Cannes à sucre, café et Cocora

De Popayan à Filandia

  • 19/01/20  Popayan – Santander de Quilichoa = 88 km / 4h55 / +1100m
  • 20/01/20  … – Palmira = 66 km / 3h03 / +56m
  • 21/01/20  … – Andalucia = 96 km / 4h19 / +340m
  • 22/01/20  … – Armenia = 85 km / 5h18 / 1070m
  • 23/01/20  … – Salento = 24 km / 2h15 / +700m
  • 24/01/20  Salento = 5h de marche, bobo aux jambes
  • 25/01/20  Salento = café
  • 26/01/20  … – Filandia = 22 km / 1h45 / +470m

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On s’était dit que ça allait être peinard cette première étape au départ de Popayan, sur la carte c’était tout droit sur la fameuse panaméricaine. Mais c’est pas hyper détaillé une carte ou 1 cm = 13 km. En fait y’avait plein de petits virages et de passages de rivières, donc c’était grosses montagnes russes, montées, descentes, jamais plat. Heureusement, on est redevenu des Panardos à environ 58,3% et ça passe, en mode lutte, mais ça passe. La circulation est importante, surtout les gros poids lourds, il fait pas mal chaud mais ça a du charme cette panaméricaine, un nom très classe pour une autoroute. Et comme on est dimanche, y’a du cyclo à gogo, on en croise plusieurs centaines. Ils roulent bien les colombiens, c’est pas la ballade du dimanche à 2 à l’heure. Là ça pousse sur les pédales, jeunes ou vieux, VTT ou vélo de course. On apprendra un peu plus tard que cet engouement pour le vélo est encore très récent, du genre 5 ou 6 ans. J’aimerais bien savoir d’où ça vient, peut-être que les mecs se sont dit « allé on arrête de déconner avec la coke, tous à vélo ! » , pif paf pouf, comme ça, du jour au lendemain.

Je crève en milieu de journée, sûrement la suite de cette crevaison lente que je trimballe depuis le début et que j’avais pas trouvé ou la flemme de bien chercher, ce qui revient au même. Coup de bol, juste au niveau d’une aire de repos, un coin d’ombre, un coca, un perroquet et des chiottes, c’est parfait. Le tout sous l’œil d’un soldat armé, y’en a plein sur la route, on se salue à chaque fois. Gros respect pour nos tanks j’imagine. Un bout de métal dans le pneu, une rustine qui prend hyper vite avec ce soleil, et c’est reparti pour quelques suées saveur pots d’échappement. On le sent bien le souffle chaud des vieux GMC et des gros Kenworth, ça serait chouette que le pot soit à gauche quand même. Dans ces moments là, on se demande ce qui est le plus bénéfique pour la santé : cravacher à vélo en respirant du caca ou rester peinard dans un canapé à regarder du caca ? Mouais, la réponse reste évidente quand même.

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On finit l’étape bien entamé mais les 15 derniers kilomètres filent bien et on se tape un bon jus de canne à sucre juste avant d’arriver à Santander de Quilichoa, on pourrait en faire une chanson de ce nom de ville. Par contre, faudrait surtout pas y tourner le clip. Quand on arrive, c’est la fin du gros marché du dimanche, des ordures partout, un bordel pas possible. Au feu rouge, y’a des vautours qui fouillent les déchets. Pas des corbeaux, des vautours, c’est le niveau au-dessus niveau craditude. A Paris, on surnomme les pigeons les rats volants, ici c’est des hyènes volantes.

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On se trouve un hôtel sympa à la sortie de la ville, pile en face d’un supermarché ou on file faire nos emplettes avant de ne plus bouger de sous le ventilo. Salade d’avocat, chips et mangue. A la base, on voulait se faire un guacamole mais c’est trop sport à écraser avec une cuillère.

La ville est peuplée presque uniquement de blacks / noirs / personnes d’origine africaine (je sais pas quel terme est politiquement correct, c’est super compliqué. C’est plus facile avec les bridés et les peaux rouges, tout le monde s’en fout, même l’Histoire), ça faisait bizarre. Sont-ce les descendants d’esclaves amenés ici pour les champs de canne à sucre ?

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  • 20/01/20  … – Palmira = 66 km / 3h03 / +56m
  • 21/01/20  … – Andalucia = 96 km / 4h19 / +340m

Z’avez vu le dénivelé ? Etapes peinard de chez peinard, avec petite brise de dos, ciel couvert et même une petite pluie revigorante sur la 2eme étape. On roule au milieu des champs de canne à sucre, immenses, comme les road-trains qui les transportent.

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Il n’y en a donc pas seulement en Australie, mais aussi ici, en Colombie, dans cette région toute plate qui permet de tracter 5 remorques. Quand ils nous doublent, on se dit que c’est pas le moment de tomber à gauche, les roues sont énormes et y’en a 18, de quoi faire une belle crêpe de panardos, et sans personne pour prendre la photo hommage.

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On arrive à 10h30 à Palmira et on se trouve un hôtel mieux que d’habitude, avec piscine vu qu’on a le temps d’en profiter après une sieste monstrueuse.

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le goûté du matin

Pour Andalucia, même topo, ça roule tout seul. A un moment, on double une longue file de camions, la route est barrée, accident avec un mort. Le camion est défoncé, ça devait pas être jojo à voir. Un colombien solide du dos nous aide à passer les vélos au dessus du rail de sécurité et on roule un peu à contre-sens sur une voie déserte, bizarre. Réponse quelques kilomètres plus loin, une manifestation bloque le trafic, ah ah, y’a la fièvre jaune ici aussi. BFM aurait été là, on aurait eu le droit à un superbe reportage sur des terroristes prenant en otage une autoroute. Après, y’aurait eu un magnifique débat avec le grand journaliste Pascal Praud.

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Fast and Furious

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enfilage des vestes de pluie

On arrive à 14h à Andalucia, petit village comme on aime, une belle place centrale, quelques commerces et un hôtel tout simple, chambre « Ingrid Betancourt 2.0 », cette fois y’a une lucarne. En revanche le ventilo fait un bruit affreux. Depuis qu’on a traversé les Andes (oui, la moitié en taxi, c’est bon, lâchez moi), les grosses enceintes dans la rue, c’est fini, tout comme les grosses chaleurs. Un bonheur n’arrive jamais seul. Même du côté bouffe, y’a un gros mieux, alors que c’est les même ingrédients et le même prix. Comme quoi la chaleur, ça fait faire n’importe quoi.

  • 22/01/20  … – Armenia = 85 km / 5h18 / 1070m

Superbe étape. On roule sur l’autoroute du café. La route est moins large mais y’a toujours pas mal de camions.

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C’est vallonné, c’est joli. Un groupe de cyclo nous double mais ils ont dû bien forcer car on les retrouve plus loin, attablé dans un resto. On papote, ils se font un circuit de 600 km sur quelques jours avec leurs beaux gravels. Ils nous payent le café-coca, super sympas.

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On repart, j’ai les jambes magiques depuis hier, ça grimpe tout seul. Ophélie tourne beaucoup mieux également mais je suis quand même obligé de l’insulter quand j’estime que j’attends trop en haut des côtes. Faut pas relâcher la pression, jamais.

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Le midi, 2eme bon repas d’affilé, splendide. Une truite sauce marinière sur un patacone, une sorte de chips géante faite avec des bananes plantain aplaties et frites.

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On arrive vers Armenia, une grosse ville, il reste une douzaine de kilomètres et 450m de D+, pas le mieux pour finir une étape. Mais ça grimpe gentiment, y’a une belle piste cyclable, c’est pas l’heure de pointe et on a la belle giclette (Panardos à 86%). Arménia est une ville cauchemar pour un vélo de voyage, toute en pente, sur une crête. Donc pente devant et sur les côtés, le moindre détour ou erreur d’itinéraire se paye méchamment dans du 8%.20200122_142030.jpg

Après un petit détour au terminal de bus (oui, on va prendre le bus dans quelques jours, changements de plan, c’est bon, lâchez-moi), on va se trouver un hôtel à la sortie de la ville, tout là-haut. Là, on ne sait pas ce qui s’est passé mais on se retrouve dans une chambre d’hôtel pour back-packer trop cools, avec un bar en dessous, le truc qu’on déteste. On a dû tomber dans un mini-vortex hypoglycémique, on a merdé, on aurait dû boire un coca avant. On s’attend à passer une nuit pourrave mais l’hôtel restera plus ou moins vide et Alanis Morrissette arrêtera de gueuler vers 23h30. Pas top mais pas de quoi foutre le feu en partant non plus.

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la photo du jour

  • 23/01/20  … – Salento = 24 km / 2h15 / +700m
  • 24/01/20  Salento = 5h de marche, bobo aux jambes
  • 25/01/20  Salento = visite

Sur les vélos à 7h, petit dej dans la rue et grimpette vers Salento. Un cyclo vient papoter avec moi (c’est très macho ici, les gens s’adressent toujours à moi, très rarement à l’enfant de la lune).P1040658 Il en vient à me dire que je grimpe pas bien vite avec mon enclume. Mon espagnol ne m’a pas permis de lui expliquer que ça dépend de quel côté on se trouve, celui du vélo de 9 kg ou celui de 45 kg, enfoiré. Du presque 7 km/h dans du presque 6%, c’est presque tout à fait honorable. Bon, je lui pardonne quand il m’offre une banane, elle rejoint l’ananas entière que je trimballe depuis 3 jours (et que j’ai encore quand j’écris cet article).

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Etape courte mais pentu, surtout avec 5 km de descente surprise en plein milieu.

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L’arrivée se fait dans un bon 10% et le finish est en haut d’une vacherie à 18%. Je lâche rien, y’a trop de témoins. La place centrale est magnifique, tout comme le reste de la ville et les 100 km alentours. C’est très coloré, vivant, il fait frais, le temps est changeant et les gros bourrins avec enceintes et méga-phones sont toujours de l’autre côté des Andes.

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Comme on a compris la leçon de la veille, on se boit un grand verre de jus d’orange avant de partir en mission hôtel.

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On va rester 3 nuits, faut pas déconner. Le 6eme est le bon, une grand jardin avec vue sur les montagnes, une grande chambre avec fenêtre et aucun backpackers en vu. Non, là faut faire gaffe car y’en a plein dans cette petite ville touristique. C’est la première fois qu’on croise plein d’occidentaux, on observe. Allé, c’est parti pour quelques généralités gratuites, faciles et de mauvaises foi :

  • Les français ont la panoplie complète Quechua, comme nous, avec moins de merino
  • les vieux français portent des chapeaux et des sacs bananes, se déplacent en groupe
  • Les ricains s’habillent comme des pouilleux, avec des vieilles chemises à carreaux et des vieilles baskets. Genre Hobos de la vieille école alors qu’ils sont pétés de thune
  • les hollandais sont grands et parlent très fort car jamais personne ne les comprend
  • tatouages obligatoires
  • beaucoup ont des têtes de surfers ou de Jésus. Mais ça se ressemble un peu, Jésus tu lui mets des lunettes de soleil, un débardeur, tu le bronzes un peu et c’est un pur surfeur.
  • les allemands ont des Birkenstock, sans chaussettes, ça c’est fini, ils ont compris. Y’a plus que mes parents pour faire ça. Pourtant ils ne sont pas allemands. Quoique… J’ai jamais bien compris ce que faisaient tout ces vieux uniformes SS à la cave ? Et pourquoi Papa aimait les porter, la nuit, en écoutant du Wagner.

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M’enfin, ne boudons pas notre plaisir d’être dans un lieu touristique avec un gros choix niveau bouffe. Pour fêter notre beau petit enchaînement d’étape, on se tape un burger géant, niveau USA, avec de la vraie viande dedans, du vrai bacon croustillant, du vrai cheddar, des vraies frites maison et de la mayonnaise bien grasse. La digestion nous a plombé toute l’après-midi mais ça valait le coup.

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  • Ophélie, mon poussinou, j’ai fini avec le récit. Tu peux écrire la suite stp ? C’est plus du vélo, je sais pas trop faire
  • Attends tête de gland, je finis ce que j’ai à faire
  • Tu fais quoi petit koala ?
  • rien, ça te pose un problème crevette ?
  • Mais pas du tout mon canard en sucre, pas du tout ! Je me disais juste que pendant que je fais la lessive, l’entretien des vélos, mes 300 pompes quotidiennes et l’itinéraire pour les jours à venir tu pourrais peut-être conter à nos chers followers nos 2 jours palpitants à Salento
  • Bof, on a marché quoi. J’ai eu mal au mollets.
  • Ah ah, j’aime tant ton enthousiasme !
  • Mais ils s’en tapent les followers, c’est des psychopathes, des chacaux, ils veulent des galères, des chiasses et des chiens morts
  • des chacals
  • Quoi ?
  • On dit des chacals
  • C’est ce que j’ai dit
  • Heu, d’accord. C’est pas faux pour les followers mais c’est pour nous aussi le blog, pour se souvenir, pour quand on aura les genoux en vrac et les rides de Jean d’Ormesson
  • T’as déjà plein de rides toi
  • Nan, c’est les photos qui font ça, la lumière est pas bonne, tout ça tout ça. Faut que je change les réglages
  • C’est ça. Mais tu voudrais que je raconte quoi ?
  • Je sais pas moi… qu’on a pris une des ces belles Jeeps colorées typique de Colombie pour aller dans la vallée de Cocora, qu’on était parti pour une balade d’une heure et qu’au final on a fait la grande boucle de 5h avec du gros dénivelé, sans un petit goûté et seulement un demi litre d’eau. Et que c’était super, et que y’avait pas grand monde, et qu’on a vu des grands palmiers de cire, des colibris, qu’on a marché sur des ponts suspendus tout bricolés et qu’à la fin y’avait des vaches comme chez nous mais avec des palmiers derrières.
  • Et qu’on a cru entendre un animal bouger dans les fourrés et qu’en fait c’était une hollandaise en train de pisser
  • Voilà !
  • Bah t’as qu’à mettre un tas de photo, ça ira plus vite
  • pas con !

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Cette longue et chouette balade, après le vélo, nous a détruit les jambes. Alors le lendemain, c’est visite d’une petite plantation de café à l’ancienne, en permaculture, puis grosse sieste.

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Pour le café, mes soupçons était juste. Jusqu’à peu, 90% du bon café partait chez les gringos, ne restant sur place que les 10% évidemment, et ce qui était impropre à l’exportation, les grains invendables, tout juste bon pour du jus de chaussette sucré. Mais les choses changent petit à petit et ce n’est plus que 80% qui part à l’export.

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L’arabica qui pousse dans la vallée de Cocora est très doux, on peut manger le grain torréfié sans grimacer, en aimant ça, et même trouver un goût de cacao sans faire semblant. Et le café en lui-même ne retourne pas le bide. On va trimballer 250g de grain pour le reste du voyage. Il sera disponible à la superbe machine à café du camping si vous suppliez très très fort, et s’il en reste évidemment. Sinon vous aurez le droit au café Lidl qu’on reverse dans un vieux sachet de café Bio équitable greenpeace cueilli par des orphelins aveugles.

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  • 26/01/20  … – Filandia = 22 km / 1h45 / +470m

On repart le lendemain, les jambes un peu lourdes mais c’est pas l’étape du siècle et on arrive rapidement à Filandia après une petite grimpette et encore un finish à plus de 10% en centre-ville devant témoins nombreux. Cette manie de construire des villes sur des crêtes est insupportable, ils comprendront leur douleur quand y’aura plus de pétrole.

Filandia est la petite sœur de Salento, c’est tout mignon pareil, et même plus, mais le tourisme gringo s’y est moins développé, y’a que des touristes colombiens. Ça flâne sur la place principale, ça achète des chapeaux et ça déguste des bons petits plats dans les restos colorés. Un mec prend des photos avec une chambre noire de 1953, on se laisse tenter, ça fera un beau souvenir nos trognes en noir et blanc.

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Notre hôtel a du cachet, tout en bois avec une cour intérieure, un hamac et des tables. L’endroit parfait pour mettre à jour le blog pendant que l’orage gronde.

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Demain, c’est direction Armenia pour un bus de nuit, puis un autre bus, puis un peu de vélo, un peu de rando et encore un peu de vélo.

Vous l’aurez lu entre les lignes, ou directement sur les lignes, on apprécie bien mieux notre séjour en Colombie depuis qu’on a changé de région et de climat. Et puis on s’est fait à l’idée que c’était un voyage pas comme les autres, sans les joies du bivouac. Ça peut paraître chouette d’aller d’hôtel en hôtel mais il manque ce côté aventure et ce gros apaisement de fin de journée quand on monte la tente, notre chez nous, dans un coin de nature loin du monde, rien que pour nous, pour un soir. A la fraîche, détendus.

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Ripio et condors, les Pieds dans les Andes

Du Désert de Tatacoa à Popayan

  • 10/01  Villavieja – Neiba = 37 km   2h10   +380m
  • 11/01  Neiva – Campoalegre = 34 km   2h20  +220m
  • 12/01 … – Paicol = 76 km  5h02  + 990m
  • 13/01  Repos
  • 14/01  … – Belen = 57 km  5h20  +1470m
  • 15/01  … – Puracé = 25 km  2h50  +540m
  • 16/01  … – Popayan = 35 km  1h55  +266m
  • 17-18/01  Popayan

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Le soleil et la chaleur nous défoncent dès les premiers kilomètres malgré l’heure encore très matinale, c’est dur. On sort doucement du désert pour retrouver une végétation plus ombrageante et -enfin- un vendeur de limonade, seul instant fraîcheur de l’étape.

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Ah non, pardon, y’a eu un autre instant fraîcheur juste après avec un pauvre iguane puis un chien façon tartare qui s’est fait re-re-re-re-roulé dessus pas une voiture me dépassant. Le bruit était affreux. C’est un vrai carnage pour les animaux ces routes, on a même vu un zébu crevé, tellement grouillant de vers que je n’ai pas pu m’arrêter pour lui rendre un dernier hommage.

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L’arrivée à Neiva est bordélique, c’est une grande ville sans intérêt, y’a un monde fou, des enceintes qui crachent de la musique tous les 3 mètres et on se tape une bonne bouffée de gaz d’échappement avant de trouver un hôtel. On se réfugie dans la chambre avec clim, ne sortant que pour manger le midi et aller faire 2-3 courses le soir. Les restos ne sont ouverts que le matin et le midi, jamais le soir. On dîne du bout des lèvres, on ne se sent pas bien. Ophélie gerbe vers 23h, on passe une sale nuit.

  • 11/01  Neiva – Campoalegre = 34 km   2h20  +220m
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J’avais pas de photo pour cette étape, alors je mets un p’tit chat mignon

L’étape suivante pour Campoalegre se fait encore sous une chaleur dingue avec 2 Panardos myopathes qui peinent pour faire avancer leurs petits vélos à 13 km/h sur du plat. Rien dans les jambes, les bides en vrac, le mental très bas. En ce moment, ce pays nous oppresse totalement, deux points, listes à puce :

  • Trop chaud. Et je pense qu’on est plutôt résistant de ce côté mais quand ça dépasse 30°C avec un taux d’humidité élevé, ça nous ôte toute giclette. A Campoalegre, il fera 38 à l’ombre et 30 dans la chambre toute la nuit. On se demande comment les gens font pour vivre dans des coins pareils.
  • Trop de traffic. Depuis Bogota, c’est souvent infernal
  • Trop chaud
  • Trop de bruit. Les voitures, les bus, les motos et les grillons stridents sur la route. Puis les enceintes dans les villes. Beaucoup de magasins en mettent dans la rue, ça doit attirer le chaland. Y’a aussi des vendeurs ambulants avec des mégaphones. Ambiance foire. Faudra que je fasse une vidéo, c’est hallucinant des fois, Rémy Bricka passerait complètement inaperçu.CLy4CjkW8AAsHN4
  • Trop de monde. Partout, tout le temps
  • Trop chaud
  • Trop sale. Des ordures partout en bord de route, gobelets, sacs plastiques, polystyrène, zébu mort, bouteilles d’huile pour moteur, couche-culottes…
  • Des barbelés partout, bivouac quasi impossible. De toute façon, il fait trop chaud.

Voilà notre état d’esprit à ce moment là.

On se trouve un petit hôtel familial, c’est mignon tout de même. Juste 15°C de trop. Je sens que mon bide est à l’arrêt complet et je me décide à gerber. Et bah il était temps car j’aurais pu remplir une poche à eau, plus rien ne passait depuis hier midi, même pas le coca, il était complètement déshydraté le Fred. On passe l’après-midi sous le ventilo à boire du Gatorade, ce truc infect mais plein de sels minéraux. La mamie de l’hôtel a pitié de nous et nous prépare du riz et une omelette pour le soir. On se force à manger.

  • 12/01 … – Paicol = 76 km  5h02  + 990m

Sur les vélo dès 6h15, sans p’tit déj. La route est calme, ça sent la fin des vacances scolaires pour les colombiens. Le temps est couvert, il fait plus frais, les grillons ferment leurs grandes gueules, pfiouuuuuuu, ça fait du bien !

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On quitte alors la route principale pour une secondaire, croisant les doigts pour que l’asphalte soit présent le plus longtemps possible. En longeant le Rio Paez, on se rapproche doucement des Andes et prenons un peu d’altitude pour arriver à Paicol à 850m.P1040230 Les paysages sont plus sauvages mais tout ces barbelés font mal au cœur, les champs sont inaccessibles. Ça fait un peu mal aux cuisses aussi puisqu’on trimballe tout notre matos de camping pour rien.P1040235

Le village est mignon et à taille humaine, rues pavées et bâtisses coloniales blanches. On reste 2 nuits histoire que l’urticaire d’Ophélie ne se transforme pas tout de suite en cancer de la peau et que nos bides se remettent d’aplomb.

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  • 14/01  … – Belen = 57 km  5h20  +1470m

On attaque les Andes, étape mémorable. 30 km d’échauffement sur un beau bitume puis c’est la piste de chez piste, en montée, avec caillasses, nids de poulosaures, sable, poussière dans la tronche et camions de chantiers. J’adore, c’est grosse ambiance aventure avec un décor impressionnant et des nombreuses plantations de caféiers (derrière les barbelés, vous l’aurez compris). Et comme on grimpe, la T°C reste stable, 25°C.

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Ophélie morfle et je l’attends régulièrement. Des gens viennent papoter tranquillement, ici un mécano, là un paysan, machette à la ceinture. Un gars en moto me propose de la marijuana. Pas besoin avec le shoot d’endorphine qu’on va se taper après une montée pareille. C’est gratos l’endorphine, ça fait juste mal aux cuisses.

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Ophélie finit les 13 derniers kilomètres au mental et on débarque à Bélen comme si on montait des licornes, les smartphones braqués sur nous. La ville est glauque, c’est pas tant que c’est pauvre, mais on dirait que tout a été construit à l’arrache avec les restes d’une autre ville. On nous indique le seul hôtel de la ville. Prix record de 7 €.

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A ce prix, on a le droit à la suite « Ingrid Betancourt » : pas de fenêtres, porte en métal, plafond en tôle ondulée, pas de draps, eau glaciale (mais ça fait du bien) et alèses de matelas en plastique. Ça c’est pratique, pas besoin de se lever la nuit pour aller pisser.

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On va manger un bout dans la rue, avec une petite laine car on est désormais à 2000m d’altitude. Je tente une truite, m’attendant au graillon plein d’arête qu’on avait mangé en Bolivie, mais là c’est une bonne pioche avec un poisson légèrement fumé, ça fait du bien. Ophélie reste sur le classique oeuf-riz, sans risque.

  • 15/01  … – Puracé = 25 km  2h50  +540m  + 50 km en taxi-rally
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le menu du jour

On se lève à 6h, juste avant qu’une paire d’enceinte ne se déchaîne dans la rue… pourtant tout le monde semblait dormir. Petit déj chez la même dame que la veille qui bossedonc au moins 12h par jour,  beignets au fromage et café sucré, ou plutôt sucre caféiné. Le bon café, il part chez les gringos, ici on ne trouve souvent qu’un jus de chaussette. Les jambes sont lourdes et la piste devient vraiment mauvaise, tellement qu’on ne dépasse pas les 12 km/h en descente, là ou on prendrait 60 km/h sur du bitume.P1040296

Contrairement à la veille, la piste est déserte, on entend les bruits étranges venant des arbres.P1040298

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On arrive à Moscopan vers 12h, joli petit village isolé au milieu des Andes.

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On a déjà pris notre décision pour la suite : on prend un taxi, la piste est trop défoncée, y’a aucun plaisir. On sait que Nathalie Courtet est passée dans les environs y’a 2 ans et qu’elle a salement morflé, ne trouvant aucun coin de bivouac en route et devant souvent pousser le vélo. Et Nathalie Courtet, c’est un peu Mike Horn avec des boucles d’oreilles.

Alors tant pis pour le col à 3400 m.

Je demande au conducteur d’un petit camion s’il peut nous embarquer. Il est ok, mais départ à 17h, ça fait tard. Cependant des taxis sont censés arriver vers 13h, alors on attend en mangeant des empenadas.

A 14h, bingo, le premier (et seul en fait) véhicule arrive. C’est un pick-up comme on en a souvent vu, ceux qui nous doublaient comme des brutes les autres jours. La galerie de toit est déjà pleine de bagage, je dis à Ophélie que c’est mort, qu’on prendra le prochain, que c’est pas grave, qu’on est pas pressé, qu’il y en aura d’autre, au pire demain. La vrai raison c’est que j’ai une envie de sieste monumentale à ce moment là, je serais bien allé faire dodo dans une petite hospedaje à côté.

Elle va quand même voir le conducteur, il est OK pour nous prendre. Ah ah ah, c’est qu’il a pas encore vu nos poneys le bougre. Donc je me pointe avec mon vélo, sûr qu’il va chialer en le voyant. Il ne lève même pas un sourcil, ça passe. Bon.

Il monte sur le toit et je lui passe les vélos (développé-couché, puissance maximale) en faisant juste attention à la seule partie sensible d’un vélo : la pâte de dérailleur. Il attache tout ça avec une corde, mais le terme « grosse ficelle » serait plus approprié. Je teste la solidité, ça a l’air d’aller mais on est loin d’être confiant vu la tête du chargement et surtout l’état de la piste qui nous attend. Le gars à l’air pressé, on ne veut pas l’embêter à tout refaire.

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on est parti comme ça…

On grimpe à l’arrière, on est 11 en tout dans le véhicule. Et c’est parti !

La piste est affreuse et nous conforte dans notre choix. Ça secoue fort, le mec roule comme un taré, il double d’autre voiture. On surveille l’arrière, prêt à dire stop si un truc tombe. Le truc étant 1 ou 2 vélos de voyage. Ophélie rattrape in extremis les arceaux de la tente qui pendouillaient d’une sacoche. C’est hyper stressant.

A un moment, on voit un bout de porte-bagage sur le côté du véhicule, STOOOOPPPP !! Mon vélo a basculé sur le coté, celui d’Ophélie n’est pas loin du bord. On redresse juste celui d’Ophélie, mon vélo ne peut pas aller plus bas, sauf si la superbe corde vintage lâche évidemment. Re-stress pendant 25 km.

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… et arrivé comme ça

On a quand même le temps de regarder le paysage. En effet, très compliqué pour le bivouac, pas de regrets. Et puis aucun panneau de col, j’aurais été dégoûté.

Arrivée à Puracé après 2h et 50 km intenses. On descend les vélos, le mien a pas mal morflé mais c’est seulement esthétique, pas grave. Cicatrices de guerre, je raconterais que c’est un puma qui a fait ça si on me demande.

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En revanche, nos 2 anti-vols se sont fait la malle, les salauds ! Voyons le coté positif des choses, on s’allège d’un bon gros kilo chacun et on se dit qu’on leur a offert une belle vie à ces 2 zigotos. Et une belle mort en haut des Andes, ils vont bien se la raconter au paradis des anti-vols. Autre côté positif, c’est les anti-vol qu’on a perdu, pas les mousses de siège ni le compteur, ça aurait été vraiment la haine ça. On connaît des gens à qui c’est arrivé, depuis ils vivent reclus dans les Ardennes, ne sortant que pour refaire leur stock de 8.6 et de Curly. Dur.

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On se trouve un hôtel tout mignon dans cette ville-pente et il se passe un truc aussi rare qu’un aliment non périmé dans le frigo de Pascal : une nuit silencieuse.

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On retrouve aussi la douche Claude François, un pommeau avec chauffe-eau intégré et les fils qui pendouillent juste au dessus. Là, les fils sont proprement isolés avec du scotch mais on en a eu avec le domino à nu.

  • 16/01  … – Popayan = 35 km  1h55  +266m

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Superbe parcours avec les Andes dans le dos et un beau bitume. On s’arrête boire un jus de fruit en bord de route, on papote avec des gens du coin super sympas. Popayan est une ville agréable, les enceintes sont bien moins présentes et comme on est toujours en altitude (1700m), la T°C reste très agréable, même l’après-midi.

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On apprécie donc de se balader dans « la ville blanche de Colombie » à l’architecture d’époque coloniale et aux petites rue pleines de choses à manger. C’est, d’après l’UNESCO, le meilleur coin d’Amérique du Sud côté bouffe, mouais, pas convaincu. Mais on a été bien content de trouver un resto végétarien pour échapper au poulet-oeuf-riz. On se tape même une pizza un soir dans un resto tenu par une dame suisse.  Par contraste, elle était bonne.

On se fait une bonne journée glandouille puis partons une journée dans le parc national de Puracé. A l’origine, je voulais monter en haut du volcan à plus de 4700m mais la météo ne le permettait pas et l’agence nous propose donc cette visite du parc avec nos amis d’un jour Volker et Alexandra, des sympathiques allemands, et notre super guide anglophone Alex.

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Hop, tous en voiture pour reprendre la route puis la piste pourrave qu’on s’était déjà taper en taxi. Confiant, je suis resté en short alors qu’on remonte à 3400m, j’ai rien montré mais ça caillait bien.P1040444

Premier arrêt au mirador des condors. Alors, déjà, être dans un mirador avec des allemands, j’aime bien.

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14 condors ont été ré-introduits à cet endroit, seulement 3 sont restés. Chaque jour vers 10h, des membres du parc déposent de la nourriture (au hasard, du poulet) pour les faire venir. Il fait un temps horrible avec un peu de pluie et un vent violent. Ophélie dit que si elle était un condor, elle resterait chez elle. Oui mais ça doit pas être confort-confort un flan de falaise sans poêle à bois. Alors ils viennent, majestueux en vol. D’abord la femelle qui ressemble à un gros vautour puis le mâle qui, comme chez les Panardos, est impressionnant, majestueux et très très classe. 3m30 d’envergure. Ils maîtrisent bien le vent et se posent facilement sur le bout de rocher, dérangeant presque certains colombiens en plein selfie. Les autorités n’ont pas encore réussi à faire tomber le cartel de la perche à selfie, va falloir faire des exemples.

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C’était chouette de voir ces bestiaux de si près même si la charge émotionnelle n’est pas la même que quand ils ont survolé nos p’tit vélo sur la carretera australe.

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On file ensuite visiter les autres sites du parc : une chute d’eau, une réserve d’eau pure qu’on peut boire directement, des sources d’eaux chaudes puis une forêt d’arbustes endémiques et étranges : les fraijelons .

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Ils ne poussent que d’un centimètre par an. Ce spécimen de 5m aurait donc 500 ans.

Le parc est bien géré et préservé, ça fait plaisir à voir. Le tourisme y est nouveau, environ 3 ans. Avant ça, la zone était encore contrôlée par des guérilleros, c’était sans danger mais aucune agence n’y aurait emmené des gringos.

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Demain, on reprend les vélos avec plus d’entrain. The giclette is back, mais toujours pas de bivouac.

Merci à tous pour les commentaires sur les articles précédents, on vous envoie plein de bisous arc-en-ciel avec des papillons magiques.

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