Igmard est né au Pays-Bas dans les années 20 à une époque ou un être extrêmement désabusé et mélancolique se laissait pousser la mèche et la moustache, mais c’est une autre histoire.
Alors qu’il n’a que 3 mois, son père meurt tragiquement pendant une partie de pêche à la mouche. S’étant accroché l’hameçon accidentellement à la paupière droite, il fut déséquilibré et tomba dans les palles du pédalo. Il aurait pu s’en sortir si son ami Franz ne pédalait pas comme un fou pour remonter le courant. Les 2 bras arrachés, surtout le gauche, c’est finalement d’une hémorragie massive du gros orteil qu’il mourra. Depuis ce jour, la pêche au pédalo est interdite au Pays-Bas. Tout comme le Poney-Kayak, un sport pourtant très prisé à l’époque.
Élevé par sa mère Yolanda, Igmard doit souvent se débrouiller seul. Yolanda travaille le matin dans une conserverie de hareng et passe l’après-midi à pleurer son mari, devant un petit autel composé d’un cierge, d’une palle de pédalo, d’un hameçon et d’un bout de paupière droite.
Tout comme les enfants un tant soit peu intelligents et perspicaces, Igmard éprouve rapidement un dégoût profond pour l’école. Il continue tout de même et poireaute jusqu’au Bac, qu’il obtient avec succès, en grande partie grâce à Hedmund, son fidèle camarade de classe, borgne de l’œil gauche, assis à sa droite, incapable de le voir recopier pendant les examens. Il y a beaucoup de borgnes dans cette histoire, mais tout est véridique.
Hedmund mourra 12 ans plus tard, pendant la guerre, bêtement écrasé par une ambulance venant de la gauche. Évidemment.
Son diplôme en poche, Igmard refuse poliment de faire carrière en tant que videur de hareng dans la conserverie de Yolanda. Il manque cruellement d’ambition professionnelle, à tel point qu’il préfère partir découvrir son pays à vélo. Il fait son balluchon, embrasse sa mère, la paupière droite de son père et enfourche sa bicyclette, à 3 vitesses, ce qui est 3 fois trop pour les Pays-Bas. Il fait le choix de partir léger : pas de téléphone, pas de netbook ni de GPS. De toute façon, rien de tout ça n’existera avant une bonne quarantaine d’année, et il le sait bien. Comme disait souvent son oncle Aart : « rien ne sert de s’encombrer de choses qui n’existent pas ». Et il avait bien raison le bougre. Aart mourrut exactement 232 jours après le départ d’Igmard, piqué par un scorpion dans la banlieue de Copenhague. Ce fait divers reste encore inexpliqué, les scorpions ayant désertés la banlieue pour le centre-ville depuis longtemps déjà.
Igmard remonte le Glürmenrmphel, le Schlokraftsen, ainsi que les Sprunglarfirschenkeinschloss, les fameux cours d’eau néerlandais. L’été bat son plein en ce mois d’août et il ne pleut que 14 heures par jour. Ces 1ers tours de roue lui font découvrir rapidement non seulement l’ivresse du voyage à vélo mais aussi l’ennui mortel de journée sur des routes tristement plates.
Et ceci marque le tournant de notre histoire.
Lors d’une pause, couché dans l’herbe, sous la chaude caresse du crachin, Igmard se mit à cogiter. A l’époque, il n’y avait pas Google, les gens cogitaient parfois. Comment rendre ces longues journées de pédalage moins monotones ? Comment secouer son quotidien de pédaleur ? Comment rendre son trajet moins linéaire ?
La réponse ne vint pas ce jour-là et il attrapa un rhume. Il fallut attendre encore 3 jours et la mort violente de Klögpfülk.
Klögpfülk veut dire abruti en néerlandais ancien, et la même chose en néerlandais moderne. Klögpfülk était le chat de Mr et Mme Van Der Plogenschkassfrösckeinscluss, qu’on surnommait amicalement et par plus de commodité les Plogenschkassfrösckeins. Ces derniers venaient de trouver la mort 5 jours auparavant dans un accident d’une stupidité humiliante. Sans rentrer dans les détails, Mr Plogenschkassfrösckeinscluss fît une chute dans son arrière court. Une chute qui aurait dû être sans gravité si elle n’avait été sur une faux aiguisée le matin même, ni même près des braises encore rouges qui enflammèrent la manche de son gilet sur lequel il avait renversé son digestif à midi. Un bon en plus, du 12 ans d’âge. Entendant ces cris, Hilda, sa femme (Mme Van Der Plogenschkassfrösckeinscluss si vous suivez bien) déboula en courant, abandonnant à regret la cuisson de son fabuleux Schtromfäuse, saisi le premier seau qui lui tomba sous la main et le renversa sur son mari. Elle ne mit que quelques secondes à comprendre que c’était l’huile de vidange de leur bon vieux tracteur. Foutu pour foutu, elle finit par abandonner son désormais ex-mari et retourna sauver ce qui pouvait l’être encore : son fabuleux Schtromfäuse. Malheureusement, dans la précipitation du fâcheux incident précédent, elle n’avait fait qu’ouvrir le gaz du four. Quelle fut sa surprise quand elle craqua l’allumette ! Elle en aurait presque rit si elle n’avait pas été pulvérisé instantanément contre le plafond et les murs en papier peint. Un très jolie bleu pastel orné de lys, désormais méconnaissable sous une couche de ce que les enquêteurs qualifieront plus tard de « lasagne bolognaise ». Les policiers Néerlandais ne sont pas dénués d’humour, ni de connaissances en gastronomie italienne.
Klögpfülk, le chat, n’aimait pas du tout l’odeur d’huile de vidange mêlée à du cochon grillé. Alors il parti. Et comme son nom ne lui avait pas été donné par hasard, il décida de faire une sieste sur la route, à la sortie d’un virage.
Igmard ne le vit pas mais il entendit clairement un léger et adorable miaou suivi immédiatement d’un double craquement de la colonne vertébrale du félidé. Klögpfülk ne mourut cependant que suite à la chute du balluchon d’Igmar sur son crâne. Balluchon contenant une belle cocotte en fonte. Les popotes ultra-légère en titane n’existait pas à l’époque et Igmar avait donc pris la sage décision de s’en passer.
Ayant souvent fait des cauchemars à cause de ces foutus calendriers avec des chatons, Igmard haïssait les chats et cet incident, loin de l’attrister, égaya grandement sa journée, jusque là affreusement plate de monotonie. En quelques instants, il avait pris un virage (1ere bonne chose), écraser un chat (2eme bonne chose) et trouver une réponse à ces questions (3eme bonne chose).
Voilà, la solution à son ennui était enfin là, devant ses yeux, tout poilu et plein de sang : écraser un chat, sentir ses roues rebondir sur quelque-chose, ébranler le vélo, être secoué !
Mais un chaos ne suffit pas, ça serait tellement mieux de ressentir ça tout le temps ! Malheureusement, à l’époque, les chats ne courraient pas les rues, principalement à cause du tout nouveau sport en vogue : le lancer de chatons. Le poney-Kayak étant interdit, il fallait bien trouver autre chose de rigolo. Nous ne décrirons pas ce jeu mais c’est extrêmement divertissant, les enfants adorent. Les chatons beaucoup moins.
Il fallait donc trouver autre-chose. Des cochons d’Inde ? Des lapins ? Des belettes ? Trop compliqué. Igmard dû une fois de plus cogiter dans l’herbe et il attrapa un nouveau rhume, fichtre.
La solution vint, mais il fallut encore attendre 2 jours et la mort d’une bonne centaine de personnes.
En ce 25 août 1941, pendant que certains s’éclataient (littéralement) au combat, Igmard faisait gaiement du vélo. Soudain, un vent terrible se leva, un truc de guedin comme diront les jeunes dans 50 ans. De peur d’être anachronique, Igmard ne le dit pas et se contenta de dire « quel vent terrible qui se lève là ». Des toits furent arrachés, des maisons s’écroulèrent, des palles de moulins volèrent sur les malheureux assistant à la fête de la tulipe de la ville de Klügen. Ce ne fut pas beau à voir et nous ne décriront pas les détails sordides tels que ces corps embrochés comme des gambas. Non, respectons ces morts et passons sous silence tout ces membres volant en tout sens comme des quilles de bowling. Oui, même si l’image est comique, soyons discrets sur ce sujet.
Bref, ça soufflait pas mal et toutes les clôtures du pays tombèrent, pour la plus grande joie de notre pédaleur errant. Le pied pour lui, des milliers de poteaux couchés sur les routes, rien que pour lui avec, en bonus, quelques bras et jambes. Ses prières étaient enfin exhaussées, avec quelques dégâts collatéraux inévitables. Comme disait sa tante Uthe : « on ne fait jamais d’omelette sans casser des oeufs », et elle avait bien raison la bougresse. Uthe mourut exactement le 15 octobre 1962, en tentant d’inventer le 1er jacuzzi de l’histoire grâce à sa baignoire et un sèche-cheveux. L’expérience ne fut pas concluante. Un célèbre chanteur français l’imitera quelques années plus tard en essayant d’inventer l’eau lumineuse grâce à sa baignoire et une ampoule.
La tôle ondulée fût donc inventée par Igmard Washboard. La suite est évidente et, une fois de plus, nous ne rentrerons pas dans les détails. Disons simplement que sa façon d’apprécier le vélo connut un succès fou et que le célèbre lobby des fabriquants de jantes, rayons et cadre de vélo, associé à celui des ostéopathes sentirent le bon filon et développèrent le concept dans le monde entier, à grand coup de pioche rageur afin de bosseler la route au maximum. Aujourd’hui, les routes étant goudronnées un peu partout, il ne reste de la tôle ondulée que dans certaines pistes paumées ou des cyclistes un peu con sur les bords aiment encore s’aventurer.
Quant à Igmar, il mourut dans un accident d’une violence incroyable. Mais nous ne rentrerons pas dans les détails. Disons juste qu’il y avait en jeu une catapulte artisanale, un baril de fuel, un fléau et 3 malheureux chatons qui passaient par hasard. Victimes collatérales, tante Uthe a toujours raison.
FIN
Épilogue :
L’origine de la tôle ondulée reste un mystère. Certains affirment que c’est un effet du vent, d’autres de l’entrée en résonance des suspensions de véhicules, d’autres d’un effet conjugué des 2 précédents. C’est faux. Cette histoire que je viens de vous conter est la vérité, la seule, celle apprise d’un vieux cycliste Hongrois nain, chauve, borgne et joueur de flûte à bec, un habitant normal de la Vallée de l’Automne.
Parce que la tôle ondulée (washboard en anglais), cette chienne, méritait un article à elle seule.
Faudra que je vous raconte aussi les histoires de ces gens n’ayant pas rendu nos vies plus simples : Joseph Nidepoule, Bob Dodane, Steve Jobs, Pedro Ripio De Mierda, Horace Diarrhée, Bernadette Crevaison, Vladimir Rustinekikolpa, Gunter Ortliebpahetansch et Hans Van De Fass (le pire des cons celui-là).








