J 349 à 356 / de Tam Coc à Mong Cai via Cat Ba / 404 km
- 19/03/17 Tam Coc – Thm Ninh = 64 km
- 20/03/17 … – Haiphong = 73 km
- 21/03/17 … – Cat Ba = 55 km
- 22 & 23 Cat Ba = repos et croisière dans la baie d’Halong
- 24/03/17 … – Cam Pha = 68 km
- 25/03/17 … – Dam Ha = 82 km
- 26/03/17 … – Mong Cai (à 500m de la Chine) = 62 km

Après un gavage en règle au buffet du petit déjeuner, nous repartons sous le ciel gris habituel et retrouvons notre autoroute à klaxon. C’est juste un peu plus calme que d’habitude car c’est dimanche. On s’ennuie ferme jusqu’à ce qu’on voit débouler dans notre rétro un missile avec une fillette devant.
Il s’agit en fait d’un des rares vélos plus bizarre que les nôtres : un tandem Pino. Yvan, le papa, est aux commandes alors qu’Anne-Lyse, la petite, fait semblant de s’évertue à pédaler. Derrière arrivent le bondissant Felix, presque 10 ans, et Magalie la maman. Ils forment la vaillante famille un ptit vélo dans la tête.
On sympathise tout de suite et nous rendons vite compte qu’on a des amis en commun ! Philippe/Velofasto (le vendeur de nos tanks) et les Cyclomigrateurs (des Bretons en tank actuellement en pays Hobbit).
Ils vont sur l’île de Cat Ba, comme nous, alors on se met tout de suite d’accord pour rouler ensemble. Hop, envolée la morosité! Eux aussi avaient le moral en berne à cause du temps et de l’ambiance sur la route.
Avec Ophélie, on se dit intérieurement que ça va être peinard de rouler avec une famille. Tu parles ! Ils pédalent fort et on tape souvent du 21 ou 22 km/h sur le plat ! Yvan a bouclé le Roc d’Azur dans les 100 premiers et Felix est bien parti pour claquer un Paris-Brest-Paris à 16 ans sur un BMX. Et Magalie suit sans problème avec son énorme sacoche de bouffe. Et je m’y connais en énorme sacoche de bouffe.
Ils sont dans leur 9eme mois d’un grand voyage qui les a emmené en Amérique du Sud puis en Nouvelle-Zélande avant d’atterrir en Asie du sud-est. Ils voleront bientôt vers Istanbul avant de rentrer chez eux à vélo, non loin de Rennes. Ainsi, en 1 an, ils auront pédalé entre 12 & 13 000 km, guère moins qu’un couple sans enfant qui n’a pas à faire l’école le soir ni à gérer 2 boules d’énergie.

Notez le nom très humoristique du bateau
On fait ainsi 3 étapes ensemble, la pluie nous laisse tranquille et on se fait des joyeux pique-nique pain-vache-qui-rit. Avec Yvan, on parle vélo et matos au moins 4h par jour, ça fait du bien de penser à autre-chose. On s’échange aussi nos engins pendant 1 heure, le Pino est vraiment un tandem formidable mais je crois qu’on aurait eu beaucoup de casse si on était parti avec. Deux adultes + des sacoches créent des contraintes énormes sur le cadre, les roues et la transmission.
Yvan se débrouille tout de suite sur mon tank. On dit souvent qu’il faut commencer le vélo-couché tranquillement sur un parking désert. Lui l’a fait au Vietnam, au milieu des camions et des scooters et avec 25 kg de bagage. Pression maximum, la prochaine étape est de s’initier au mono-cycle sur le périph’ aux heures de pointe. Moi j’suis bien sur le Pino, Anne-Lyse fait un formidable auto-radio. Pour baisser le volume, il suffit de lui demander de pédaler. Si elle accepte.

Oh des petits chats ! On dirait qu’ils se font un câlin ! C’est trop mignon
Après Haiphong, grande ville au marché pittoresque, on rejoint le port, sans doute le plus grand du Vietnam puisque nous sommes à une encablure d’Hanoï. L’ambiance nous rappelle la traversée du port du Havre, seul endroit en France rivalisant avec le Vietnam au niveau bordel sur la route.
Nous embarquons sur un bac pour rejoindre l’île de Cat Hai, la traversons à vélo avec un superbe passage tout-terrain, puis empruntons un autre bac pour l’île de Cat Ba, futur fleuron du tourisme Viet dès que le pont la reliant au continent sera fini. Amis touristes, dépêchez-vous d’y aller maintenant car ça sera l’usine dans quelques mois.
La traversée de l’île est sympa, il y a peu de trafic et nos oreilles arrêtent enfin de saigner. On est content de se poser quelque-part, on en a tous plein les pattes.
La baie est magnifique avec ses nombreux bateaux de pêche et ses bateaux restaurant. Il y a énormément d’hôtel et ça construit de partout. Le pont va amener du monde, ils se préparent.
Comme on va rester 3 nuits, on prend le temps de choisir un truc bien. Coup de bol, y’a personne en ce moment et les prix baissent très vite. On se retrouve donc dans une grande chambre avec balcon et vue sur la baie. Les lits, en revanche, sont toujours à la mode Viet : plus durs qu’un tatami.

vue de la chambre
Le lendemain, c’est repos. Mais le genre de repos propre au voyage à vélo, le repos où y’a finalement plein de truc à faire comme la lessive, les courses, l’école aux enfants pour les chanceux, des mails pour ce putain de visa russe, skype avec maman pour montrer qu’on est un bon petit garçon, réserver une croisière dans la baie d’Halong pour le lendemain…
Pour l’obtention du visa russe, nous faisons appel à l’Agence Russie Autrement, spécialiste voyage en Russie. Ils nous fournissent 2 lettres d’invitation nécessaire à la demande de visa et nous en offrent une des deux contre ce petit texte de publicité. Aaaarrrghhh ! 35 € d’économisé, ça payera quelques bouteilles de vodka dans le transsibérien.

Du coup, le soir, il nous reste tout juste assez d’énergie pour faire une soirée galette sur le toit de l’hôtel, sur la bâche avec éclairage à la frontale. L’aventure est partout.
On se lève tôt pour notre croisière privée dans la baie d’Halong. Comme on a sympathisé avec une famille québecoise et 2 danoises (du calme, une mère et son enfant) en allant réserver la veille, le gars de l’agence nous a proposé d’avoir le bateau rien que pour nous 13, dont 6 enfants.
Tout en bois, moteur qui ronronne tout doucement, mer d’huile, silence, pêcheurs, ostréiculteurs, paysages de carte postale. La baie est immense, on serpente entre les massifs karstique, sans avoir à suer sur les vélos pour une fois.
On jette l’ancre dans une anse pour monter sur des kayaks et se balader le long des parois et sous la roche dans des tunnels naturels. Les yukkas prennent possession du moindre espace disponible et s’épanouissent apparemment bien mieux qu’à Ikea, Jardiland ou une véranda picarde. Comme on a tout dans les jambes et plus rien dans les bras, on arrête de pagayer et restons 15 minutes, seuls dans une anse, juste à regarder et à écouter le silence.
Après on a la dalle alors on rentre. C’est génial de manger avec des enfants, ils laissent la moitié et ne touchent pas au délicieux poisson. Et pas de chance pour eux, y’a pas de dessert donc rien à marchander.
On lève l’ancre et faisons cap vers ailleurs. Oui, je maîtrise le langage de la mer, j’ai mon permis côtier (obtenu sur un bout de Seine d’environ 200m, vent force nulle, pas de houle ni de récifs).
On s’arrête près de petites plages désertes et sautons du bateau pour y aller à la nage, sauf les flipettes qui préfèrent s’y rendre en kayak. Sensationnel.
On ramasse quelques coquillages et d’étonnant galets troués qui décorerons à merveille nos sacoches. On pourra se la raconter à mort en rentrant :
- « C’est quoi ce coquillage ?
- Nihao… heu sorry, excuse-moi, je n’ai plus l’habitude de parler faguo. Ça ? Oh, c’est simplement un truc que j’ai ramassé à Koh Lanta juste before de prendre un mojito devant le coucher de soleil sur la plage (avec ma mère)
- C’est quoi ce galet Fred ? C’est magnifique !
- Mouais, pas mal. Je l’ai trouvé sur une playa déserte après avoir nagé pendant 8 km dans une mer déchaînée, j’étais tout mouillé. T’as vu ? il a un trou.
- Comme ton cul
- Nan c’est pas pareil. Et ne sois pas vulgaire comme ça !
- C’est quoi ces poils pubiens ?
- NON NON NON, j’en ai marre qu’on me dise ça !! C’EST UNE TRESSE EN POIL DE YAK BORDEL !! UN YAK !!
- Tu l’as trouvé où ?
- Où ? -regard lointain vers l’horizon- Simplement en me baladant à vélo sous la neige au Tadjikistan, à 4200m d’altitude, what esle ? »
Ah ah ah, on va être des vrais connards, ça va être génial !
Retour au bateau (à cheval sur un kayak, trop la flemme) et on se fait une grosse séance de saut dans l’eau. Des sauts basiques pour commencer, puis j’ai calmé tout le monde avec triple salto arrière tendu vrillé, finish en bombe, pour le délire.

Juste après la dernière vrille, avant le groupé pour la bombe
Après une halte sur la Monkey Island, on rentre finalement au port. Pas de coucher de soleil, trop couvert. C’est pas grave, on en verra d’autre ailleurs, mais peut-être pas au Vietnam.
C’était marrant cette « îles des singes », ça se voyait à mille mille (terme marin) que c’est un truc bidon. Ils ont mis 4 ou 5 pauvres singes et un bar sur une île et hop : Monkey Island ! On voit des touristes se faire racketter leur bouffe par des singes très agressifs. Y’a même une nana qui se fait attraper une barre en chocolat, j’ai failli intervenir. Du chocolat bordel ! Ça coute une fortune ici !

Y’a un filon, faudrait que je pense à faire visiter la Red Crushed Dog Road (Thaïlande), la Horse’s Head Highway (Kazakhstan) ou la Dead Crow Valley (Turquie). Ça tombe bien, j’ai déjà plein de belles photos pour faire un prospectus.
Le lendemain, on est crevé et on serait volontier resté avec nos nouveaux amis mais nous devons quitter le pays dans 3 jours et il reste quelques kilomètre à faire. Donc on dit au revoir à la petite famille, Ophélie offre un de ses doudous de la route à Anne-Lyse et nous filons vers un embarcadère au nord de l’île, 30 km d’une petite route magnifique. Piiooouuu, ce séjour à Cat Ba nous a vraiment fait du bien.
Comme on ne s’est pas renseigné sur les horaires de traversée, on poireaute de 10h30 à 13h. Y’a des vieux hamacs accrochés entre des arbres, je me pose dedans : « regardes Ophélie, on va être trop bien pour faire une sieste ». Un gars se pointe illico et demande 10 000 dongs (= 0,40 €), je l’ai mauvaise, je m’assoie par terre et je lui demande si c’est 5000 pour ça. Il me dit non non en souriant et repart. C’est impossible d’aller au conflit avec un asiatique, on dirait qu’ils ne s’énervent jamais, ils gardent la face quoiqu’il arrive.
On embarque finalement sur le bac et profitons à nouveau de la baie jusqu’à la presque-île de Tuan Chau. Grandiose, mais pas de plongeon cette fois.

Fin du calme, on retrouve le vacarme de la route, des camions, des scooters et des pouet-pouets. Je considère que la plupart des gens deviennent un peu con dès qu’ils sont derrière un volant, mais les Vietnamiens sont vraiment les rois dans ce domaine, ils conduisent comme des abrutis. Heureusement, ils savent que tout les autres usagers sont aussi des abrutis donc ils sont vigilants et ne roulent pas très vite. On ne se sent finalement pas en danger sur ces routes, même si on reste un peu plus attentif que sur l’Altiplano bolivien (« Hmmm ? Plaît-il ? Oui, tout à fait, nous avons roulé de Cusco hasta Ushuaia – fin del mundo – con bicycletas. What else. »).

Les Viets ne roulent pas à tombeau ouvert, ce qui n’empêche pas certains de partir les pieds devant. Ici sur une pâle imitation de tandem Pino
On s’arrête dans un hôtel le soir, les nerfs à vif à cause de la fatigue et du traumatisme auditif. Puis on va en ville, on fait nos emplettes auprès d’une petite mamie qui pèse nos tomates et met 7 œufs au lieu de 6, on prend de bon plats à emporté et on boit des bières avec des employés ayant fini leur journée de travail, tout va bien, c’est un chouette pays. On voit jamais le soleil mais c’est chouette.
Les mecs semblent bourrés au bout de 2 verres. Ah ah les p’tits joueurs, ils n’ont pas une glorieuse et lointaine tradition alcoolique comme chez nous !
Voilà, c’est le Vietnam, un pays qu’on adore et qu’on déteste à la fois. Parfois on adore le côté anarchique, chaotique, bordélique, crade, brut de décoffrage, bruyant et parfois on aimerait un lance-flamme, surtout quand on est sur nos p’tits vélos.

y’a peut-être même un nourrisson, dans le coffre du scooter
Les 2 étapes suivantes sont plus calmes, les camions se font plus discrets et les paysages plus sauvages. La T°C chute et on se retrouve à pédaler sous la pluie avec 15°C juste avant d’arriver à Mong Cai, aux portes de la Chine.
A la 3eme tentative, on trouve enfin un hôtel dans nos prix, échangeons le slip mouillé contre un sec, déjeunons dans la rue et allons marcher en ville.
Comme lors de notre tout premier jour au Vietnam, le soleil apparaît en fin de journée, juste au moment où l’on se commande un dernier jus de canne à sucre. Un clin d’œil de la pacha mama pour la fin de notre périple en Asie du sud-est.
Demain la Chine, ensuite les nippons !

en exclusivité, la 1ere photo de la Chine
Bilan froid et clinique de l’Asie du sud-est
- 133 jours à travers le nord du Laos, la Thaïlande, un bout de Cambodge, le sud du Laos et un morceau de Vietnam
- 75 étapes à vélos
- 1 mois complet de vacance
- 5542 km, dont presque la moitié en Thaïlande
- 34200 m de D+, dont la moitié en Thaïlande, surtout le nord-ouest
- 164 kg de riz par personne
- 76 Litres de jus de canne à sucre
- 1 torticolique
Pays préféré ? Peut-être bien le Laos, mais la Thaïlande n’est pas loin et même carrément en tête pour la bouffe et la gentillesse des gens.
Y revenir un jour ? Pas autant que l’Asie Centrale, la Turquie ou l’Iran.
Y s’installer un jour comme beaucoup d’occidentaux en rêvent ? Pas du tout, ce climat n’est pas pour nous, la culture non plus. Les saisons nous manqueraient trop, on déteste le karaoké et on aime beaucoup la France. Quoiqu’on en dise, il y fait bon vivre, il suffit juste d’éteindre la TV et de lever le nez.
Et pour ceux qui sont allés jusqu’au bout de cet article, voici une petite vidéo sur notre passage au sud du Laos. Monté à la va-vite sur media maker, le rendu est nettement moins bon.