Vingt diou ! Métro, boulot, dodo, mis à part le rêver, peut-on le souhaiter toute une vie ? Autrement dit : Un tapis roulant même joliment peinturluré, peut-il remplir un humain ? Certes, la perspective de ne jamais connaître d’anicroche d’aucune sorte a quelque chose de rassurant, de chaleureux, de soyeux, mais n’est ce pas là l’exact inverse du foisonnement de cellules plus ou moins alambiqué en amas chancelants qui nous entoure ?
On part tous les jours en fait ! Au boulot, au cinéma, en course, rejoindre sa compagne, son compagnon, on part en quête en réalité ! On aligne des objets sur nos étagères du souvenir pour en boucher les effrayants trous impossibles à raconter :
— T’as fait quoi lors de tes dernières vacances ?
— Rien, je ne suis pas parti… et toi ?
— Oh ! On est allé à Zorqlub avec les enfants ! On te montrera les photos parce qu’on a fait tant de choses que je ne peux même pas te les énumérer toutes…
On empile nos babioles (et nos congénères sont réduits à l’état de choses «code-barrables» comme le reste, plus ou moins malgré nous) ramenées de Zorglub ou d’ailleurs, instinctivement, parce que c’est ce que l’on sait le mieux faire ! Parce que c’est ce que notre organisation bêtement humaine nous apprend à faire ! Et puis, on est pas tous affublé du même bouclier pour protéger nos oripeaux. On se débat ou pas, on en a bien souvent même pas conscience (de s’agiter ou non), il y a que l’on est de mieux en mieux programmé et, de fait, sans nos lignes de code, la terreur nous envahit ! Alors, certains adoptent le langage machine et goto métro boulot dodo… Pendant que d’autres, assortis d’une meilleure armure (depuis le cinq centimètres haies originel), sont effleurés par l’effluve des fleurs, aguichés par la longueur d’onde des couleurs, et attirés par les bruits de la vie, de la nuit… au point de ne plus ressentir l’effet des gyrophares médiatiques implantés au confins de nos êtres, et sonnant le tocsin face à l’inconnu, forcément dangereux !
Quand la lumière pénètre dans la tente du chevalier, elle traverse ses paupières pour agir comme un réveil afin de remettre en route le voyageur parti en quête, s’allongeant face au monde mécanique et médiatique, se levant pour s’arracher des starting-blocks où l’avait laissé l’aïeule vainqueur de son premier combat, métamorphosé de têtard à humanoïde, ce qu’il pense être maintenant.
Mais, est-il pour autant parti le pédaleur au long cours ? Est-il parti en totalité ou bien par partie, laissant alité, tout ou bien partie de son être ? Et doit-on partir pour partir ? Il va de soi que si l’on dé-zoom l’image, que la boule bleue reprend la place qu’elle n’a jamais quittée de petit caillou de l’univers, le «bicyclettiste» n’a pas bougé en somme ! Mais la petitesse de l’humain, et c’est là son avantage, lui permet de voir des montagnes sur sa bille, et la petitesse de l’humain, et c’est là son handicap, lui met des montagnes devant ses billes ! Il part mais ne part pas. Il ne bouge pas mais bouge. Partir physiquement lui permet d’échapper à son organisation «chinoisante» qui crée les fondations de ses futurs montagnes. Il s’agit là d’un antidote efficace pour retrouver le petit grand enterré dans son caoutchouc cérébral. En effet, rester dans le métro, c’est à coup sûr devoir couper les ponts d’avec ses semblables, afin de s’évader et suivre sa quête : conflit assurés ! Alors que partir, c’est se couper de ses semblables sans heurts, c’est nourrir son corps avec leurs accords.
Regarder les autres partir, c’est voyager par procuration, c’est remplir ses étagères des souvenirs des autres à défaut des siens, c’est s’imaginer sortir du métro sans trouver les forces nécessaires pour déclencher l’ouverture de la porte et faire un pas, le premier, gosub la vallée…
Remarque : Bien sûr, il y a tant d’autres paramètres qui font que l’on ouvre ou non la porte, bien sûr il n’y a personne à blâmer de ne pouvoir être, il y a juste la tentation d’être humain, d’avoir sa bibliothèque à soi, pas celle d’un bulldozer ou d’un clown (clone ?) distributeur de sandwiches et «digéreur» de rêve de vie… de vie du coup, de vie surtout…
Texte de notre ami Frisounette
Cré vin-diou…
J’en ai mal au crâne que de lire ces élucubrations… qui devraient se traduire en une phrase : Cesse de parler et appuie sur les pédales…
‘fait trop froid dehors…