En Nabab à Baklan

 

  • 19/05/16  Bayiarlant – Baklan = 52 km / +750m
  • 20/05/16  Baklan
  • 21/05/16  Baklan – Dinar = 75 km
  • 22/05/16  Dinar = glandouillage

 

Avalanche de commentaires sur le dernier article ! Merci ! Ceci dit, vous allez être très déçu car aucun bras n’a été arraché, aucun être humain ni chien n’a été abusé sexuellement, Ophélie n’a pas subi le coup de la corde à linge ni empalé un kangal avec son pédalier, et le docteur était loin d’être un homme musclé peuplant les rêves d’ardennaises en rut. Non, rien de tout ça, juste une belle histoire. Un peu chiante du coup mais au moins on est entier.

Ah, vous vouliez du sang bande de sacripants !  Avouez !

*** Suite du précédent article ***

…A la sortie d’un village, au niveau de l’intersection avec la route, j’attends Ophélie. Elle n’était qu’à 50m derrière mais rien ne vient dans le rétroviseur. Bizarre…

Je fais demi-tour et trouve Ophélie au milieu d’un attroupement et en pleine discussion avec Aïcha, docteur dans un village voisin. Elle parle anglais et nous explique que c’est un honneur de nous inviter à boire le thé. On s’attable donc avec elle et le maire du village. On explique notre voyage et elle traduit à l’assemblée qui nous prend en photo pour nous mettre sur leur Facebook immédiatement.

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Ce 19 mai est un jour férié en Turquie, en l’honneur de la jeunesse et du sport si on a bien compris. On est dans le thème !

Après, tout s’enchaîne très vite et on se laisse porter par le flot et la tornade Aïcha :

  • Le Maire du village fait apporter son Kangal mâle, l’un des plus gros de la région. Il n’a que 2 ans et s’appelle Rambo. Impressionnant mais adorable. Comme le vrai Rambo. P1090519
  • On prend un autre thé et une infusion à la sauge. DélicieuxP1090515
  • On se fait escorter vers Baklan, un village à 12 km ou se prépare un festival. Docteur Aïcha en Doblo devant, une voiture derrière et des motards autour. Un vrai convoi présidentiel. Là, on se dit que c’est la 2eme fois qu’on se fait escorter sur la route par un docteur. On espère que ça va mieux finir que la dernière fois en Argentine : On a dormi dans une poubelle
  • Sur place, on monte à la Mairie et sommes présentés au Maire/Gouverneur de la province dans son grand bureau. Ils nous servent un café turc et nous offrent des beaux foulards. Ils sont très heureux de nous accueillir, c’est pas tous les jours que des étrangers passent par ici.IMG_3450
  • On grimpe ensuite dans le Doblo (c’est pas un 1.9L JTD ELX mais c’est pas grave) et ils nous emmènent dans la montagne à plus de 2500m pour admirer le plateau anatolien.IMG_3478
  • Ensuite, ils nous invitent au resto et on se gave régale : soupe de poulet, salade, baklava, plat de viande, d’œufs…

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  • Aïcha nous emmène alors dans son hôpital ou nous dormirons. Elle nous présente à tout le monde, c’est amusant. On fait aussi connaissance avec la douche « Claude François 2.0 », encore plus dangereuse que sa collègue Bolivienne. L’eau est chauffée en directe et ça fuit de partout. Je me prends un violent coup de jus en essayant de revisser le tuyau et on prend finalement la « douche » à l’eau froide.
  • On file ensuite en ville pour un paquet de thé, une fanfare et une retraite au flambeau. Durant tout le week-end, c’est la fête à Baklan ou ils commémorent une bataille entre Ottomans et Byzantins dans les années 1200, comme vous le savez tous.IMG_3488
  • On a aussi droit à une visite de la Mosquée avec l’Imam et son épouse. Cette dernière nous montre des photos de son mari en toge lors de leur pèlerinage à la Mecque, elle est morte de rire, elle se fout de sa gueule ! Ils nous expliquent le fonctionnement de la Mosquée, les 5 prières par jour, mixtes, femmes sur la mezzanine, hommes en bas. Ils pratiquent un Islam très modéré et ouvert ici. La pression religieuse n’est vraiment pas forte.IMG_3516
  • Enfin au dodo ! Quelle journée ! On nous aura offert une vingtaine de thé et présenté à une centaine de personne.

Le lendemain, Aïcha n’a pas besoin d’insister beaucoup pour qu’on reste. Après un petit déjeuner de type Club Med, elle nous dépêche Ahmed, le gardien de l’hôpital, pour nous servir de guide.IMG_3535

Il nous emmène marcher dans la montagne ou nous verrons un gros lièvre, des bousiers en plein travail, une mue de serpent, des champs de pavot, des paysans à l’œuvre et un Kangal un peu flippant avec sa peinture rouge sur l’encolure. Nous irons prendre le thé avec Osman au milieu de nulle part , puis un autre chez Ahmed, puis le repas dans le même resto à tomber d’hier.

Ahmed nous emmène ensuite voir un lac artificiel, un endroit un peu glauque mais dont ils semblent fiers. On monte donc à 3 sur une mobylette : Ophélie dans le side-car et moi derrière Ahmed. Dire que, juste avant, on a refusé une invitation à faire du cheval car on trouvait ça dangereux…

On rentre, claquons une sieste et Aïcha-l’infatigable vient nous chercher pour la suite : un spectacle de danses traditionnelles et un concert. Avant ça, on va, devinez quoi, boire plein de thé avec des gens. On nous offre aussi un paquet de lokma (beignets au sirop, très bon filon pour les dentistes) que nous n’avons pas le droit de refuser. On voudrait leur dire qu’on va finir par pisser du caramel mais c’est pas dans notre guide de conversation. Du coup, ça nous fait notre repas du soir.

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On assiste au très sympathique spectacle et retournons nous coucher à l’hosto. Là, mauvaise nouvelle, Aïcha nous explique que le Maire ne veut pas qu’on dorme ici ce soir pour des raisons de sécurité un peu floues, genre « oui, si il arrive quelque-chose, vous serez responsables. Et puis vous avez vu, il y a des gendarmes sur la route et ils cherchent des terroristes ». Rien compris. Alors on déménage à 23h chez Aïcha, juste en face et découvrons les toilettes turcs 2.0.

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Le lendemain, après au autre p’tit dej Club Med, on décide de repartir malgré la proposition d’Aïcha de rester. Elle insiste une dernière fois pour nous acheter des parapluies car il va pleuvoir dans l’après-midi et nous offrir des couvertures car on aura froid en Iran (???!!!). On a passé un super séjour à Baklan mais c’est hyper crevant pour des asociaux comme nous.

A 10h30, on est sur les vélos et retrouvons la campagne anatolienne. On a rien dans les jambes mais arrivons tout de même rapidement à Dinar. On craque une fois de plus pour un hôtel, pas cher grâce à Negociator Ophélie. Et on y reste tout le lendemain pendant qu’il pleut dehors. Le matelas en chatons désossés est vraiment trop confortable et on avait sacrément besoin de ne rien faire. Et de mettre à jour ce carnet de bord en ligne.

Les Pieds en Turquie

 

  • 13/05/16  Le Pirée – Samos en ferry
  • 14/05/16  Samos – Kusadasi (Turquie) en bateau
  • 15/05/16  Kusadasi – Sultanhisar = 103 km
  • 16/05/16  … – Pamukkale = 102 km
  • 17/05/16  Pamukkale = visite
  • 18/05/16  Pamukkale – Bayiarlant = 36 km / +1300m !!
  • 19/05/16  … – Baklan = 52 km / +750m

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On quitte donc mon père et le Pirée et embarquons dans un gros ferry. Sur le port, il y a un paquet de réfugiés. En les observant du bastingage, je me dis à nouveau qu’on est vraiment des veinards d’être né au bon endroit.

Le ferry part à 16h pour nous débarquer à Samos à 3h du matin. Génial comme horaire, t’es sur d’avoir une bonne nuit réparatrice. Grâce à notre expérience du ferry Lidl à Venise, on se chope fissa 4 fauteuils et une table et passons une bonne soirée. En collant 2 fauteuils face à face, ça fait un p’tit lit confortable, faut juste prendre son temps pour se déplier quand on se réveille, histoire que tout soit dans le bon sens. Quel bonheur le doux bip bip de la montre à 2h30.

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A Samos, on n’a aucun plan pour dormir, on se disait qu’on allait trouver un coin sympa pour poser la tente et faire une grasse matinée. Mais on n’avait pas prévu qu’il ferait nuit à 3h du matin et que la nuit, bah on voit que dalle. C’est dingue non ?  Alors on file vers la ville, tentons notre chance à l’hôtel, des fois qu’il ferait 80% de réduction, et finissons finalement sur des bancs, à peine abrité d’un vent très fort.

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On arrive quand même à pioncer jusqu’à 8h, bercé par le clapot des bateaux de pêche et le tintement des canettes de bière roulant sur le trottoir (n’oublions pas qu’on est en Grèce). Le bateau pour la Turquie ne partant qu’à 18h, on passe la journée entre boulangerie, bar, resto et banc, à l’abri du vent et de la pluie. La pluie, on en aura eu plus en 3 semaines de Grèce qu’en 4 mois d’États-Unis. Ils sont trop fort les ricains, même en météo.

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Ensuite, c’est un petit bateau qui nous emmène sur les rives occidentales de la Turquie, à Kusadasi. Un coup de tampon par un douanier accueillant et souriant comme Bernard Cazeneuve et nous partons en quête d’un logement. On est trop fatigué pour jouer les économes et allons au 1er hôtel. On tombe sur Mr Happy le gérant, un gars en or qui adore les cyclistes.

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On négocie une chambre à 20€ avec le petit déjeuner. Et quel petit déjeuner le lendemain matin ! Sur le toit de l’hôtel avec vue sur la mer : œufs au plat, tomates, concombres, olives, fromages, pain, confiture, nutella, miel, fruits frais et thé/café à volonté. Tout un tas de bonnes raisons nous faisant décoller qu’à 11h.

On attaque d’emblée par une côte et on sue en partie à cause de la chaleur, en partie à cause de ce qu’on trimballe dans nos bides. Arrivés en haut, on se tape l’arme ultime des coups de pompe : un coca frais. C’est là qu’on se transforme en machine à pédaler et on avale les 100 km avec cette seule pause, sans rien manger.

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On roule sur de la 2 x 2 voies à gros trafic et traversons des grandes villes, dont l’une de près de 400 000 habitants. Une horreur mais c’est plat et on a le vent dans le dos. C’est notre 1er jour en Turquie et on n’est pas du tout chaud pour faire un bivouac le soir. Surtout que les gens nous disent que c’est dangereux, qu’il faut faire gaffe. On saura par la suite que c’est faux.

Alors on vise un hôtel. Le mec réclame 55€ avec petit dej, on dit 30€, il refuse et accepte quand on repart (Ophélie retenant ses larmes). Chambre grand luxe avec un matelas d’un confort attachant. Imaginez un tapis de petits chatons désossés et fourrés de ouate, c’était exactement ça. Sans les affreux miaulements, heureusement.

Au p’tit dej, on rentabilise comme on peut mais l’estomac n’est pas extensible à l’infini. Contrairement à la croissance économique.

On n’avait pas prévu de dormir autant à l’hôtel mais on en avait besoin et on arrive jamais à être accueilli par le biais de Warmshower : pas de réponses ou réponses négatives, à chaque fois. Italie, Grèce et Turquie, même combat, on fait choux blanc. Espérons que la roue tourne.

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Pamukkale en vue

Le lendemain, rebelote, re 2×2 voies pourri, re-coca, re-machines à pédaler et re-100 km pour arriver à Pamukkale, avec un finish infâme sur du 12% en pavé. On se dirige vers un camping quand on est interpellé par Suleyman le gérant d’un hôtel. Il parle anglais et on commence les salamalecs. Au bout de 20 minutes, le prix de la chambre est divisé par 2 et nous raquerons 40 € pour 2 nuits avec petit déjeuner. J’avais pas le cœur à baisser plus, nous sommes les seuls clients de l’hôtel.

Malgré les 100 bornes, il est encore tôt et on va flâner en « ville », si tant est qu’une ville puisse être composée pour moitié d’hôtels ou de restaurants. Ce site attire du monde le week-end et en saison et nous comprendrons pourquoi le lendemain.

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On décide d’y aller en fin d’après-midi pour avoir la plus belle lumière. C’est vraiment un endroit étonnant, Pamukkale veut dire « château de coton » en turc. C’est entièrement naturel : l’eau jaillit de 17 sources, plus ou moins chaudes, et dépose du carbonate de calcium qui se solidifie ensuite, formant une tufière. La matière ressemble presque à de l’os. On avait déjà aperçu ce phénomène à Yellowstone, en moins jolie.

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Ici, c’est d’un blanc presque pur, mis en valeur par le bleu des bassins et le vert de la vallée en contrebas.

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En haut, il y a les vestiges de Hiérapolis, une cité thermale antique. Le théâtre est dans un état remarquable, contrairement au temple d’Apollon dont il ne reste que les fondations. Mais bon, faut pas charrier, l’Apollon il a déjà un super temple à Delphes.

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Il y a aussi une piscine antique. C’est un truc à touriste, vraiment pas donné mais on s’est fait plaisir sans regrets. Au fond du bassin, il y a de véritables colonnes de l’antiquité et l’eau est celle des sources, à 36°C. Ça nous remet les jambes d’aplomb pour la suite.

Et il valait mieux vu le profil de la route sur Openrunner : 12 km de montée à plus de 10% de moyenne ! Mais c’est ça ou la 2×2 voies sans intérêt. On appréhende beaucoup cette étape : peur de la chaleur, peur de ne pas trouver de ravitaillement, peur que ça soit trop dure. Des peurs à la con. En fait, ça se passera au poil.

On ne part qu’à 9h30, il fait déjà 25°C mais ça se refroidira avec l’altitude et le vent. L’échauffement consiste en 1 km à 8%, ensuite on attaque le sérieux : 10% la plupart du temps, des passages au delà de 16% et un défi à 18%. Ophélie ne poussera le vélo qu’une seule fois mais je suis obligé de la dénoncer.

Ça fait du bien de se retrouver seul sur la route. Un gars donnera des fruits à Ophélie (moi, j’peux crever), l’occasion de gouter un truc inconnu : l’azerole. Un délice, et je dis pas ça juste parce que c’était gratos.

On finit de grimper au milieu des pins, à plus de 1200m, et arrivons sur le plateau Anatolien. On continue un peu au milieu des champs et des villages turcs hors du temps : femmes en pantalon bouffant, vieillards en costume marchant péniblement avec une canne, vieux tracteurs, petites fermes en plein village. Les gens sont souriants mais semblent un peu timides parfois. On se plait à penser qu’on est les premiers vélos couchés à passer par ces routes qui ne sont même pas indiquées sur notre carte. On navigue au GPS, il n’y a pas de panneaux.

Le bitume s’arrête, le vent se lève, le tonnerre gronde et la pluie nous fonce dessus. On se croirait sur notre Carretera Australe chérie, nostalgie.

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L’averse passe rapidement, on fait le plein d’eau de source au village suivant et posons la tente à 16h dans un coin sympa, entre champs de blé vert et champs de sauge. On s’endort comme des masses et faisons le tour du cadran malgré 2 visites de nos amis les Kangals : le fameux chien de berger du coin, aussi appelé « lion d’Anatolie », l’un des rares clébard à faire le poids de mon vélo avec les sacoches. Ceux-là viendront aboyer près de la tente, rien qu’au son, on devine que c’est pas des yorkshires. Ils ont l’air beaucoup moins bête que les chiens grecs et partiront en me voyant sortir de la tente. En boxer et avec la lampe frontale, ils ont du me prendre pour un extra-terrestre.

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Il ne fera que 6°C sous la tente, un délice après ces jours de chaleur.

Le lendemain, on avance cahin-caha au milieu de la campagne anatolienne. A la sortie d’un village, on goute enfin à l’accueil turc, on commençait à désespérer. Un groupe de vieux attablé à un bar nous invite à boire le çai (thé). On fait la connaissance de Mehmet, Yusuf et consort, autant qu’on peut avec nos 3 mots de turcs et mes notions d’allemand. Pas facile de parler quand on ne sait dire que « bonjour », « au revoir », « merci », « 15 », « ou sont les gésiers » et « avez-vous un tiroir ». C’est hyper frustrant de ne pas pouvoir communiquer pleinement. Un 2eme thé et nous repartons en serrant les mains de tout le monde. Des mains calleuses, certaines manquant de doigts. Des mains d’anciens paysans.

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Une pause dans un autre village ou nous faisons quelques courses dans une gargote. Comme au Pérou, on ne trouve que des cochonneries (chips, Fanta, gâteaux…) et presque aucun fruits et légumes. Mais il y a tout de même des frigos et on se tape un peu de fromage et de yaourt pour enfants.IMG_3446

On nous offrira le thé et le café, trop sympa les vieux. Je sais pas comment ils font avec cette chaleur pour rester en chemise-pull-veston-pantalon-béret.

On redescend un peu et décidons de rejoindre un plus gros axe, histoire de profiter d’un bon goudron et du plat. A la sortie d’un village, au niveau de l’intersection avec la route, j’attends Ophélie. Elle n’était qu’à 50m derrière mais rien ne vient dans le rétroviseur. Bizarre…

La suite, c’est une histoire mêlant un docteur, un kangal et un séjour à l’hôpital.

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A bientôt