De Popayan à Filandia
- 19/01/20 Popayan – Santander de Quilichoa = 88 km / 4h55 / +1100m
- 20/01/20 … – Palmira = 66 km / 3h03 / +56m
- 21/01/20 … – Andalucia = 96 km / 4h19 / +340m
- 22/01/20 … – Armenia = 85 km / 5h18 / 1070m
- 23/01/20 … – Salento = 24 km / 2h15 / +700m
- 24/01/20 Salento = 5h de marche, bobo aux jambes
- 25/01/20 Salento = café
- 26/01/20 … – Filandia = 22 km / 1h45 / +470m
On s’était dit que ça allait être peinard cette première étape au départ de Popayan, sur la carte c’était tout droit sur la fameuse panaméricaine. Mais c’est pas hyper détaillé une carte ou 1 cm = 13 km. En fait y’avait plein de petits virages et de passages de rivières, donc c’était grosses montagnes russes, montées, descentes, jamais plat. Heureusement, on est redevenu des Panardos à environ 58,3% et ça passe, en mode lutte, mais ça passe. La circulation est importante, surtout les gros poids lourds, il fait pas mal chaud mais ça a du charme cette panaméricaine, un nom très classe pour une autoroute. Et comme on est dimanche, y’a du cyclo à gogo, on en croise plusieurs centaines. Ils roulent bien les colombiens, c’est pas la ballade du dimanche à 2 à l’heure. Là ça pousse sur les pédales, jeunes ou vieux, VTT ou vélo de course. On apprendra un peu plus tard que cet engouement pour le vélo est encore très récent, du genre 5 ou 6 ans. J’aimerais bien savoir d’où ça vient, peut-être que les mecs se sont dit « allé on arrête de déconner avec la coke, tous à vélo ! » , pif paf pouf, comme ça, du jour au lendemain.
Je crève en milieu de journée, sûrement la suite de cette crevaison lente que je trimballe depuis le début et que j’avais pas trouvé ou la flemme de bien chercher, ce qui revient au même. Coup de bol, juste au niveau d’une aire de repos, un coin d’ombre, un coca, un perroquet et des chiottes, c’est parfait. Le tout sous l’œil d’un soldat armé, y’en a plein sur la route, on se salue à chaque fois. Gros respect pour nos tanks j’imagine. Un bout de métal dans le pneu, une rustine qui prend hyper vite avec ce soleil, et c’est reparti pour quelques suées saveur pots d’échappement. On le sent bien le souffle chaud des vieux GMC et des gros Kenworth, ça serait chouette que le pot soit à gauche quand même. Dans ces moments là, on se demande ce qui est le plus bénéfique pour la santé : cravacher à vélo en respirant du caca ou rester peinard dans un canapé à regarder du caca ? Mouais, la réponse reste évidente quand même.
On finit l’étape bien entamé mais les 15 derniers kilomètres filent bien et on se tape un bon jus de canne à sucre juste avant d’arriver à Santander de Quilichoa, on pourrait en faire une chanson de ce nom de ville. Par contre, faudrait surtout pas y tourner le clip. Quand on arrive, c’est la fin du gros marché du dimanche, des ordures partout, un bordel pas possible. Au feu rouge, y’a des vautours qui fouillent les déchets. Pas des corbeaux, des vautours, c’est le niveau au-dessus niveau craditude. A Paris, on surnomme les pigeons les rats volants, ici c’est des hyènes volantes.
On se trouve un hôtel sympa à la sortie de la ville, pile en face d’un supermarché ou on file faire nos emplettes avant de ne plus bouger de sous le ventilo. Salade d’avocat, chips et mangue. A la base, on voulait se faire un guacamole mais c’est trop sport à écraser avec une cuillère.
La ville est peuplée presque uniquement de blacks / noirs / personnes d’origine africaine (je sais pas quel terme est politiquement correct, c’est super compliqué. C’est plus facile avec les bridés et les peaux rouges, tout le monde s’en fout, même l’Histoire), ça faisait bizarre. Sont-ce les descendants d’esclaves amenés ici pour les champs de canne à sucre ?
- 20/01/20 … – Palmira = 66 km / 3h03 / +56m
- 21/01/20 … – Andalucia = 96 km / 4h19 / +340m
Z’avez vu le dénivelé ? Etapes peinard de chez peinard, avec petite brise de dos, ciel couvert et même une petite pluie revigorante sur la 2eme étape. On roule au milieu des champs de canne à sucre, immenses, comme les road-trains qui les transportent.
Il n’y en a donc pas seulement en Australie, mais aussi ici, en Colombie, dans cette région toute plate qui permet de tracter 5 remorques. Quand ils nous doublent, on se dit que c’est pas le moment de tomber à gauche, les roues sont énormes et y’en a 18, de quoi faire une belle crêpe de panardos, et sans personne pour prendre la photo hommage.
On arrive à 10h30 à Palmira et on se trouve un hôtel mieux que d’habitude, avec piscine vu qu’on a le temps d’en profiter après une sieste monstrueuse.

le goûté du matin
Pour Andalucia, même topo, ça roule tout seul. A un moment, on double une longue file de camions, la route est barrée, accident avec un mort. Le camion est défoncé, ça devait pas être jojo à voir. Un colombien solide du dos nous aide à passer les vélos au dessus du rail de sécurité et on roule un peu à contre-sens sur une voie déserte, bizarre. Réponse quelques kilomètres plus loin, une manifestation bloque le trafic, ah ah, y’a la fièvre jaune ici aussi. BFM aurait été là, on aurait eu le droit à un superbe reportage sur des terroristes prenant en otage une autoroute. Après, y’aurait eu un magnifique débat avec le grand journaliste Pascal Praud.

Fast and Furious

enfilage des vestes de pluie
On arrive à 14h à Andalucia, petit village comme on aime, une belle place centrale, quelques commerces et un hôtel tout simple, chambre « Ingrid Betancourt 2.0 », cette fois y’a une lucarne. En revanche le ventilo fait un bruit affreux. Depuis qu’on a traversé les Andes (oui, la moitié en taxi, c’est bon, lâchez moi), les grosses enceintes dans la rue, c’est fini, tout comme les grosses chaleurs. Un bonheur n’arrive jamais seul. Même du côté bouffe, y’a un gros mieux, alors que c’est les même ingrédients et le même prix. Comme quoi la chaleur, ça fait faire n’importe quoi.
- 22/01/20 … – Armenia = 85 km / 5h18 / 1070m
Superbe étape. On roule sur l’autoroute du café. La route est moins large mais y’a toujours pas mal de camions.
C’est vallonné, c’est joli. Un groupe de cyclo nous double mais ils ont dû bien forcer car on les retrouve plus loin, attablé dans un resto. On papote, ils se font un circuit de 600 km sur quelques jours avec leurs beaux gravels. Ils nous payent le café-coca, super sympas.
On repart, j’ai les jambes magiques depuis hier, ça grimpe tout seul. Ophélie tourne beaucoup mieux également mais je suis quand même obligé de l’insulter quand j’estime que j’attends trop en haut des côtes. Faut pas relâcher la pression, jamais.
Le midi, 2eme bon repas d’affilé, splendide. Une truite sauce marinière sur un patacone, une sorte de chips géante faite avec des bananes plantain aplaties et frites.
On arrive vers Armenia, une grosse ville, il reste une douzaine de kilomètres et 450m de D+, pas le mieux pour finir une étape. Mais ça grimpe gentiment, y’a une belle piste cyclable, c’est pas l’heure de pointe et on a la belle giclette (Panardos à 86%). Arménia est une ville cauchemar pour un vélo de voyage, toute en pente, sur une crête. Donc pente devant et sur les côtés, le moindre détour ou erreur d’itinéraire se paye méchamment dans du 8%.
Après un petit détour au terminal de bus (oui, on va prendre le bus dans quelques jours, changements de plan, c’est bon, lâchez-moi), on va se trouver un hôtel à la sortie de la ville, tout là-haut. Là, on ne sait pas ce qui s’est passé mais on se retrouve dans une chambre d’hôtel pour back-packer trop cools, avec un bar en dessous, le truc qu’on déteste. On a dû tomber dans un mini-vortex hypoglycémique, on a merdé, on aurait dû boire un coca avant. On s’attend à passer une nuit pourrave mais l’hôtel restera plus ou moins vide et Alanis Morrissette arrêtera de gueuler vers 23h30. Pas top mais pas de quoi foutre le feu en partant non plus.

la photo du jour
- 23/01/20 … – Salento = 24 km / 2h15 / +700m
- 24/01/20 Salento = 5h de marche, bobo aux jambes
- 25/01/20 Salento = visite
Sur les vélos à 7h, petit dej dans la rue et grimpette vers Salento. Un cyclo vient papoter avec moi (c’est très macho ici, les gens s’adressent toujours à moi, très rarement à l’enfant de la lune). Il en vient à me dire que je grimpe pas bien vite avec mon enclume. Mon espagnol ne m’a pas permis de lui expliquer que ça dépend de quel côté on se trouve, celui du vélo de 9 kg ou celui de 45 kg, enfoiré. Du presque 7 km/h dans du presque 6%, c’est presque tout à fait honorable. Bon, je lui pardonne quand il m’offre une banane, elle rejoint l’ananas entière que je trimballe depuis 3 jours (et que j’ai encore quand j’écris cet article).
Etape courte mais pentu, surtout avec 5 km de descente surprise en plein milieu.
L’arrivée se fait dans un bon 10% et le finish est en haut d’une vacherie à 18%. Je lâche rien, y’a trop de témoins. La place centrale est magnifique, tout comme le reste de la ville et les 100 km alentours. C’est très coloré, vivant, il fait frais, le temps est changeant et les gros bourrins avec enceintes et méga-phones sont toujours de l’autre côté des Andes.
Comme on a compris la leçon de la veille, on se boit un grand verre de jus d’orange avant de partir en mission hôtel.
On va rester 3 nuits, faut pas déconner. Le 6eme est le bon, une grand jardin avec vue sur les montagnes, une grande chambre avec fenêtre et aucun backpackers en vu. Non, là faut faire gaffe car y’en a plein dans cette petite ville touristique. C’est la première fois qu’on croise plein d’occidentaux, on observe. Allé, c’est parti pour quelques généralités gratuites, faciles et de mauvaises foi :
- Les français ont la panoplie complète Quechua, comme nous, avec moins de merino
- les vieux français portent des chapeaux et des sacs bananes, se déplacent en groupe
- Les ricains s’habillent comme des pouilleux, avec des vieilles chemises à carreaux et des vieilles baskets. Genre Hobos de la vieille école alors qu’ils sont pétés de thune
- les hollandais sont grands et parlent très fort car jamais personne ne les comprend
- tatouages obligatoires
- beaucoup ont des têtes de surfers ou de Jésus. Mais ça se ressemble un peu, Jésus tu lui mets des lunettes de soleil, un débardeur, tu le bronzes un peu et c’est un pur surfeur.
- les allemands ont des Birkenstock, sans chaussettes, ça c’est fini, ils ont compris. Y’a plus que mes parents pour faire ça. Pourtant ils ne sont pas allemands. Quoique… J’ai jamais bien compris ce que faisaient tout ces vieux uniformes SS à la cave ? Et pourquoi Papa aimait les porter, la nuit, en écoutant du Wagner.
M’enfin, ne boudons pas notre plaisir d’être dans un lieu touristique avec un gros choix niveau bouffe. Pour fêter notre beau petit enchaînement d’étape, on se tape un burger géant, niveau USA, avec de la vraie viande dedans, du vrai bacon croustillant, du vrai cheddar, des vraies frites maison et de la mayonnaise bien grasse. La digestion nous a plombé toute l’après-midi mais ça valait le coup.
- Ophélie, mon poussinou, j’ai fini avec le récit. Tu peux écrire la suite stp ? C’est plus du vélo, je sais pas trop faire
- Attends tête de gland, je finis ce que j’ai à faire
- Tu fais quoi petit koala ?
- rien, ça te pose un problème crevette ?
- Mais pas du tout mon canard en sucre, pas du tout ! Je me disais juste que pendant que je fais la lessive, l’entretien des vélos, mes 300 pompes quotidiennes et l’itinéraire pour les jours à venir tu pourrais peut-être conter à nos chers followers nos 2 jours palpitants à Salento
- Bof, on a marché quoi. J’ai eu mal au mollets.
- Ah ah, j’aime tant ton enthousiasme !
- Mais ils s’en tapent les followers, c’est des psychopathes, des chacaux, ils veulent des galères, des chiasses et des chiens morts
- des chacals
- Quoi ?
- On dit des chacals
- C’est ce que j’ai dit
- Heu, d’accord. C’est pas faux pour les followers mais c’est pour nous aussi le blog, pour se souvenir, pour quand on aura les genoux en vrac et les rides de Jean d’Ormesson
- T’as déjà plein de rides toi
- Nan, c’est les photos qui font ça, la lumière est pas bonne, tout ça tout ça. Faut que je change les réglages
- C’est ça. Mais tu voudrais que je raconte quoi ?
- Je sais pas moi… qu’on a pris une des ces belles Jeeps colorées typique de Colombie pour aller dans la vallée de Cocora, qu’on était parti pour une balade d’une heure et qu’au final on a fait la grande boucle de 5h avec du gros dénivelé, sans un petit goûté et seulement un demi litre d’eau. Et que c’était super, et que y’avait pas grand monde, et qu’on a vu des grands palmiers de cire, des colibris, qu’on a marché sur des ponts suspendus tout bricolés et qu’à la fin y’avait des vaches comme chez nous mais avec des palmiers derrières.
- Et qu’on a cru entendre un animal bouger dans les fourrés et qu’en fait c’était une hollandaise en train de pisser
- Voilà !
- Bah t’as qu’à mettre un tas de photo, ça ira plus vite
- pas con !
Cette longue et chouette balade, après le vélo, nous a détruit les jambes. Alors le lendemain, c’est visite d’une petite plantation de café à l’ancienne, en permaculture, puis grosse sieste.
Pour le café, mes soupçons était juste. Jusqu’à peu, 90% du bon café partait chez les gringos, ne restant sur place que les 10% évidemment, et ce qui était impropre à l’exportation, les grains invendables, tout juste bon pour du jus de chaussette sucré. Mais les choses changent petit à petit et ce n’est plus que 80% qui part à l’export.
L’arabica qui pousse dans la vallée de Cocora est très doux, on peut manger le grain torréfié sans grimacer, en aimant ça, et même trouver un goût de cacao sans faire semblant. Et le café en lui-même ne retourne pas le bide. On va trimballer 250g de grain pour le reste du voyage. Il sera disponible à la superbe machine à café du camping si vous suppliez très très fort, et s’il en reste évidemment. Sinon vous aurez le droit au café Lidl qu’on reverse dans un vieux sachet de café Bio équitable greenpeace cueilli par des orphelins aveugles.
- 26/01/20 … – Filandia = 22 km / 1h45 / +470m
On repart le lendemain, les jambes un peu lourdes mais c’est pas l’étape du siècle et on arrive rapidement à Filandia après une petite grimpette et encore un finish à plus de 10% en centre-ville devant témoins nombreux. Cette manie de construire des villes sur des crêtes est insupportable, ils comprendront leur douleur quand y’aura plus de pétrole.
Filandia est la petite sœur de Salento, c’est tout mignon pareil, et même plus, mais le tourisme gringo s’y est moins développé, y’a que des touristes colombiens. Ça flâne sur la place principale, ça achète des chapeaux et ça déguste des bons petits plats dans les restos colorés. Un mec prend des photos avec une chambre noire de 1953, on se laisse tenter, ça fera un beau souvenir nos trognes en noir et blanc.
Notre hôtel a du cachet, tout en bois avec une cour intérieure, un hamac et des tables. L’endroit parfait pour mettre à jour le blog pendant que l’orage gronde.
Demain, c’est direction Armenia pour un bus de nuit, puis un autre bus, puis un peu de vélo, un peu de rando et encore un peu de vélo.
Vous l’aurez lu entre les lignes, ou directement sur les lignes, on apprécie bien mieux notre séjour en Colombie depuis qu’on a changé de région et de climat. Et puis on s’est fait à l’idée que c’était un voyage pas comme les autres, sans les joies du bivouac. Ça peut paraître chouette d’aller d’hôtel en hôtel mais il manque ce côté aventure et ce gros apaisement de fin de journée quand on monte la tente, notre chez nous, dans un coin de nature loin du monde, rien que pour nous, pour un soir. A la fraîche, détendus.