En peloton

  • 23/01/14 Villa Amengual – Villa Manihuales = 62 km
  • 24/01/14 Villa Manihuales – Camping San Sebastien (35 km avant Coyhaique) = 58 km
  • 25/01/14 … – Cohaique = 42 km
Villa Amengual

Villa Amengual

Crumble pour 12

Crumble pour 12

Après un jour à rester à l’hôtel en attendant que la pluie cesse en soupirant d’aise près du poêle, nous reprenons nos vélos pour rejoindre la prochaine ville.

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Ça fait du bien de rouler sur le bitume, on a l’impression de s’envoler avec les vélos. On boucle l’étape assez rapidement. Nous roulons en mode convoi  : 4 vélos droits et 2 couchés / 4 français et 2 américains. L’ambiance est sympa, rouler en bande donne un bon rythme et on se sent soutenu par les autres.

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En arrivant a Villa Manihuales, James et Maggy prennent contact avec un gars qui s’occupe d’une casa de cicletas. Mais aucune réponse, on décide d’attendre directement devant la casa et la on croise d’autres cyclistes. Au total, on va être 12 personnes à squatter.

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Fred et moi, on n’aime pas trop être les uns sur les autres (c’est notre côté homme des cavernes avec l’odeur aussi !!!). Donc, je décide de me renseigner pour trouver une autre solution. Un camping est indiqué sur une affiche d’un resto. On décide de se prendre des trucs à manger et une boisson pour se réchauffer.

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On va au camping/hospedaje. Il se met à pleuvoir et la T°C chute à 8°C. Tout à coup, on est plus du tout motiver pour planter la tente. Avec Tom & Flo, on prend une chambre pendant que les amerloques vont s’entasser dans la casa des cicletas. On les reverra demain, on se donne rendez vous.

En fin de soirée, Fred aide Thomas a réparé son vélo et là, Florence, intriguée, pose la question piège :

*** Je prend le relais. En tant que gardien de la morale, c’est à moi de vous témoigner de la grossièreté à peine voilée de mes compagnons d’aventure. Dieu qu’ils m’ont choqué, j’en suis encore tout tourneboulé. ***

  • Fred : « voilà, je t’ai retiré 4 maillons, ta chape est bien sous tension désormais mon cher ami »
  • Flo : « c’est quoi la chape ? »
  • Fred : « C’est cette pièce métallique connectée à un ressort et qui permet à la chaîne d’être tendue quelque soit la vitesse enclenchée »
  • Flo : « tu veux voir ma chape ? »
  • Fred, confus : « heu heu… oui, jetons y un coup d’œil chère enfant»
  • Tom, hilare : « Tu vas voir, elle a une grosse chape dégueulasse !! »
  • Fred : « en effet mon brave, elle a besoin d’un bon nettoyage »
  • Tom : « ouais, va te laver la chape !! »
  • Ophélie, en rajoutant une couche : « ça pue la chape ici !! »
  • Fred, à bout : « Jésus Marie Joseph ! Que de viles paroles pour mes pieuses oreilles ! »

Sur le point de vomir, je me suis excusé et suis parti à l’écart afin de me recentrer sur mon moi intérieur. Le berger que je suis est parfois fatigué, mais il mènera ce troupeau de brebis galeuses à bon port. Bordel de merde.

***

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Après un bon apéro et un repas copieux, on va s’écrouler dans nos lits douillets.

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On retrouve James et Maggy vers 9h30 et on quitte la ville pour s’approcher de Coyhaique. Comme le jour d’avant, l’étape se passe vite mais on a toujours droit a autant de montagnes russes. Et dire qu’on pensait tous que la carretera australe était plate. Et bah non, ça monte et ça descend en permanence.

sympa la cabane à l'abri du vent

sympa la cabane à l’abri du vent

On se pose au camping de la réserve du Rio Simpson à 4, quand à James et Maggy, ils préfèrent continuer de rouler et trouver un coin pour un bivouac. Nous on les verra demain à Coyhaique, le rendez vous pris.

Ophélie

Oui, malgré le manque absolue d’éducation de mes compagnons, on passe du bon temps. La route est vallonnée (du 10-12 % tous les jours) mais bitumée, donc pas de soucis. On fait des étapes plus courtes afin de continuer à rouler tous les jours, tant qu’il fait beau.

Coyhaique, de loin

Coyhaique, de loin

On rejoint Coyhaique rapidement, on arrive au camping dès 11h. On chôme pas l’après-midi : courses dans le dernier supermarché avant une douzaine de jours, magasin de vélo et grosse bouffe au camping. Avec Ophélie, on se fait une purée-saucisse monstrueuse, j’aurais pas pensé que c’était possible de manger tout ça.

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Coyhaique est trop grand pour nous, on n’a pas envie de rester pour une journée de pause. Demain, on trace !

De plein Pied dans la carretera

  • 17/01/14 Amarillo – Villa Santa Lucia = 60 km (D+ = 680m)
  • 18/01/14 Villa Santa Lucia – Villa Vanguardia = 30 km
  • 19/01/14 Villa Machin – La Junta = 41 km (D+ = 450m)
  • 20/01/14 La Junta – après Puyuhuapi = 64 km (D+ = 780m)
  • 21/01/14 … – Villa Amengual = 75 km (D+ = 1375 m !!, dont 800 sur 9km de piste, sous la pluie, 6°C)
  • 22/01/14 Villa Amengual = repos, le gore-tex a très vite ses limites

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*** Vous voici maintenant 240 à nous suivre ! Excellent. Si la barre passe à 300, on vous promet une nouvelle danse, un truc de malade comparée à la première. A vous de jouer avec vos amis, familles, réseau, connaissance, relations extra-conjugales, dealer, mafia, employés clandestins… on n’est pas regardant ***

 *** Félicitations à mon frère Laurent qui est désormais champion de France et vice champion du monde de snow kite freestyle !! Pour rappel, ce sport consiste à tenter de ne pas s’éclater contre des rochers en haute montagne, écartelé entre une planche de snowboard et une voile de parapente, tout en souriant à une GoPro. C’est un peu l’équivalent du vélo en Patagonie. Ma mère nous a bercé trop près du mur. ***

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Énorme, grandiose, très physique, chaud, froid, raide, pluvieux, convivial, sauvage, voici le récit de ces quelques jours mémorables au fort goût d’aventure.

Jour 1 = dur à gerber, excusez l’expression

On part à 9h, il fait beau et les taons sont déjà d’attaque. On sait d’emblée qu’on va passer une sale journée. J’ai toujours les jambes lourdes et les genoux grinçant, à tel point que je gamberge pour la suite du voyage… Ushuaïa parait si loin. Les genoux, c’est notre outil de travail, comme :

  • le marteau pour le charpentier
  • la hache pour le bûcheron
  • l’opportunisme pour le politicien
  • la mauvaise foi pour l’avocat
  • le marketing pour Apple (« Think different » et achetez tous la même chose indispensable)
  • le coup de pied retourné pour Chuck Norris

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Un maillon de la chaîne d’Ophélie casse. Quel bonheur à réparer avec Ophélie me fouettant la tête pour chasser les bestioles.

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Au bout de 20 km, on quitte le bitume pour de la piste vraiment pas terrible. Les taons sont fous de joie car nous sommes plus faciles à suivre. On roule en jouant du nunchaku avec les torchons. Ophélie garde la pêche mais ça devient pire pour moi : courbatures dans les bras et le dos en plus du reste. J’ai du choper un virus car ça durera 2 jours de plus. On ne s’arrête que 2 minutes pour avaler un paquet de gâteau et quelques prunes. Les taons sont hyper agressifs, une douzaine nous tournent autour en permanence. Et là, l’enfer commence vraiment. On se bouffe un col à 600m, une longue côte caillouteuse avec de longs passages à 12 %. On pousse pendant presque 2 heures, une pause tous les 100 pas.

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J’en peux plus, j’en ai marre, je veux me coucher et dormir une semaine. Et manger des endives au jambon de ma mère. Et prendre du paracétamol.

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Aucun plaisir, j’ai envie de balancer le vélo, sauter dessus et dépecer quelques chatons vivant. Il faut bien évacuer toute cette frustration non ? Heureusement, je n’ai même pas la force de sauter et il n’y a pas de chatons.

On arrive finalement en haut et on attaque la descente, à 15km/h vu l’état. A cause des secousses, mon câble de dérailleur casse net. La loi de Murphy…

A Santa Lucia, on s’enfile enfin le coca rêvé. Pas de camping alors on décide de continuer un peu pour trouver un bon spot de bivouac. On croise alors un couple de français à vélo, ils nous disent que la piste est horrible après. On décide donc de retourner à Santa Lucia avec eux, on se trouve finalement un super spot en bord de rivière et on passe une super soirée qui nous fait oublier cette journée trop dure et trop toanesque.

maillet et tabouret pliant, génial

maillet et tabouret pliant, génial

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Comme souvent quand des français bivouaquent ensemble, y’a apéro : Pisco pur et saucisson. Frédérique et Daniel sont des baroudeurs très attachants ayant fait des choix de vie pour le moins intéressants. D’abord employé de banque tout ce qu’il y a de plus assommant, ils sont vite devenus conférenciers pour allier voyage et travail (Connaissance du Monde…) puis gérant de chambres d’hôtes pour voyager 6 mois par an. Aujourd’hui, ils ont vendus tous leurs biens et compte bien pouvoir voyager avec l’équivalent d’un SMIC pour 2 pendant les 20 prochaines années. Ils auront alors 80 ans ! Bravo les amis, quelle énergie !

Jour 2 = comme des loques

Moment sympa le matin lorsque je me rends compte que j’ai oublié mon t-shirt la veille… de l’autre côté de la rivière ou nous nous sommes décrassés. L’eau ne doit pas dépasser les 8°C, ça réveille.

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Nous disons au revoir à nos nouveaux amis et filons vers la piste. Ici, dans un an, la carretera sera bitumée. En attendant, elle est en travaux et on roule sur une belle couche de galet. C’est affreux. On s’arrête au bout de 2h30 et 30 km dans un spot de rêve en bord de rio.

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Je suis toujours KO, tout courbaturé, ça commence à bien faire. En plus, on a eu la bonne idée la veille de boire l’eau du fleuve sans la filtrer (on n’a pas de filtre) ni la purifier (on a du micropure…) ; du coup on a le bide un peu retourné. Certains cyclistes parleraient vulgairement de « chiasse de mammouth » mais :

  1. nous n’en sommes pas encore là, ni en terme de vulgarité, ni en terme de selles
  2. à ma connaissance, il n’a pas encore été prouvé que les mammouths avaient la chiasse
  3. j’adore les puces numérotées

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On dort alors presque toute l’après-midi et on se fait une partie de pêche. Pêche version Fred : on pose la ligne (un bouchon de pinard + une cuillère), on se casse et on revient voir 3 heures plus tard. Résultat : brocouille, comme on dit dans le vieux Bouchonnois. Une truite mordra mais aura le temps de se décrocher avant que je descende l’achever proprement à coup de galet. Je vais affiner ma technique, j’ai espionné de pêcheurs du coin. A moins que je trouve un peu de dynamite, ça ira plus vite.

Jour 3 = les Pieds au taquet

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Etape hyper physique sur les galets. Record de lenteur : 8,5 km/h de moyenne pour Ophélie, 10,5 pour bibi. Au départ, on sait qu’on a par pour 22 km de travaux. Au bout des ces 22, un nouveau panneau annonçant des travaux pour 13 de plus, escroc !

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La grande forme est revenu et on les torche bien. A un moment, la route est bloquée car ils font péter la falaise à l’explosif. C’est l’occasion de rencontrer nos futurs collègues : Flo et Tom de Lyon qui voyagent de Lima à Ushuaïa en 6 mois. Eux préfèrent finir l’étape dans un pick-up. Nous, on est super chaud pour la boucler en mode défit de warrior. C’est dur, ça secoue, mais on adore.

c'est qui les plus forts ?

c’est qui les plus forts ?

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On rejoint nos amis à La Junta (gros bled du coin, au moins 200 habitants) et on campe dans la coure d’un gîte. Soirée sympa, ça n’arrête pas de papoter. Super journée.

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Jour 4 = dans les fjords

 

Fin du beau temps, fallait bien que ça arrive un jour. On part en gore-tex avec Flo, Tom et un couple de californiens : Maggy et James, partis de San Francisco il y a 21 mois. On se marre bien avec James, il a vraiment une gueule celui-là. Il a une grosse machette et un couteau de Rambo, on devient tout de suite ami.

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Il n’y a plus de travaux dorénavant et la piste est ce qu’elle aurait du être depuis le début : bien roulante et sans galets. Ça monte, ça descend et ça crachine dans un paysage remarquable que même les nuages arrivent à mettre en valeur. Ça fait du bien de rouler en groupe, on en avait besoin à ce moment du voyage. Et je crois que c’est la même chose pour nos compagnons.

Depuis qu’on est sur la carretera, on croise beaucoup de cyclistes. D’un côté, ça casse un peu le trip aventure ou tu te crois unique et spécial mais d’un autre côté, c’est bien sympa, surtout quand ça devient corsé.

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En groupe, on se marre à grimper du 12 %, sous la pluie, avec 6°C. Ça tombe bien, c’est ce qu’on fera le lendemain.

Le soir, on se trouve un camping (enfin LE camping puisque c’est le seul de la journée) en bord d’un lac. Pas un lac en fait, l’océan pacifique après vérification sur la carte.

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Pendant la nuit, un vent terrible soufflera, se calmant vers 8h. On finira bien par se le prendre en pleine journée celui-là, le plus tard sera le mieux.

Jour 5 = Patagoniesque !!

On se lève tard à cause de la tempête. La tente de Flo et Tom prend l’eau par le sol, pas glop. La notre est totalement sèche gràce la soufflerie venant du flord. 5 Hillebergs sur le même spot, qui dit mieux ? Les autres appartiennent à une bande d’étudiants US, fils de riche en voyage aventure tout organisé pendant 6 mois en Amérique du Sud : 1 mois d’escalade, 1 mois de kayak, 1 mois de trek… tout ça dans le cadre de leurs études. De futurs dirigeants, conscients des réalités et proche du peuple.

regardez bien, il y a bien 5 Hillebergs

regardez bien, il y a bien 5 Hillebergs

La fine équipe franco-californienne est d’attaque. L’ambiance est super et la piste magnifique, on remonte un fleuve le long des parois abruptes des montagnes.

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La flotte coule de partout, et même du ciel au bout de 20 km. Là, c’est partie pour une ascension d’enfer. La pente est raide avec 8 ou 9 % de moyenne, la pluie ne s’arrête jamais et la T°C chute de 12°C en bas à 5°C en haut. Dès qu’on s’arrête, la sueur nous glace.

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En haut, les cuisses dures comme les glaciers qu’on devine à travers les nuages, on se change rapidement, avalons un bout encore plus rapidement et repartons pour la descente. Glaciale !! Arrivés en bas, on rajoute tous une couche de laine et finissons tous notre chocolat. L’hypoglycémie n’est jamais loin dans ces conditions.

On retrouve le bitume et continuons sous la pluie. C’est les montagnes russes et on commence à être crevé. Le prochain village est censé être à 22 km mais au bout de 25, il en reste encore 7.

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Au milieu de rien, une nana tient un kiosque de café-thé-tarte, trop bon ! Providentiel, car je commençais à avoir la tête qui tourne et une crise d’angoisse en sachant qu’on a plus rien à grignoter dans les sacoches.

On aurait su ce qui nous attendait pour les 7 derniers kilomètres, on aurait certainement monté la tente à l’arrache en bord de route. On se mange une côte en lacet à 9 %, terrible un truc comme ça en fin d’étape.

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Trempés, on arrive enfin à Villa Amengual et remplissons un hospedaje à nous 6. Ils abusent sur les prix ici mais on a besoin de dormir au chaud ce soir et surtout de faire sécher nos habits.

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Et comme on a fait 6 étapes d’affilée, qu’il pleut toute la journée du lendemain et que certains de nos followers commencent à se scarifier en attendant de nos nouvelles, on restera 2 nuits. Ophélie est tombé amoureuse d’un poêle à bois et de la cuisinière de la taulière. Le crumble est bientôt prêt.

On est très content d’être là, en pleine forme, au cœur de ces terres de défis avec nos amis cyclistes. Cette carretera est bien partie pour devenir le point fort de notre séjour en Amérique du Sud.

On cracherait pas sur du soleil quand même.

Une pensée pour Béa et Pierrot, les fameux Terrailleurs qui viennent de boucler un beau voyage de 9400 km et de rentrer en France. J’parie qu’ils bouffent du pâté et du fromage à l’heure ou j’écris.

A bientôt pour la suite.

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