillet 2017  … – Kuhmo = 118 km/ +920m

  • 15 Juillet 2017  Kuhmo = PLUIE

 

P1120802Antti nous accompagne à vélo jusqu’à la ville pour se ravitailler. Pendant qu’on achète dix fois trop de bouffe comme d’habitude depuis qu’on a retrouvé un choix démesuré, Antti va dans un autre magasin et revient avec des petits cadeaux pour nous : du thé au gingembre, de la pâte de curry et une espèce de fromage à griller, un truc local qu’on mange avec un peu de confiture de baie. C’est adorable.

On lui dit à un de ces jours et repartons… pas très loin jusqu’au camping. Ophélie est enrhumée et n’est pas du tout d’attaque pour les 120 km jusqu’au prochain bled.

 

 

Ça va un peu mieux le lendemain et on se fait une belle et longue étape dans une Finlande encore plus inhabitée. La route défile, les paysages varient peu mais c’est beau et on aime.

 

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Comme on ne sait pas si on arrivera à la ville je trimbale 6 litres d’eau, pour rien au final. A Kuhmo, on se ravitaille à nouveau car la ville suivante est à 140 km. Là non plus on ne sait pas si on pourra les faire d’un coup donc on fait le plein pour 2 jours histoire de ne pas se retrouver en Faim-Land. Ah ah ah. Anne Roumanoff, sort de ce corps !!!!!P1120815

On sort de la ville à la recherche d’un bivouac, on ne trouve rien et croisons une aire de camping-car sur laquelle on peut camper moyennant 10 €. En hiver, c’est-à-dire d’octobre à mai, ce site est une piste de biathlon, on voit le champs de tir au fond. Je repère un camping-car immatriculé en France, une rareté depuis qu’on roule en Finlande. Didier et Catherine sont moitié normand, moitié picard, comme nous et ils nous invitent pour l’apéro du 14 juillet. Le français a toujours un prétexte pour prendre l’apéro, c’est magnifique.P1120824

On fait notre dînette devant la tente avec nos amis les moustiques. On commence doucement à s’y habituer, on porte un pantalon, le coupe-vent et n’hésitons plus à nous vaporiser de répulsif sur le moindre bout de peau exposé à l’ennemi. On a vu les finlandais faire pareil, moi je pensais qu’avec le temps il y avait eu une adaptation génétique naturelle et qu’ils avaient du sang goût citronnelle. Mais non, ils se font défoncer comme tout le monde et ils le vivent bien.

Ophélie a craqué pour un filet de tête. Voici des photos qui vous feront comprendre pourquoi je préfère me faire piquer la gueule.

 

 

Comme la plupart des pays du nord en été, la Finlande nous offre donc la panoplie complète des casse-couilles de la nature :

  • Les taons : dès qu’il fait chaud. Piqûres rares mais douloureuses. Le terme piqûre est d’ailleurs assez inapproprié, on devrait parler de prise de sang. Passe à travers les vêtements. Heureusement facilement repérables à cause de leur vol bruyant. Le jour ou un généticien arrivera à créer un taon silencieux, il tiendra là une arme biologique redoutable.
  • Les moucherons : tu te méfies pas trop, ils ressemblent aux gentils moucherons de chez nous, ceux que tu te prends dans les yeux ou les dents quand tu fais du vélo. Ici c’est un prédateur. Sa piqûre donne une sensation de brûlure et un joli bouton qui te gratte bien pendant des jours. Attaquent en bande organisée, une douzaine fait diversion en te taquinant le visage pendant qu’une poignée te massacre les jambes, si t’es encore assez con pour porter un short.
  • Les moustiques : ils sont presque partout, ils t’attendent. Pour leur échapper, il faut rester loin des coins d’ombres, des forêts, des lacs et des marécages. C’est difficile en Finlande, je vous l’accorde. C’est sur le vélo qu’on est le mieux mais gare à toi si tu te traînes à 5 km/h dans une côte, même en plein soleil. Chier dans les bois devient une mission suicide, j’ai testé. Et quand t’es en panique avec le poney qui sort la tête de l’étable, tu penses bien au PQ mais pas du tout au répulsif, et encore moins à t’en mettre sur le popotin. Et ils sont malins les moustiques, ils attendent que t’ais le froc baissé, accroupi et très concentré, pour sortir de leur cachette. J’imagine qu’un cul tout blanc au ras du sol, c’est un met de choix pour un moustique.

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Le lendemain on est au taquet pour s’enfiler une longue distance mais la pluie change nos plans et on reste sagement et gratuitement au camping. Rester à l’abris est bien plus efficace que n’importe qu’elle Gore-Tex pour rester sec, on opte pour cette technique chaque fois qu’on peut. Il pleut non-stop jusqu’à 16h, avec 12 petit degrés. La journée passe vite entre un café avec Didier et Catherine et taper ce texte au chaud dans les sanitaires.

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Elle commence vraiment à nous plaire cette Scandinavie. La suite de la Finlande au prochain épisode.

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