Ou la balade de Merguez et Chipolata sur le grill colombien.
Bogota – 9h du matin.
Des chiasseux.
Y’a pas d’autre mot, des chiasseux.
On a mal dormi, on flippe comme des étudiants avant un gros exam. On a peur du soleil qui tabasse fort ici, de la chaleur, du mal aux jambes, de la circulation, de l’inconnu. Le côté positif, donc, c’est qu’on n’est pas dans notre zone de confort. Allons allons, on se tartine de crème solaire, il est temps de pédaler.

oui oui c’est bien Ophélie, pas une vendeuse d’empenadas
05/01/20 Bogota – Fusagasuga = 73 km / 3h38 / +715 m
Les rues sont plus calmes que les autres jours mais c’est pas non plus un dimanche matin dans le Cotentin. Quelques kilomètres nous séparent de l’autoroute du sud, meilleur moyen de sortir de la ville rapidement. Une belle 2 x 4 voies, allant jusqu’à 6 par endroit. On prend notre place dans un traffic un peu anarchique mais les conducteurs semblent prudents, attentifs et habitués aux vélos. Et puis ils doivent bien se rendre compte qu’en cas de collision avec un de nos tanks, ils ont peu de chance de s’en sortir.
C’est tout plat avec léger vent dans le dos, on trace. Il y a beaucoup de cyclos du dimanche, et même des pelotons avec des jambes épilées. On approche de la banlieue et on se retrouve dans un fleuve de bus, ceux qui s’arrêtent tout les 500m. Y’a du monde partout, c’est hyper bruyant, sale et pollué, ça donne envie d’être à poil sur l’Aubrac. Pourquoi à poil, je ne sais pas.
Beatrice, notre logeuse, nous avait dit « ne vous arrêtez pas dans le sud de la ville c’est craignos, foncez. », Ophélie aurait même entendu » ils égorgent des licornes et violent des bébés koalas ».
On ne voit pas de raison de s’arrêter, ça ressemble à Juliaca. Les connaisseurs apprécieront. On slalome donc entre les bus et les taxis, la gorge irritée par les gaz d’échappement.
La campagne apparait au bout de 30 km après un petit col à 2900m qui met à rude épreuve le petit coeur de lapin nain asthmathique d’Ophélie. C’est une façon gentille pour dire qu’elle n’avance pas une cacahuète et que je prend beaucoup de plaisir à l’attendre en plein cagnard avec les oreilles qui saignent (la plupart des bus ont une gouttière à la place du pot, ça fait un bruit « rally »).
En haut, c’est pause giclette : coca pour Ofelia et tinto pour Federico. Le tinto est de la panela (jus de canne à sucre cuit à haute température) sur laquelle on verse un peu de café pour rendre le bouzin liquide.
La route est blindée de monde, c’est infernal, 2 cyclos nous expliquent que c’est les vacances scolaires et, qu’en plus, y’a un jour férié demain. Donc la moitié de Bogota sur la route pendant les 2 prochains jours. Youpi, comme si on roulait sur l’A6 un 15 aout.
On enchaîne avec 25 km de descente avec dépassement de poids lourd par la droite, yeahh !!
L’arrivée à Fusagasuga, notre étape du jour, est un Finish Him total. 5 km de côte plein cagnard avec la fin à base de queues de poisson de mini-bus dans un centre-ville bondée qu’on dirait une fête foraine géante avec trompettes de mariachis. Les trompettes de mariachis, on trouve déjà ça insupportable quand on est en forme, alors là c’est les trompettes du jugement dernier.
Tout ça sous hypoglycémie, le boucan de la route n’incitait pas du tout à la petite pause pique-nique. Ophélie est au bout de sa vie, elle met 10 minutes pour faire les 200 derniers mètres bien raides, en poussant, la honte. J’ai même pas eu la force de lui claquer une beigne. Et puis elle est trop mignonne avec son déguisement d’enfant de la lune.
Après un coca, on retrouve nos esprits et un hotel sympa pas cher qui donne pas sur la rue de l’enfer. Les vélos sont avec Papa et Maman dans la chambre, hors de question de les laisser dans la rue. Petite séance de squat/gainage pour les monter au 2eme étage.
Gros gros scoop : c’est pas de tout repos le voyage à vélo.
06/01/20 Fusagasuga – Espinal = 88 km / 3h36 / +300m
Le lendemain, levé à 6h, ptit dej’ à la panaderia en face et on pédale dès 7h15, à la fraîche. Belle descente de 30 km avec vue sur la cordillière des Andes. On passe de 1700m à 500m d’altitude, la température monte en flèche, 30°C à 10h… 35° dès 12h. Ca nous tue. On n’avait pas prévu d’avoir si chaud, on imagine tellement que janvier-février c’est l’hiver partout… mais proche de l’équateur, ça ne compte plus, c’est chaud tout le temps, ou chaud humide.
On arrive à 12h à Espinal et posons les sacoches dans le premier hotel venu, pas le courage de prospecter. Chambre borgne avec climatisation dans laquelle on comate toute l’après-midi, ne sortant que pour un almuerzo dégueulasse dans une moiteur insupportable avec nos amies les trompettes de Jericho. Le moral est dans les chaussettes, la chaleur et la circulation nous ont laminé.
07/01/20 Espinal – Natagaima = 70 km / 3h45 / +233m
Départ à 6h15 après un café – « croissant » à la panaderia. Les colombiens attaquent tôt le matin. La route est toute plate, on croise des flics à moto avec gilet par balle et fusil à pompe, il doit y avoir des gilets jaunes dans le coin.
Le paysage devient superbe, la T°C agréable jusqu’à 8h30 puis supportable jusque 12h-13h. On commence doucement à s’acclimater. On arrive rapidement à Nataigama et nous attablons à l’un de ces charmant petit resto de bord de route pour une assiette oeuf au plat – riz – banane plantain. La valeur sûre anti-chiasse, on n’est jamais trop prudent au début. On est chaud pour continuer et claquer 100 km mais l’urticaire d’Ophélie beaucoup moins.
L’hotel est mignon, la chambre aussi, on comate sous le ventilo, il fait 33°C. Je suis complètement obnubilé par le thermomètre.
On ressort le soir, au même moment que les colombiens qui déplacent leurs rocking-chair du salon à la rue afin de profiter de la toute relative fraîcheur nocturne. On se trouve des empenadas et des sortes de boulettes de purée frites qui se laissent bien avaler. Dur dur de trouver des fruits et légumes, les petites tiendas ne proposent pas grand-chose d’autre que le menu célibataire-fan-de-foot : chips + soda/bière. Heureusement que la chaleur nous coupe l’appétit. Quant à nous faire des pâtes avec le réchaud-que-j’aime-tant me direz-vous ? Pas du tout envie de cuisiner avec cette chaleur.
08/01/20 Espinal – Villavieja = 59 km / 4h10 / +530m
09/01/20 Visite – Repos
Comme d’hab, départ aux aurores. On déjeune dans la rue avec les gens attendant leur bus. Poulet + riz + banane plantain + café tinto, top. Le lobby de la protéine animale semble puissant ici, viande à tous les repas sinon ça compte pas.

y’a aussi un gros lobby des VTT suspendus, c’est honteux
La route est superbe et le traffic est enfin redescendu ! Et il devient même quasi nul quand on bifurque sur une piste magnifique. Ca roule bien au début et on traverse des pequeno pueblo tout kikinou. Il n’y a personne avec des kalachnikov et des pick-up plein de sac de cocaïne, Ophélie est rassurée.
Après ça devient sport, la piste est caillouteuse et les coups de cul à plus de 12% s’enchainent jusqu’à une pause coca dans le village de Potosi, homonyme de la citée minière de Bolivie. C’est calme, des chiots nous tournent autour, les gens arrosent des plantes. La patronne de la tienda installe des enceintes, on part juste à temps.
Dans une partie un peu technique impliquant un virage, une grande flaque de boue et une voiture venant de face, les capacités psychomotrices d’Ofelia font une micro-pause et elle se retrouve à terre. Elle se relève mais c’est au tour de sa lucidité de se faire la malle et une sacoche reste au sol sans qu’elle s’en aperçoive. C’est toute la beauté de l’Azub, on ne s’en rend pas compte quand y’a 10 kg de plus ou de moins dessus. Elle passe devant la voiture puis cette dernière repart, nonobstant la putain de sacoche restée par terre !!! Le gros bâtard ! Sûr qu’il l’avait vu puisqu’il était au premier plan pour admirer la cascade d’Ofelia. Et donc voilà une sacoche Ortlieb – ORTLIEB bordel – qui passe sous la roue avant puis arrière de sa putain de Dacia Duster de gros bâtard. Et pourtant j’ai du respect pour les gens roulant en Dacia. Ça se limitera désormais uniquement aux Logan bleues avec sticker Azub. Une Ortlieb quoi ! Le mec a osé faire ça. Ça aurait été une Vaude, je dis pas, mais une Ortlieb c’est sacré. C’est comme les rêves d’enfant, la démocratie, la recette de la purée ou un pneu Schwalbe (sauf le marathon+), faut pas y toucher à ces choses là.
On ramasse la sacoche avec une belle trace de pneu trop la classe de warrior. Et là, on voit bien que le dieu Ortlieb veille sur ses ouailles les plus fidèles : elle est presque intact, une boucle arrachée mais réparable et le fond déformé. Et coup de bol, elle ne contenait que des vêtements d’Ophélie et la trousse de toilette, donc que du superflue. Y’a que Fluffy (la peluche voyageuse) qui a morflé, il s’en remettra, c’est plus un choc psychologique qu’autre chose. Pauvre Fluffy, chienne de vie.
Tiens, en parlant de chien, cadeau !
On arrive ensuite dans le désert de Tatacoa. Là je laisse la parole au guide du routard.
« Un désert ? Que nenni, c’est une forêt !
Sous ses apparences rugueuses, rocailleuse et poussièreuse, cette zone de 370 km2 est, géologiquement parlant, une forêt tropicale sèche ou poussent des herbes, quelques arbustes et, bien sûr, d’inévitables cactus, dont certains atteignet d’ailleurs des hauteurs impressionnantes. Durant l’ère tertiaire, l’endroit était vraisemblablement un paradis exotique et verdoyant, avant de s’assécher peu à peu. »
Pour être sec, en effet, c’est sec. Ce désert est ceinturé par la cordillère orientale et la cordillère occidentale qui bloquent la plupart des nuages et rend le climat aride alors que, juste avant, on croise encore des rizières et des bananiers.
Le parcours est superbe mais très éprouvant, avec l’impression de rouler dans un barbecue. Merguez adore. Chipolata commence à avoir un coup de chaud et des vertiges, elle est à point. Malgré le chapeau, elle choppe des couleurs au visage juste par la réverbération du sol. De mémoire de Panardos, on n’a jamais eu aussi chaud.
On est content d’arriver en ville et de se boire 2L d’eau de jus de fruit, un délice qui nous rend toute la lucidité nécessaire pour trouver un hôtel sympa avec une piscine qui fera pssssshhhhhiiiitttt quand on mettra les pieds dedans.
On reste le lendemain pour aller visiter le désert, en tuk-tuk cette fois, pas du tout le courage de retourner se faire rôtir à vélo.
On se balade dans la partie rouge puis dans la grise, superbe. Seul des perruches dans les cactus viennent briser le silence. Le silence, enfin.
Souvenir de Bryce Canyon et de Goreme.
Finissons par les réponses aux questions d’un certain Pierrot, l’un de nos 3 followers ardennais avec Béa et un certain Michel Fourniret.
- Dis Fred, ils sont sympas les colombins ? Hihihi, colobins, hohoho ! Mon cher Pierrot, il ne faut pas croire ce qu’écrivent des paysans sauvages dans les commentaires du blog, on dit colombien. Oui, jusque là, on a croisé des gens sympas et serviables, bien que parfois trop amateurs de trompettes hurleuses. Sur la route, ils sont cools, et le reste du temps aussi. Ils ne sont pas très curieux par apport à nos vélos, ce qui n’est pas plus mal, ni par rapport à nous. Nous n’avons pas les questions habituelles « d’ou venez-vous ? », « ou allez-vous ? », » C’est confortables ? » ou le classique « Aimez-vous les gésiers de volailles ? ». On a des rapports normaux avec les gens, le pays n’est pas envahi de touristes occidentaux. En revanche, on a pas mal de mal à communiquer, ils ne sont pas faciles à comprendre, ils parlent assez vite. Nous n’avons rencontré aucun anglophone.
- Est-ce qu’ils ont tous des grands chapeaux et des ponchos ? Et ils font la sieste toutes la journée sous un arbre ? Non Pierrot, ça c’est les Mexicains
- Est-ce que c’est des gros méchants qui font n’importe quoi et qui vendent des choses affreuses très chers et qui rendent les gens dépendants/malades/morts ? Non Pierrot, ça c’est Monsanto. Ou Sanofi.
- Les routes sont en bonne état ? Jusque là oui. Mais il semble que dès qu’on quitte les axes principaux, le bitume devienne ripio amigo.
- Et la bouffe ? Ils font les œufs à la savoyarde ? Rhhhaaaa, salaud, tu n’as pas le droit de prononcer ces mots !!! Suite à un échange avec un collègue cyclo ayant voyager dans ce pays, je m’attendais à une bouffe de fou. Mais le type en question est anglais. Donc rien de folichon jusque là. C’est mieux que le Pérou/Bolivie, y’a des beaux fruits si on les trouve, des frigo, et les panaderias (boulangerie pour les boulets qu’auraient pas encore compris) sont pas mal. On tourne vite autour du poulet-oeuf-riz-haricots rouges-maÏs mais quand c’est bien fait, c’est carrément pas mal. Peut-être aurons-nous des surprises plus tard. Tu fais chier à poser tes questions maintenant, ça pouvait pas attendre ?
- Pourquoi que vous campez pas ? Pour l’instant, pas vu d’endroit propice, y’a beaucoup de barbelé en bord de route. Et puis il fait bien trop chaud, on ne roule que le matin et on s’abrite à l’hôtel l’après-midi. Et puis c’est pas cher l’hôtel. Et puis merde, ça rappelle trop le boulot le camping ! On espère ne pas trimballer nos 10 kg de matos camping pour rien, le bivouac reste un de nos gros gros plaisir. En bord de rivière, herbe rase, soleil couchant, silence, isolement, poche à eau, réchaud aui ronronne…
- Ils connaissent Michel Sardou ? Non Pierrot, pas même Adamo ou Sheila. C’est un pays bien triste.
- Mais même pas son Bercy 93 ? C’était un dieu le mec ! Je suis fatigué
A bientôt, en montagne
Merguez et Chipolata